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Xavier Bordes (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070285242
296 pages
Gallimard (16/11/1973)
4.5/5   4 notes
Résumé :
Le 27 mai 1918, Joë Bousquet eut «la colonne vertébrale proprement pincée» par une balle allemande. Il entrait ainsi dans une existence immobile qui devait durer trente-deux ans, et entreprit alors de «naturaliser sa blessure», c'est-à-dire de l'intégrer à sa vie de sorte qu'elle y prit le caractère de la nécessité. Joë Bousquet eut alors recours au langage, à la parole, à l'écriture. Ainsi commença Mystique, œuvre posthume et peut-être la plus importante que nous a... >Voir plus
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
     
Je l’ai attendue. Le silence se couvrait de fleurs pour hâter les progrès de l’ombre. Je revoyais des hivers perdus et les brouillards qui avaient bleui la terre. Sous les ciels gris, les ruisseaux emportaient, avec un grand bruit d’argent, une moisson de fleurs.
Dans la lumière tremblante de ses yeux bleus m’apparaissait une fille blonde comme la rosée. Son ombre était une autre femme.
J’entendais alors sa voix où les paroles étaient le linceul d’une chanson étrangère. À l’autre de me sourire avec tout son corps, pâle et nu comme un reflet du ciel dans un miroir de lait.
Puis, les derniers reflets du crépuscule d’hiver se sont soulevés comme des lis sur les mouvements de l’air froid, pâle comme une chair.
Dans l’escalier qui menait à l’étage supérieur un pas avait retenti, agitant d’un léger frisson les larges feuilles d’un palmier d’appartement qu’une lampe éclairait à peine…
Je tendis l’oreille : « Quand un évènement, me suis-je dit, nous occupe l’esprit, il faut penser à lui pour que tout ce qui touche nos sens soit la vision de son mystère. »
     
Jetant les yeux sur le monde glacé qui m’entourait, je me pris à le souhaiter plus morne encore comme si la réalité tout entière avait dû se précipiter dans la tombe et n’y faire qu’un avec mon amour. Le froid devint plus doux, caressant, et je me souvins qu’une jeune fille était morte dans un appartement qui touchait le mien…Tout ce que je voyais l’enveloppais de ma vie, l’introduisait dans la grande lumière d’un temps qui s’ouvrait. Tout ce que je voyais, je l’entendais me dire : « Je me ferai chair quand tous les objets de tes sens se feront esprits. »
     
Un mot ne change pas une destinée. L’activité de mon esprit n’avait pas comblé tous les besoins de mon être. Sans mes souvenirs, je n’aurais pas pu me convaincre que j’étais vivant… Il y avait un immense portail, debout dans le vent d’un village en ruines, toujours là quand je cherchais le vrai. Comment être le salut d’une vie qui, de sa seule image, me faisait oublier que j’étais vivant. Je voyais les hauteurs bleues où s’élèvent les grands vols d’été. J’étais un paysage d’hiver sous le froid où le courant d’une rivière menait des oiseaux morts. Je n’étais que prison, que solitude, mais cependant, espoir car j’étais douleur. « Que la chose que je saisis, me disais-je, soit la mer intérieure de ce que je suis ! »
     
… Il viendra quelqu’un pensais-je, pour rendre aux hommes ce que leur aura pris la société. Il sera la chair de sa vie, l’existence des choses en sera le visage.
 … Nous ne sommes qu’un miroir, mais qui pense à lui avec la réalité des objets qu’il reflète. Nous voulons atteindre au réel dont nous ne sommes que la promesse. À l’échelle de ce besoin, le bien et le mal sont indiscernables. C’est parce que nous sommes illusion que rien n’est en nous plus nôtre que le rêve.
     
Livre II., pp. 169-172
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Figure
     
Une rose est la vision d’un lac qui se couvre de fleurs, son visage est l’oiseau de cette ressemblance.
     
Dans le désert de sa pâleur plus belle que l’hiver, comme le vent sur les glaciers, passe ce qui n’est plus sur ce qui n’est pas encore.
     
Et sur sa bouche où l’invisible éclôt l’inapparent, son sourire a fait sa lumière avec ce qui mourrait de revoir le jour.
     
Loin d’elle coule une eau bleue qu’elle entend quand elle se tait, quand elle est comme un chant voilé par la distance, silencieuse image des images dans les mains tremblantes d’un aveugle plus grand que le ciel.
     
*
     
Comme un songe où l’espoir a pris la place du temps, voici ses traits où mon regard est la profondeur de mes jours, ses lèvres où l’amour est la survivance des signes formés par la vie ; et ses yeux, donnant à qui les aime les plus douces raisons de ne penser qu’à soi.
     
Idole de la nuit qui a fait de si grands yeux à l’aurore.
     
Sa figure est tout ce qu’elle connaît de son cœur ; et c’est toute sa beauté de s’en montrer heureuse.
     
Elle est plus vivante pour la lumière que pour le temps, la figure qui dit : Mon cœur sera d’aimer.
     
La figure où l’amour s’éloigne de ce monde avec les peines de l’enfance qui voulait être cette enfant.
     
Frissonnant dans le piège de l’ombre et sur son visage, la clarté d’un autre visage pour faire scintiller quelques larmes.
     
Comme les vers luisants d’un sourire que je n’aurais pas vu si elle n’avait pas pleuré.
     
Elle est la vie de la lumière qui jette son cri dans le ciel.
     
Comme la blanche hirondelle des neiges, née du tremblement d’une étoile dans l’air qui voit naître et mourir l’amour.
     
     
pp. 56-57
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Extrait de la préface de Xavier Bordes
"Mystique" nous confronte à ce manque essentiel qui resterait inaperçu, s'il n'éveillait en nous l'écho d'une conviction : quand tout espoir est perdu, la foi devenue sans objet n'a pour support qu'un sursaut de la volonté. Sans se soucier de grâce divine, l'homme place de propos délibéré sa confiance en lui-même. Il se perd et se sauve en même temps.
L'écrit forgé par cet instant "qui crée un monde et l'anéantit" a droit d'être appelé "mystique". Mais il ne porte pas le témoignage d'une rencontre avec la divinité : il prouve qu' un "homme s'est rencontré". p 8
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La pensée est de pure lumière, comme le rêve ; mais elle s’épuise à nous animer. 
Vie à recommencer sur les inébranlables assises de ce dont on ne peut douter. L’image doit brûler la parole. 
La plus grande découverte poétique a été annoncée par Rimbaud. Il a compris que les images n’étaient pas intérieures à la pensée, mais qu’elles étaient attachées aux mots et filles de leur sonorité. 
La pensée est fille de l’homme, la poésie est fille de l’esprit. 
La rime éveille la vision, parle à la rêverie. 
La poésie fait du voir avec de l’entendre.  p 117

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Mystique est donc un livre contemplatif où le poète blessé cherche la racine de la connaissance sensible - la racine de notre vision du monde - afin de modifier le monde dans la mesure où le changement voudra bien accompagner un changement de celui qui voit, qui connaît.

Ce livre est pensé comme une mystique et vu comme une féerie
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Videos de Joë Bousquet (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Joë Bousquet
Joe BOUSQUET – Le témoin de la condition poétique (Chaîne Nationale, 1955) Une émission spéciale diffusée, le 28 septembre 1955, en hommage à Joe Bousquet. Produite par Hubert Juin, pour la Chaîne Nationale, elle conviait : Michel Bousquet, Jean Negroni, Albert Béguin, Jean Cassou, Alain Robbe-Grillet, Roger Blin et Martine Sarcey.
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