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EAN : 9782021397932
312 pages
Seuil (06/09/2018)
4.1/5   5 notes
Résumé :
L'inquiétude produite par les attentats récents et par le départ de centaines de jeunes vers la Syrie a suscité un déferlement d'analyses, dont le caractère foisonnant masque l'absence quasi complète de données à grande échelle sur ceux qui épousent la cause djihadiste.
C'est cette lacune que vient combler cette enquête, la plus fouillée à ce jour sur le sujet. Fondée sur l'étude systématique de 133 dossiers judiciaires de mineurs poursuivis pour des affaires... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

C'est un ami sur Babelio, daniel_dz (Dzierzgowski), qui, à l'occasion de mon billet du témoignage de Laura Passoni "Au coeur de Daesh avec mon fils", (le 13 janvier) m'a conseillé cet ouvrage, un tuyau pour lequel je lui remercie.

Quand bien même si Daesh a encaissé de sérieux revers, la thématique des volontaires occidentaux dans les rangs de Daesh reste d'actualité. Hier, la ministre belge à l'Asile et la Migration, Maggie de Block, a délivré 2 visas humanitaires aux enfants mineurs d'ex-combattantes EI (État Islamique) emprisonnées dans des camps en Turquie. La droite politique conteste cette initiative, mais elle a été ordonnée par un juge, qui estime inadmissible que des petits enfants traînent dans des camps insalubres par la faute de leurs parents.

Laurent Bonelli est l'auteur de l'ouvrage qui a fait sensation à sa parution, en 2008, "La France a peur : Une histoire sociale de l'insécurité".

"Une sociologie des jeunes djihadistes français" tel est le sous-titre de cet ouvrage de 2 spécialistes de l'université de Paris-Nanterre. Laurent Bonelli, maître de conférences en sciences politiques et Fabien Carrié, docteur en sciences politiques à cette même université.

"N'importe quel bavard a son idée arrêtée sur la « radicalisation » et sur le terrorisme. Désormais, il est possible de confronter toute cette glose à la réalité des dossiers instruits par la justice française. Et on découvre alors la place réelle qu'occupent l'échec scolaire, les réseaux sociaux, la volonté de provoquer, la sexualité, la religion dans le basculement de milliers de jeunes vers la violence".
Ce paragraphe résume à merveille le contenu de l'ouvrage. le résultat d'une recherche approfondie de ces dossiers de la justice, en particulier les milliers de dossiers constitués dans le cadre de la P.J.J., la direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

Mais attention, les auteurs préviennent le "lecteur pressé", que "toute enquête de science sociale doit d'expliciter la construction de son objet, ses hypothèses et sa méthodologie." (page 25). En d'autres termes, les premiers chapitres contiennent pas mal de définitions et précisions qui sont indispensables à une interprétation correcte de leurs thèses, ce qui n'est, bien entendu, pas d'une lecture très facile.

Bonelli et Carrié citent de nombreux exemples de jeunes des 2 sexes qui soient partis en Syrie/Irak rejoindre les forces de Daesh ou Hayat Tahrir al-Cham (Organisation de Libération du Levant). Ce qui pour nous est intéressant c'est de prendre connaissance des motivations personnelles de ces djihadistes. Les facteurs déterminants sont le contexte familial, le déroulement des études, les fréquentations et les passages sur certains sites d'internet.

Me basant sur des multiples cas cités, je pourrais faire le portrait-robot d'un djihadiste. Appelons le Mohammed.
Mohammed est le 3ème enfant de parents maghrébins (Algérie, Maroc, Tunisie), immigrés en France, où le père a un bon job dans le bâtiment et la mère s'occupe de sa famille de 5 enfants, tout en faisant de temps en temps des petits travaux de ménage dans le voisinage. Pour le couple Noûr et Ibrahim les études de leurs enfants constituent la meilleure garantie d'une vie meilleure. Mohammed fait de son mieux à l'école et a de bons résultats, jusqu'en 5ème année, où il éprouve des difficultés à suivre et doit doubler son année. Il vit mal cette déception et se sent un raté, particulièrement comparé à son frère aîné Youssef qui vient de réussir sa 1re année d'architecture à l'université de Lyon, et sa soeur Maryam, qui s'est inscrite en première année de psychologie à la même université que son frère.

Mohammed est foncièrement déçu dans ses études et souffre du décalage entre ses résultats et les attentes parentales en lui. Il se replie sur lui-même, passe le gros de son temps sur Internet et visite de plus en plus fréquemment des sites islamiques. Il se rebelle ainsi contre sa famille pour qui la religion n'a que peu d'intérêt. Lorsque quelques mois plus tard, il rencontre sur le net, la belle Fatima qui vient de se convertir à un mouvement salafiste, toutes les conditions sont remplies pour entreprendre la "hijra", le déménagement en terre d'islam. Ils se marient en vitesse et partent pour Raqqa, la capitale du califat d'Abou Bakr al-Baghdadi.

Il s'agit d'un exemple fictif, mais qui regroupe l'essentiel des motivations des jeunes qui se lancent dans un tel périple. Les auteurs ont raison de souligner un autre aspect non négligeable dans le départ pour la Syrie qu'ils appellent une "seconde chance". Dans mon exemple : Mohammed, en partant, veut démontrer qu'il n'est pas inférieur à Youssef et Maryam, que ses parents ont tort de ne pas vivre selon les préceptes islamiques et à qui il veut donner le bon exemple, que les études sont secondaires par rapport à l'application des croyances.... et de la solitude il passe en la compagnie de la séduisante Fatima.

Une affirmation de Bonelli et Carrié qui m'a frappée est le rôle des fameux prédicateurs, tels Omar Diaby Omsen, Rachid Kassim de Roanne, (mort en juillet 2017 dans un bombardement américain près de Mossoul en Irak) et le Belge, Jean-Louis Denis, surnommé le soumis, libéré le 8 décembre dernier de la prison d'Ittre en Wallonie après 5 ans d'incarcération pour sa propagande djihadiste et son incitation des jeunes à partir pour la Syrie, qui selon eux a été fort exagéré. Leur argumentation m'a tout à fait convaincu : ces prédicateurs étaient loin et un échange de vues avec eux exclut, tandis que sur les sites "spécialisés", il y avait un nombre pléthorique de conseillers moins connus, mais qui pouvaient être cruciaux dans un certain contexte.

Si l'on ne craint pas de lire un ouvrage académique, je peux absolument recommander le livre de Laurent Bonelli et Fabien Carrié, qui ont réalisé un travail immense en épluchant des tonnes de documents et en distillant selon des critères rigoureux des constatations et conclusions qui enrichissent superbement nos connaissances dans ce domaine complexe et à part. Leurs nombreuses notes de bas de pages vous permettent en plus de trouver des ouvrages très pointus et peu connus.
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critiques presse (3)
LaViedesIdees
18 décembre 2018
Laurent Bonelli et Fabien Carrié nous invitent à pénétrer sur un terrain inédit pour mieux comprendre les logiques sociales de la « violence politique à référence islamiste ». Pour ce faire, les deux auteurs ont pris le parti de travailler sur 133 dossiers de mineurs signalés à la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) pour implication dans des affaires de terrorisme ou pour « radicalisation ».
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
LeMonde
12 octobre 2018
Laurent Bonelli et Fabien Carrié ont épluché les dossiers judiciaires ou sociaux de mineurs radicalisés pour en comprendre la trajectoire.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
05 octobre 2018
Enquêter oblige à une certaine exigence: expliquer d’où l’on parle, expliciter de quoi l’on parle et montrer comment l’on chemine. En la matière, «la Fabrique de la radicalité» de Laurent Bonelli et Fabien Carrié est un modèle du genre et vient compléter avec brio les quelques enquêtes dont nous disposons désormais sur les logiques de la «violence politique à référence islamiste».
Lire la critique sur le site : Bibliobs

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