Le triste épisode du Champs d'asile est de ceux que l'histoire a presque effacé. Il se résume en quelques mots : une poignée de grognards immigrés aux Etats Unis, rescapés de la restauration des Bourbons, s'installent au Texas fonder une colonie censée devenir le point d'ancrage d'un nouvel Empire napoléonien. L'aventure, ou plutôt le calvaire, tourne court et finie comme son principal instigateur, le général Charles Lallemand, dans le dénuement, misérable et oublié de tous. Napoléon, comme l'on sait, mourra à Sainte-Hélène.
Les auteurs ne cachent en rien le peu d'intérêt que revêt le champs d'asile : "Le Champs d'asile, beaucoup de bruit pour rien ? Un voyage avorté, une citée mort-née, des illusions laminées. Un échec lamentable, un épisode pathétique, un évènement au fond anodin. Risquons le mot : insignifiant".
Il faut donc bien du talent pour transformer un évènement insignifiant en récit de 262 pages qui intéresse le lecteur.
Anne Boquel et
Etienne Kern échouent malheureusement et ce pour plusieurs raisons.
Il y a tout d'abord un choix narratif peu judicieux. Ce n'est ni un roman historique, et contrairement à ce que promet la 4ème de couverture il ne se lit pas comme tel, ni un ouvrage historique malgré la qualité du travail de recherche. Là aussi les auteurs sont honnêtes avec le lecteur et assument leur parti pris l'expliquant longuement en post-scriptum. On ressent une certaine humilité d'ailleurs. Leur ouvrage serait un « non fiction narrative book ». Ils ne cherchent donc ni à faire du Champs d'asile une aventure de personnages romanesques (point de dialogues par exemple) ni à dresser la chronologie complète des faits historiques dans toute la rigueur de leurs sources. Ces dernières bien maigres n'auraient peut être pas suffit. C'est donc un entre-deux peu valorisant.
L'organisation du livre en 5 actes d'une tragédie n'aide pas. On comprend le fil conducteur mais il est un peu factice. Contrairement à la tragédie il n'y a point de fatalité dans le désastre du Champs d'asile. le découpage en pas moins de 70 chapitres ne parvient pas non plus à donner du rythme à un récit ou rien ne se passe en réalité. le style enfin s'enfle de mots, de réitérations, de répétitions, de transitions poussives. Certains y verront peut être du souffle, j'y trouve du remplissage.
En épilogue les auteurs tente de justifier leur sujet. Ils en dressent un enseignement universel sur la manipulation sectaire allant même jusqu'à faire le lien osé jusque Waco…Cela ne sauve pas l'ouvrage.
Alors, comme les grognards du Champs d'asile floués par Lallemand, le lecteur se sent lui aussi trompé par une promesse non tenue.