Mouler démouler

J'ai d'abord connu Brétecher par la chanson de Cookie Dingler "Femme libérée". Elle y gagnait un statut d'icône de son époque, car on sait comment la chanson qui se répète à l'infini, imprime les noms dans la tête du Français moyen. Je l'ai ensuite réellement découverte en lisant quelques pages d'Agrippine dans le même Nouvel Obs évoqué par la chanson : j'y ai découvert son goût de la provocation et de l'absurde et son humour décapant qui m'a laissé une plutôt bonne impression.

Du coup, comme souvent chez moi, je me demande toujours ce qui m'a fait prendre autant de temps pour me consacrer réellement à la lecture d'un album. c'est chose faite avec Mouler démouler dont le titre et la couverture accrocheuse (je vous laisse juger, Babelio permet de voir ça rapidement sans obligation de lien) m'ont attiré à la médiathèque. Et comme un des challenges du site me demandait de lire une BD comique écrite par une femme, autant aller vers une référence.

Sagissant d'un album de gags, j'ai forcément trouvé le tout inégal. Il est rare d'être autant touché par tous, d'autant que le fil conducteur de l'album est plutôt difficile à trouver. J'ai plutôt préféré les gags longs, comme celui qui ouvre l'album et est repris sur la couverture ou celui sur la femme qui fait un stage de recadrage positif. J'ai eu l'impression de manquer de certaines références dans des gags plus court où le trait de l'auteur (déjà le plus souvent volontairement dans l'a peu près il me semble) est tellement négligé qu'il en parait baclé.

Le parti pris graphique de l'ensemble ne m'a pour autant pas géné. le lettrage parfois difficile à déchiffrer ou le dessin à la ligne floue (en opposition à la ligne claire d'Hergé) font partie du personnage Brétecher qui reste dans la provocation jusqu'au bout. Je pense que je tenterais l'aventure Agrippine à ma prochaine lecture en reprenant pourquoi pas le personnage à ses débuts. La cohérence que donne un personnage central me permettra sans doute mieux d'apprécier l'auteure.

Cet album est en noir et blanc : il regroupe donc 21 histoires courtes, indépendantes les unes des autres. La première histoire est un peu plus longue (9 planches), elle se raccorde à la couverture. Cette histoire est assez "grosse" et donne un ton scabreux à la Reiser : deux parents annoncent chaotiquement à leurs grands enfants qu'ils sont adoptés, et obtiennent un résultat bien différent de ce à quoi ils s'attendaient...

La suite de l'album montre des inspirations diverses : Claire Brétécher prend à rebrousse-poil les situations sociales, et continue allègrement à se moquer de ce qu'on appellerait aujourd'hui les bobos. Par exemple, une riche Parisienne s'extasie sur son coin de potager tellement hype en face de la Tour Eiffel.

L'auteure semble aussi s'amuser à imaginer la vie de personnes exerçant certains métiers : l'aide-soignante que les patients persécutent avec toutes leurs exigences, et le médecin qui arrive en faisant le beau ; la voyante dans certaines situations de sa vie ; les artistes qui cherchent l'inspiration de manière bizarre ; et même, les femmes savantes, un beau pied de nez féministe.

Les postures des personnages, leurs attitudes, sont toujours bien trouvées dans le dessin, les personnages sont naturels et vivants, ça pourrait être tout un chacun. Les décors sont variés et simplement plantés, à grand traits, mais c'est suffisant. La progression d'une vignette à l'autre est un peu statique, mais dans une BD d'humour, je ne trouve pas que ce soit gênant. le dessin est nerveux, parfois presque schématique, cela ressemble à du dessin de presse. Je n'adore pas , mais ça se lit bien, et puis le regard de Claire Brétécher montre de la malice et une façon souvent caustique et dérisoire de voir les défauts des gens, surtout en société, leurs mesquineries, cela reste agréable à parcourir.

Je connaissais la grande Claire Bretécher, presque un mythe. Je connaissais également son personnage d'Agrippine qui a accompagné une partie de ma jeunesse.

Je voulais découvrir autre chose de cette auteure majeure et j'ai donc emprunter cet ouvrage à la médiathèque Jean Moulin de Margny-les-compiègne.

Je n'ai absolument pas été déçu. Avec son trait tellement reconnaissable, Claire Bretécher aborde tous les sujets de société possibles avec un humour sans pincette.
Si vous êtes adepte de la finesse et la subtilité, ce n'est peut-être pas la meilleure des lectures. C'est plutôt en mode bulldozer que ses différents personnages abordent l'adoption, la sexualité, les rapports hommes femmes, les différences de classes sociales...

Pour résumer, j'ai beaucoup aimé cet ouvrage et ça a confirmé ce que je pensais du travail de Claire Bretécher.

Claire Bretécher a fait une parenthèse dans ces créations avec « Mouler démouler ». Un recueil d'une vingtaine d'histoires autoédité par la bédéaste. On sent ici son appétence pour les adolescents qui s'affirmera avec "Agrippine". La cellule familiale est un cadre d'une grande richesse. On peut exploiter la rupture générationnelle, sociale et tellement d'autres choses. Il y a de quoi s'amuser et créer des situations cocasses. D'ailleurs, cela commence avec une famille, Gisèle et Edgar ont adopté deux enfants. Maintenant qu'ils ont 18 ans, les parents leur annoncent la nouvelle. Ils sont plus que ravis. La père ne réagit pas forcément au détachement de ces rejetons, Avril et Mai : « On s'est crevé le cul à aller les chercher dans des orphelinats pourris et des dépotoirs du quart monde, ça nous a coûté une fortune et c'est tout l'effet que ça leur fait cette paire de taches ». Et elle n'omet pas les clichés de genre : « Tu parles de mes enfants »). Il continue sur le même ton (« Sans nous, toi la princesse t'aurais plus de clito, 28 lardons et tes seins aux genoux et toi le marquis de mes deux pas une dent et au moins un moignon ».

Familles bourgeoises, catholiques, coincées, conservatrices se partagent la mise en avant. le sentiment de non-appartenance à la populace est flagrant. Aucun doute que plus d'un récit est d'inspirée de faits réels et autobiographiques. Un récit en rebrousse-poil très affuté et déroutant. le graphisme contribue à cette dynamique. Il est d'ailleurs très identifiable. Par contre, elle joue avec moins avec les mots et les expressions. Par conséquent, c'est plus accessible à ceux habituer aux formes assez classiques. Et puis, tout le monde pourra reconnaître plus d'une absurde situation. Comme par exemple des gamins vautrés devant la télé entrain de ruminer : « c'est à chier je l'ai déjà vu 40 fois ».
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