Réduire, c'est bien cela que Gluck a fait, réduire et unifier. Œuvre d'homme intelligent encore plus que de musicien, d'incarnation du geste plus encore que de phonesthétique, appliquant au drame lyrique le principe de l'action bien ordonnée, sûrement précipitée vers la catastrophe. On prétend que cette compréhension de la tragédie, Gluck, la tenait de son ami Calzabigi. Quoi qu'il en soit, le mérite revient à Gluck d'avoir compris et admis dans l'opéra le principe d'unité d'action. Or, en musique, unité d'action veut dire unité d'atmosphère sonore. C'était donc un grand pas en avant que cette idée de projeter les épisodes musicaux épars dans Topera italien sur un sonoris de fonds unique, pour que tous les détails se fondissent et collaborassent à une impression d'ensemble.
Les jugements sur les valeurs du passé ont été établis non pas en fonction du goût moderne ou de l'idéal classique, mais au regard des époques immédiatement précédentes. Cela, autant pour échapper à la facilité des dépréciations, que pour affirmer une critique qui s'efforce de pénétrer le sens propre de chaque beauté nouvelle, et qui s'applique à exalter l'avantage de chaque invention féconde.
Il ne faudrait pas croire que la sensation dite « musicale » soit uniquement due à la perception acoustique. Entre la vibration et le corps humain il y a, au moment où la vibration l'atteint, un contact, un contact avec le tympan, un attouchement du tympan. Qui dit attouchement, dit sensation tactile. Il s'ensuit que toute sensation de son est accompagnée de sensation tactile. Les diverses ondes aériennes qui ébranlent le tympan, puis la fenêtre ovale, sont des séries de chocs plus ou moins violents, plus ou moins fréquents -. Ces ondes agissent sur la tactilité selon l'amplitude de leurs vibrations. L'amplitude étant minime, le son paraît ténu, fin, doux; l'amplitude augmentant, le son paraît d'autant plus dur, perçant, déchirant, que l'organe auditif est plus surmené.
En permettant à Bach d'écrire pour le clavecin des morceaux dans les vingt-quatre tons majeurs et mineurs, le tempérament des quintes fut le point de départ de deux genres de considérations phonesthétiques nouvelles.
D'une part, la tendance à l'émancipation monteverdienne des divers degrés d'une même tonalité amena sa coïncidence puis sa confusion avec la véritable modulation ; d'autre part, l'opposition des tons entre eux rendit plus apparents certains contrastes affectifs, et créa des possibilités nouvelles d'associations qui s'imposèrent aux compositeurs et peu à peu devinrent traditionnelles.
Subconsciemment, la tactilité est constamment en jeu dans toute sonorité. Les épithètes désignant la qualité du son sont toutes empruntées au vocabulaire tactile.
Le sens tactile (ou épithélial) est étroitement lié à la conservation de l'individu. Chargé d'éprouver la nature de tous les corps avec lesquels l'organisme entre en contact, il renseigne sur l'avantage ou le désavantage immédiats de ce contact. C'est dire que le sens tactile détermine un nombre d'émotions infinies, agréables ou désagréables, et qui psychologiquement s'organisent en sympathie et en antipathie.