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EAN : 9782743660765
304 pages
Payot et Rivages (23/08/2023)
3.72/5   74 notes
Résumé :
Au nord de la Russie, au bord de la mer Blanche, Maria, une jeune infirme, née au lendemain de la Révolution, apprend à survivre. Au fil des années, ballotée de région en région, elle s’illustre par son courage. Après la perte de ses êtres chers, elle se retrouve à Léningrad dont elle affronte le blocus par les forces nazies avec abnégation. En charge de douze orphelins, elle mettra tout en œuvre pour les protéger jusqu’à se sacrifier pour les sauver de la famine et... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Rentrée littéraire 2021 #5

Pour suivre l'odyssée de Maria à travers la Russie / URSS post révolution bolchevique, il faut accepter le tempo du roman, il faut d'abord dompter l'exaltation d'une langue française poussée dans ses retranchements, essorée, tordue, enflammée par une ponctuation spectaculaire mitraillant le texte de points de suspension, d'exclamation, dans une mitraille de phrases brèves, parfois nominales. Mais une fois cet effort concédé, un texte retentissant à l'empreinte puissante s'ouvre à nous.

On se perd parfois dans les déambulations de Maria qui la mène jusqu'au siège de Leningrad mais jamais sa présence incandescente ne nous quitte. Un des plus beaux personnages féminins lus depuis longtemps. Maria, vouée à ne pas survivre dans une Russie rongée par la famine, née faible et boiteuse dans une famille misérable au nord de la mer Blanche, achetée contre quelques poissons par ces frères à une marraine qui deviendra son phare. Une simple d'esprit mais pas simplette. Juste un coeur pur qui suit ses intuitions, prend le monde tel qu'il est et s'y adapte. Un élan naturel vers l'autre, sans jamais vouloir le posséder ou le juger, juste posée là en observatoire des passions des autres ( notamment Anna, son opposée polaire qui, elle, mijote dans les passions ).

Confrontée à la violence du monde - la famine omniprésente, la guerre - le roman prend des allures de parabole christique tant la symbolique chrétienne semble imprégner la destinée de Maria, l'agneau des neiges, jusqu'à une cave de Leningrad, entourée de douze orphelins qui n'ont plus qu'elle pour tenter de rester en vie. Maria continue à avancer inaltérable malgré l'horreur qui se déchaîne.

Et c'est justement dans les cent dernières pages, consacré au terrible siège de Leningrad ( 900 jours du 8 septembre 1941 au 27 janvier 1944 ) que la prose de Dimitri Bortnikov prend tout son sens. Sa logorrhée étourdissante se conjugue au gré des bombes et la famine qui tuent par centaine de milliers, plus explosive que jamais dans la description de cette épopée de survie. le lyrisme singulier de l'auteur est tellement stimulant qu'il imprègne cette lecture d'images fortes .

« Un autre jour, Maria s'est réveillée d'un étrange silence. Elle est sortie pour voir. le ciel était comme une huître ouverte ... Au palais nacré. Et le ciel chantait la musique de la neige ... Il avait neigé cette nuit-là. Maria humait l'air. Rien. Aucune odeur ... L'air était pur, et le ciel était haut. Si haut ... Et le silence était parfait. A tomber à genoux devant tout ça ... Et puis le soleil s'est levé et la neige, elle s'est allumé de mille feux. Cette lumière du Nord. le feu vert d'abord ! Puis rose ... Puis vermillon ... Et l'ombre bleue, oui, ce bleu tendre, presque gros, qui vous suit, et puis passe devant et vous guide comme le chien d'un aveugle ... Puis s'allonge à vos pieds, reste comme ça le temps d'un coup de cils, et puis disparaît. Mon ami, mon ami ... La neige – c'est l'enfance de toutes les odeurs. La neige – c'est la mère de toutes les couleurs. La mère stérile ... Toujours jeune. Et là, Maria s'est mise à prier. »

Très impressionnant.
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Née au nord de la Russie après la Révolution, la jeune infirme Maria perd un à un les siens et, poussée par la misère, se retrouve contrainte d'aller tenter sa chance toujours plus loin. Elle parvient ainsi à Léningrad et trouve à s'y employer dans un orphelinat. le siège de la ville par la Wehrmacht lors de la seconde guerre mondiale la force à fuir avec les douze seuls enfants survivants.


Cette histoire racontée avec la naïveté d'un conte est tout simplement terrible. Un petit bout de femme, que tout laissait présumer aussi fragile qu'un fétu de paille dans le vent de l'Histoire, résiste à toutes les épreuves - handicap, misère, famine, solitude – pour devenir, malgré elle, l'incarnation anonyme du courage et de l'abnégation. Aux côtés de la jeune Maria, vouée dès la naissance à une existence misérable et insignifiante, et qui traverse les terrifiants soubresauts de son époque avec la patience têtue des êtres habitués à faire impassiblement avec le pire, sans même songer à se plaindre, c'est toute l'histoire du petit peuple de Russie, pendant les années trente et quarante, que l'on traverse à hauteur d'une âme simple, que les vicissitudes ne parviennent pas à altérer.


Toujours au plus près du ressenti et du quotidien des personnages, au travers d'une foule de ces détails infimes qui font pourtant la couleur d'une vie, le texte ne se départit jamais d'un parti-pris narratif aussi déconcertant qu'efficace quant à l'effet recherché. S'il n'a cessé de me rebuter, au point de me gâcher une bonne partie de mon plaisir de lecture, il contribue fortement à l'atmosphère et au ton si particuliers du roman. Son expression exaltée et emphatique, ses salves de phrases brèves, souvent sans verbe, mitraillées de points d'exclamation, mais aussi ses formules imagées, formulées avec une spontanéité simple et presque naïve, dans une langue très orale, créent l'impression d'écouter un témoin de ces temps anciens narrer ses souvenirs, discrètement teintés d'un parfum de mélancolie et de légende épique.


Travaillé jusque dans son style en un puissant hommage à ces innombrables très modestes anonymes, qui, du temps des grands-parents de l'auteur, ont payé un si lourd tribut à l'Histoire en Russie, ce roman est de ceux qui vous impressionnent par leurs qualités, même si elles en rendent aussi la lecture quelque peu ingrate.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Ce roman de 280 pages qui débute au lendemain de la révolution bolchevique pour se terminer avec le siège de Leningrad par la Wehrmacht au cours de la Seconde Guerre mondiale, n'est pas à proprement parler un roman historique.
Nous suivons, de bout en bout la vie mouvementée de Maria, née au nord de la Russie. La fillette est infirme, née avec un pied bot. En échange de quelques poissons, ses frères la donnent à sa marraine. Serafima va lui apprendre à survivre dans la forêt tandis qu'une terrible famine sévit dans le pays.
Obstinée et résiliente, cette jeune infirme suit sa destinée avec la naïveté et la confiance des enfants. Elle habite le roman de façon magistrale et j'ai été tout de suite touchée par son courage et son grand coeur.
Á la mort de Serafima, Maria part à travers la Russie, prenant le train pour la première fois. Son périple la mènera jusqu'à Peterhof, là où s'élève le palais d'été des tsars. Elle est embauchée à l'orphelinat voisin afin de s'occuper des jeunes orphelins. Là, elle fait la connaissance d'Anna, la belle infirmière à la chevelure flamboyante, une fille exubérante et faite pour le bonheur que Maria va tant admirer qu'elle cherchera à l'imiter.
Hélas ! La guerre se rapproche, c'est le siège de Leningrad qui durera 900 jours. Il faut évacuer les enfants. Débute alors un voyage sous la neige et la mitraille pour Maria et le personnel chargés de tous ces marmots. Un véritable calvaire avec ses morts jusqu'à l'abri de la dernière chance dans une cave pour se protéger des bombardements. La jeune Maria va tout mettre en oeuvre pour sauver les enfants survivants de la famine et des bombes.

Si l'histoire, la grande, est bien présente tout au long du roman, elle n'est pas détaillée ni expliquée. Simplement là pour éclairer le sort de Maria ballotée par les remous de l'histoire. le récit s'apparente plutôt à un conte avec une héroïne qui va se révéler à travers les nombreuses épreuves. Elle y rencontre quelques fées comme Serafima et Anna, elle doit affronter les jeux cruels des enfants et se mesurera même à un ours affamé.
Mais ce qui étonne le plus dans ce roman, c'est l'écriture, parfois proche de l'oralité et délirante avec ses onomatopées, ses répétitions, ses mots inventés et des exclamations comme s'il en pleuvait ! Une langue sensuelle, Rabelaisienne qui surprend et qui charme. Et ce lyrisme coloré, exalté de l'auteur nous entraîne dans un récit rythmé et joyeux malgré les sombres nuages de l'Histoire.
« La neige rend les gosses fous. Vraiment fous. Ils se mettent à faire des trucs de fous…Rampent dans la poudreuse ! Folichonnent ! Se roulent dedans, dégourdis comme des mangoustes ! Et puis la première folie passée, ils se mettent à jouer. Ils jouent à tout, les miches ! Á croche-patte ! Á tire-pif ! Á mord-l'âne ! Á l'éventail- à-bourricot ! Á décroche la crotte ! Á rote-la-carotte ! Á baiser d'ours ! Á brouille- la-pistouille ! Á piste-la-gargouille ! Et les plus grands ?! Filles garçons ! Á croque-les-pommes-de-pine ! Á gobe-le-zob ! Á noue-la-nouille ! Á attrape-le-pet ! Á cache-le-nichon ! … »

Une belle découverte d'un auteur et un roman superbe et foisonnant dont je recommande particulièrement la lecture
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L'agneau des neiges est un titre magnifique et qui colle merveilleusement bien à l'histoire à laquelle nous convie Dimitri Bortnikov.
La neige, tout d'abord, omniprésente, on sent son odeur, on la respire.
" Il neigeait comme jamais cet hiver-là. Il neigeait jour et nuit. Il neigeait à abolir le jour...
Dimitri Bortnikov à une écriture envoûtante, il nous enroule dans des métaphores très poétiques contrebalancée par ces points d'exclamation qui à mon sens donnent de la gaieté et de la fraîcheur.
Car en vérité, l'histoire de Maria n'est pas si joyeuse. Elle naît infirme, avec un pied bot, survit alors qu'elle est une enfant destinée à la mort.
C'est avec beaucoup de tendresse que l'auteur nous fait parcourir la vie de cette femme qui va trouver son salut et son destin en travaillant dans un orphelinat.
L'auteur, évoque l'holdomor, cette terrible famine occasionnée par la politique de cette Russie qui s'appelle l'union soviétique.
C'est avec beaucoup d'acidité et d'ironie qu'il dénonce le régime, les orphelins se torchent les fessent avec la Pravda.
Évidemment, le livre étant centré sur Leningrad, ville que j'ai connu et vu encore sous ce nom là. Et, le récit poignant de Maria et ses orphelins sous le siège de cette ville, cette dernière en restera toujours marquée.
Ces enfants ne sont-ils pas les agneaux ?
En lisant ce roman, je me suis rappelée cette promenade recueillement auprès de cette flamme qui brûle jour et nuit accompagnée de musique classique pour rendre hommage à tous ces morts dûs au siège de Leningrad.
Oui, je lirai très probablement d'autres romans de cet auteur.

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De sacrées tranches de vies, des personnages saisis sur le vif dans le grondement de l'Histoire.
Vulnérables et coriaces, on les aime rapidement pour cette pugnacité.
Les débuts dans la vie de la petite Maria sont très durs et le passage par l'orphelinat pouvait nous faire craindre le pire, mais non, c'est le moment où l'auteur nous laisse souffler un peu car l'accent est mis sur la vigueur et l'appétit d'émerveillement intact des enfants.


Un des plus beaux personnages est le menuisier de l'orphelinat, il sait tout faire et la magie crépite de ses mains, captivant les petits pour des instants hors du temps. Il recrée des mondes à partir de rien, quelques matériaux glanés , il en fait une cosmogonie et joue de son talent pour être le démiurge qui fera d'une maigre journée un spectacle .
C'est fort, cette crique de tendresse humaine créée par quelques adultes pétris dans la bonne pâte, par la grâce du hasard.


Cette tendresse de Bortnikov m'a fait toutefois plisser des yeux, comme un souriceau invité à l'anniversaire d'un matou. Ce petit doute qui taraude, humhum. Et de fait, ces câlineries félines de chattemite n'étaient destinées qu'à nous attendrir les flancs pour mieux nous précipiter dans la marmite d'une histoire terrible. Froid , faim, enfant, le trio infernal brutalise en nous cette part qui fait du plus petit sa priorité, cet élan puissant qui pousse à prendre soin de la vie à peine émergée. Il faudra vivre plusieurs morts par procuration et lâcher les mains, une par une.


J'ai été plus réticente sur la forme, refus d'obstacle devant cette prosodie martelante, alternant sans relâche points d'exclamation et points de suspension. A part mamaman quand elle m' envoie une carte de bonne année je ne connais personne qui écrive avec autant de points d'exclamation ( mamaman aurait pu être écrivain russe ) . Peut-être cette méthode syncopée prendrait -elle tout son sens en étant scandée ? avec l'accent russe ?? trégorrois (dans le chaloupé on est pas mal) ????.....

J'ai peut-être aussi été déstabilisée car j'aime à conforter mes clichés les plus usés, et je pensais probablement retrouver une écriture plus sobre, le feeling écrivain- officier russe-contemporain, viril et chauve, façon Zakhar Prilepine (aux positions idéologiques qui font tiquer mais qui a une écriture percutante) : j'étais prête pour une nouvelle rafale yeux bleus glacés- sourire coincé KGB- écriture vodka Balkan 176 au plus près du poil.


Mais l'écriture à explosion modèle Bortnikov , et sa kalach' à "!" et "...", en dépit ou grâce à son hémorragie ponctuative, nous tient au final dans sa ligne de mire.
Certaines images ont une persistance rétinienne , elles rechignent à quitter les territoires mentaux qu'elles ont colonisés à coups de pistolet à clous exclamatifs .
Humbles et dignes, tous ces personnages nous restent en mémoire, découpés sur la neige dans le soleil froid, ou dans la pénombre des caves de Leningrad.

Merci à Babelio et aux éditions Rivage pour ce rude voyage dans L Histoire.
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critiques presse (1)
LeFigaro
07 octobre 2021
Le portrait lumineux d’une jeune femme prise entre la cruauté de la guerre et la tentation de sainteté.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Et il continuait a tailler le tronc du sapin.Tranquille.Il avait en lui comme une sorte de joie....Un feu stable .Et chacun pouvait se réchauffer auprès de son feu.Cette flamme qui s allumé chez ceux qui ont tout vu.Qui n ont plus rien à perdre sinon leur botte!
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Ni Anna la Rousse ni Pélagie n'aimaient les sorties comme ça. La forêt était un livre à jamais fermé pour elles. Et Maria... Elle lisait ce livre mille fois lu, avec le même plaisir. Oui. Jamais pareil, toujours le même... Le lisait avec ses yeux ! Avec ses pieds... À la main, comme en braille... Comme l'aveugle, qui caresse les pages et voit ce que personne ne voit. Maria leur traduisait ce qu'elle lisait dans la forêt avec des mots simples, nets et précis, et tout le monde comprenait même les plus petits.
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Et puis il fallait accrocher les portraits dans la salle. Oui, les portraits des grands révolutionnaires. Les fondateurs ! Les vojd ! Marx- Engels! Lénine-Staline.
Mais oui, pour que les gosses voient un peu grâce à qui ils mangeaient trois fois par jour. Grâce à qui ils crottaient au chaud ! Et se torchaient avec la Pravda! Et pas de rigolade ! Sinon _une heure à genoux sur les miettes sèches !
Le Tzar _ knoutait, la Révolution _ mettait à genoux !
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Les premiers froid venus, on a confié à Maria le poêle à bois.
Elle en était ravie. Ravie ! Seule devant le feu... Surtout le matin. Seule ? Mais on n'est jamais seul devant le feu. Jamais-jamais ! Même dans la solitude parfaite, cosmique, galactique - on n'est jamais seul avec le feu. Le feu ramasse l'âme... Plus loin - c'est un mystère.
P 101
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Au début ce n'était pas le Verbe. Au début était la mère.
Ça a commencé par une naissance sans un cri. Une naissance silencieuse... Maria a vu le jour quand la Révolution s'est mise à table pour dévorer ses enfants.
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Videos de Dmitri Bortnikov (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Dmitri Bortnikov
Traverser le Styx avec Dmitri Bortnikov et Julie Bouvard. Modération par Camille Thomine - samedi 1er octobre 2022, 16h30-17h30 - Château du Val Fleury, Gif-sur-Yvette. Festival Vo-Vf, traduire le monde (les traducteurs à l'honneur)
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