Comme point de départ à son roman,
David Bouchet pose la question s'il vaut mieux être con que d'être un raté? et comme on dit familièrement ici, vaut-il mieux passer pour un cave plutôt que de passer pour un « looser«?
La question est loin d'être anodine, surtout dans la tête d'un enfant d'âge scolaire, et que cette question ne soit pas de nature académique, qu'elle provienne de la vie réelle des jeunes dans la rue, ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui: donc intemporelle! enjolive sa problématique.
Cette question: con ou raté interpelle un garçon d'une douzaine d'année que l'on surnomme
Soleil qui vit avec son grand frère et sa petite soeur dans une famille d'immigrants du Sénégal. Dès le départ,
Soleil prend position en faveur du raté, mais la question possède d'autres implications qui seront élucidées en cours de lecture du roman.
Il y a sa mère qui est une sorte « winner » parce qu'elle a trouvé du travail ici alors qu'elle avait de la difficulté à en trouver dans son pays d'origine. Puis il y a son père qui passe pour un « looser » parce qu'il n'aboutit pas à trouver un emploi ici, alors que c'était facile pour lui d'en trouver dans son pays d'origine. Petit à petit, le père va se décourager, sa condition psychologique va se détériorer; le trou qu'il va creuser sous terre est une métaphore pour sa condition d'exclus. On suit chacune des étapes qui le conduira à son hospitalisation avant de le suivre dans sa réhabilitation.
Le regard que pose
Soleil sur la société du Québec est intéressant à cause d'un constant va-et-vient entre la culture sénégalaise et la culture québécoise. « Au Sénégal on dit « boutique de Guinéen », ici on dit « dépanneur ». Au Sénégal, lorsqu'on déménage: « on ne dit pas qu'on va quitter. On s'en va tout d'un coup et tout le monde nous cherche ».
Le jeune garçon porte sur la société québécoise un regard différent, comme s'il regardait une chose pour la première fois et j'ajouterais que ce regard se pose avec plus d'objectivité parce que cette personne n'est pas encore impliquée personnellement dans son nouveau monde. Ce qui produit une lecture qui arrive à nous surprendre avec des constats que le lecteur n'avait pas réalisé.
Alors qu'il se trouve dans une piscine publique de Montréal,
Soleil remarque que l'homme blanc est plus corpulent du tronc que des membres alors que c'est l'inverse pour l'homme noir avec des membres qui sont allongés.
On retrouve dans le mode de pensée Sénégalaise un peu de cette naïveté mélangé avec du gros bon sens et une dose de pensée magique qui fait vivre les choses inanimées qui sont autour de nous, et qui nous fait penser aux comparaisons entre la culture québécoise et Sénégalaise que l'on retrouve chez Boucar Diouf, cet humoriste québécois qui est aussi d'origine Sénégalaise.
Voilà une lecture instructive qui ne nous laisse pas indifférent.
Daniel Saindon
Montréal, le.2 mai 2016