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Citations sur Berthe Morisot : Le Secret de la femme en noir (56)

Manet n’est guère habitué à voir des femmes peindre. Il vit au milieu d’un cercle d’artistes, tous des hommes, où les femmes sont des modèles, des amies, des compagnes – jamais des alter ego. Il ne manifeste d’abord qu’un intérêt mineur pour le travail de Berthe, il ne paraît pas captivé par sa peinture. Sans être du tout misogyne – il aime passionnément les femmes –, il souffre d’un a priori les concernant. Il est probable qu’il ne les croit pas capables, à supposer qu’elles puissent avoir une âme d’artiste, de la volonté et de la force nécessaires à la création, sinon à la carrière. Il connaît toutes les difficultés du long chemin qui conduit à l’art, il ne conçoit pas qu’une femme se lance dans un pareil combat. Il aura cette phrase, assez méprisante, dans une lettre qu’il écrit, quelques mois après la rencontre, à Fantin-Latour : « Je suis de votre avis, les deux sœurs Morisot sont charmantes. C’est fâcheux qu’elles ne soient pas des hommes. Cependant, elles pourraient, comme femmes, servir la cause de la peinture en épousant chacune un académicien, et en mettant la discorde dans le camp de ces gâteux. »
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Quolibets, insultes pleuvent lors de la deuxième exposition du 30 mars au 30 avril 1876 du nouveau groupe des peintres avant-gardistes.
Albert Wolf dans Le Figaro écrit un article particulièrement méchant :
« La rue Le Peletier a eu du malheur. Après l’incendie de l’Opéra, voici un nouveau désastre qui s’abat sur le quartier. On vient d’ouvrir chez Durand-Ruel une exposition, qu’on dit être de peinture. Le passant inoffensif, attiré par les drapeaux qui décorent la façade, entre, et à ses yeux épouvantés s’offre un spectacle cruel. Cinq ou six aliénés, dont une femme (il s’agit de Berthe Morisot !), un groupe de malheureux atteints de la folie de l’ambition, s’y sont donnés rendez-vous pour exposer leurs œuvres.
Il y a des gens qui pouffent de rire devant ces choses. Moi, j’en ai le cœur serré. Ces soi-disant artistes s’intitulent les intransigeants ; ils prennent des toiles, de la couleur et des brosses, jettent au hasard quelques tons et signent le tout. C’est comme si les pensionnaires de Charenton ramassaient les cailloux du chemin, croyant trouver des diamants. »

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Monet racontera un jour à Berthe, devenue son amie, ce que lui confiait Boudin : "Nager en plein ciel, suspendre ces masses, au fond bien lointaine dans la brume grise, faire éclater l'azur". p 53
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"Fixer quelque chose de ce qui passe." Son intention d'artiste, définie dans sa jeunesse, prend toute son envergure. Obsédée par la fuite du temps, à travers ses signes, sur son propre visage, Berthe Morisot montre la cruelle mélancolie du vieillissement. On ne possède pas sa vie. Elle s'enfuit, à peine commencée. Et il ne reste que quelques images : celles que l'art réussit à dérober à une destinée.
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Les spécialistes donnent souvent Claude Monet comme figure de proue de l'Impressionnisme. Non seulement parce que son tableau "Impression, soleil levant", à la première Exposition, fut, par accident, éponyme du mouvement. Mais parce que sa manière de peindre, par touches allusives, incarne le mieux la rupture de ces artistes : leur volonté de voir et de dire autrement. Si Manet conserve un culte pour le dessin classique et une volonté de respecter les Anciens, Monet innove, Monet bouscule les idées reçues, Monet est révolutionnaire. Ces deux presque homonymes, qui appartiennent à la même confrérie et sont amis de longue date, s'opposent dans leur art aussi radicalement que leurs vies, leurs sentiments les rapprochent. Manet aime le noir, Monet surtout les couleurs vives ou tendres. Manet peint lisse et fort, Monet tremblé ou irisé. Manet exprime une vision simple et puissante. Chez Monet, elle est multiple et plutôt suggérée. Manet, quoique ses contemporains en aient dit, est encore un classique. Il aime et copie des maîtres - Goya, Velasquez, Le Titien - , dont ses toiles portent toujours l'influence : il a le génie du regard et celui de l'interprétation. Tout ce qu'il peint est original et révèle un don magistral de la représentation. Monet navigue vers l'inconnu. Le sujet qui l'inspire a moins d'importance que ce qu'il ressent. L'extérieur n'est qu'un prétexte à un envol vers l'imaginaire ou vers les tréfonds intérieurs. Homme, femme, jardin, nénuphar ou cathédrale sont des débauches de couleurs, des vibrations mystérieuses, des coulées vertes ou bleutées d'émotions. Manet incarne. Monet désincarne. Le premier construit. Le second envoûte. L'un est architecte ou sculpteur. Le second, magicien de la couleur. (p. 216-217)
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Il y a de la fierté dans ce visage de femme qui ne sourit pas, dans ce port de tête altier, dans ce regard calme et sur. Une fierté que le bouquet de violettes pourrait démentir, mais il sied à son air à la fois sincère et farouche.
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(p. 338)

Lorsqu’elle se plaint de « ne pas bien travailler », elle est sincère et en cela d’autant plus touchante. Il ne faut voir dans les jugements drastiques qu’elle porte sur sa peinture aucune fausse modestie, mais une conscience claire de cet écart terrible qui existe entre son rêve ou sa volonté et l’image que lui renvoie la toile. (…) Elle croit à une Vérité, à un sens supérieur de l’Art. Aussi comme artiste ne professe-t-elle aucune certitude. Le doute du créateur l’habite du premier jusqu’au dernier jour.
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Comment en société, cet être passionné, voué à un sacerdoce, pourrait-il être ce que les jeunes filles bien élevées sont priées d'être : dociles, exquises, décoratives, de petits caniches de salon. Souvent sombre ou acerbe, peut-être parce que le temps consacré au monde est pour elle du temps perdu, Berthe ne s'épanouit que dans la compagnie des artistes. (p. 68)
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C'est une femme en noir : le chapeau, dont les rubans s'enroulent autour de son long col de cygne, et la robe à peine échancrée sur sa peau mate ont l'éclat lustré des ailes du corbeau. Le noir a coloré les yeux, sans pour autant effacer leur reflet d'or : le regard qu'ils portent sur la vie est mordoré et chaud, étranger à tout cet attirail funèbre que la femme arbore avec élégance et désinvolture. Un linge blanc transparaît sous le corsage, laissant un triangle de peau nue. Tandis que les cheveux châtains, en désordre, pleins de mèches rebelles, s'échappent du chapeau, la bouche aux lèvres charnues ébauche une petite moue, mi-câline, mi-boudeuse. Le teint doré, comme le fond de ses yeux, évoque le soleil, l'Espagne, on ne sait quel passé à Tolède ou à Cordoue. Sur sa poitrine, au lieu d'un bijou, elle porte un bouquet de violettes.
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Pas plus qu'avec l'art officiel, Berthe ou Mary ne transigeront avec le monde viril, son inspiration, son ambition, ses joutes. Malgré leur communauté de sujets - l'enfant, la femme, la famille -, leur pinceau, propre à chacune d'elles, ne permet pas plus de les confondre que celui de Renoir avec ceux de Monet ou de Degas. Le pinceau de Mary Cassatt cerne davantage, pousse le sujet vers l'avant et exprime une prédilection pour le blanc. Berthe Morisot est plus colorée, plus rapide : sa manière de peindre qui se pose à peine sur la toile, reste unique. Légère, elle évolue vers toujours plus de liberté et plus de lumière. Un jour, le trait ne sera plus que suggestion pure. (p. 216)
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