C'est, il y a à peine quelques mois, avec La Bienfaitrice de Elizabeth von Arnim, que j'ai mis mon nez dans cette collection chez Archipoche de « classiques méconnus ». J'avais alors beaucoup apprécié la plume de l'auteure et souhaitais découvrir d'autres noms de la littérature anglaise du XIXe siècle.
Mary Elizabeth Braddon m'était complètement inconnue avant que je mette la main sur ce Secret de Lady
Audley et il me semble aujourd'hui dommage que ce nom n'est pas aussi bien traversé les siècles que ses prédécesseurs,
Jane Austen et les soeurs Brontë par exemple.
L'ironie et la passion amoureuse ne sont certes pas les caractéristiques principales de ce roman, mais la maîtrise de l'intrigue policière mérite qu'on s'y attarde (quel est donc le fameux secret de Lady
Audley ?).
Mary Elizabeth Braddon est dorénavant un nom que je chercherai en librairie car nul doute que ses autres écrits auront également de quoi me contenter.
La première centaine de pages peut paraître un peu longuette car l'auteure prend son temps pour poser les bases de son histoire. le lecteur découvre alors, dans le détail, les lieux qui abriteront le futur crime et il fait également la connaissance - assez intime - des principaux protagonistes à savoir les membres de la famille
Audley : Michael le patriarche et propriétaire de la demeure, sa fille unique Alicia, sa nouvelle très jeune et très belle femme Lucy (baptisée plus généralement Milady), le cousin Robert (qui mènera l'enquête) et le meilleur ami de celui-ci George Talboys.
Pendant cette première partie introductive, les ficelles se mettent en place et ce n'est qu'assez progressivement que le lecteur met le doigt sur les fils qui relient certains protagonistes, apparemment étrangers les uns des autres (quel lien George Talboys possède-t-il avec la famille
Audley, exceptée son amitié avec Robert ?).
L'étau se resserre et, soudainement, alors que Robert et George s'approchent de la demeure
Audley pour faire la connaissance de la nouvelle Lady, George disparait, ne laissant aucune trace derrière lui si ce n'est la soi-disant déclaration de son départ précipité pour l'Australie. Robert tergiverse, cherche à en savoir plus, ne trouve pas grand-chose à se mettre sous la dent et s'apprête à accepter le départ incongru de son meilleur ami. Très vite pourtant, les doutes s'installent et des certitudes s'élèvent. Comme l'enquêteur, le lecteur comprend le crime, connaît le nom du coupable mais va devoir trouver des preuves irréfutables du délit en même temps que Robert.
Le crime commis, l'intrigue prend alors un nouveau tournant et le rythme s'accélère :
Mary Elizabeth Braddon met l'enquête en place. Grâce à de nombreux allers-retours en Angleterre et dans le passé de son meilleur ami disparu, Robert va rassembler les preuves nécessaires pour mettre en avant la culpabilité du personnage qu'on soupçonne tous depuis le début.
A l'instar d'une enquête à la Colombo, ce n'est pas le nom du coupable qui importe (on le connait dès la première minute ou presque), mais le cheminement de l'enquêteur et la machine qu'il met en place pour réunir les indices indispensables.
Le suspens est peut-être un peu moins présent que dans un
Agatha Christie (dans lesquels le lecteur s'amuse à trouver le nom et le mobile du criminel), apportant ainsi quelques petites longueurs de temps en temps, mais globalement, le Secret de Lady
Audley se dévore, un peu comme un page-turner version XIXe siècle.
L'intérêt du roman réside également et surtout dans ses personnages puisque
Mary Elizabeth Braddon nous brosse des personnalités riches, complètes et complexes. Plus les pages défilent et plus le lecteur plonge dans les méandres du passé des figures principales, notamment dans ceux du coupable. Il découvre alors des secrets inavouables et surtout, de nouveaux visages derrière le masque des apparences. Les personnalités se révèlent et surprennent… c'est brillant.
Mary Elizabeth Braddon ne possède pas l'ironie d'une
Jane Austen ou la plume percutante et rythmée d'une
Agatha Christie, mais son style ne manque pas d'intérêt. J'ai certes relevé quelques longueurs (plus au cours de l'enquête que lors de la phase introductive d'ailleurs), mais je n'oublie pas de souligner la grande qualité visuelle de l'ensemble. L'anglaise maîtrise en effet l'art du détail, détails qui ne manquent pas dans les descriptions, sans pour autant trop alourdir celles-ci.
Grâce à ce sens de la précision, l'auteure plonge avec facilité son lecteur dans l'Angleterre du XIXe siècle. Outre l'enquête, c'est bien un roman psychologique et d'atmosphère qui se déroule.
A noter que derrière l'omniscience du point de vue (largement recentré sur le personnage de Robert la plus grande partie du texte), l'auteure s'adresse régulièrement à son lecteur, l'incluant ainsi plus facilement dans son intrigue.
Le Secret de Lady
Audley ne fait pas un sans-faute, mais il me conforte largement dans l'idée de continuer ma découverte des auteurs « classiques » trop peu connus et réédités grâce à la collection Archipoche.
PS : Il semblerait qu'Archipoche soit assez coutumier des coquilles et autres erreurs textuelles… et il est vrai que ce roman en compte quelques-unes. Dommage, mais quand on est prévenu, ça passe un peu « mieux » !
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