Dans The Devil, Inside and Out 1 (le tome précédent), Matt Murdock avait réussi à s'évader de prison pour pouvoir retrouver l'instigateur du meurtre d'un de ses proches. Ce tome reprend l'histoire au même point et comprend les épisodes 88 à 93 de la série mensuelle.
Matt Murdock est en cavale et recherché par un bon nombre d'agences de renseignements, mais il est également libre de remonter les indices jusqu'au commanditaire de cet assassinat. Ses déductions l'emmènent à Monaco dans un grand casino, puis dans une villa au luxe opulent, avant qu'il ne s'envole pour Paris (oui, en France), puis pour la Suisse. Il est confronté à la pègre locale de Monaco avec des connexions européennes, il triche aux jeux, il croise le chemin d'une femme qui lui rappelle Karen Page, il se heurte à Tombstone (Lonnie Thompson Lincoln, un ennemi de Spiderman) et son retour aux États-Unis se fait sous les flashs de la presse.
Ed Brubaker nous replonge dans les manipulations et les doubles jeux d'individus n'ayant pas vraiment les intérêts de Matt Murdock à coeur. le tome précédent était construit sur un huis clos (pas tout à fait assez étouffant) en prison, celui-ci avance au rythme endiablé de la course poursuite qui rapproche
Daredevil du responsable des malheurs qui se sont abattus sur lui. Brubaker a réussi à s'éloigner du territoire de
Brian Michael Bendis (et de
Frank Miller pour la situation sans espoir de
Daredevil: Born Again) pour entraîner
Daredevil sur un autre terrain où les comparaisons n'ont plus lieu d'être. Il laisse de coté les personnages trop exposés par Bendis et il construit une nouvelle dynamique pour la série. le lecteur a également eu le temps de surmonter le dispositif scénaristique balourd du décès d'un personnage principal. Et du coup l'histoire dispose d'un vrai souffle, tant du point de vue du rythme que du point de vue des ressorts dramatiques et des interactions entre les personnages. Pour être honnête, il reste encore une scène d'exposition très laborieuse et maladroite vers la fin lorsque que le cerveau de l'affaire expose ses motivations à
Daredevil. Pour terminer, Matt Murdock doit prendre plusieurs décisions remettant en cause ses valeurs morales, ce qui déstabilise le personnage sur le plan psychologique et sort l'histoire de l'ornière d'une fin trop heureuse et manichéenne.
Le premier épisode est illustré par
David Aja dans un style peu affirmé qui lorgne du coté d'un
Mike Perkins, mais admirablement rehaussé par la mise en couleurs toujours parfaite de Frank D'Armata. Les 5 autres épisodes sont illustrés par
Michael Lark dans le même style que le tome précédent. Évidemment, en tant que lecteur français, les scènes se déroulant à Paris sont déterminantes pour juger de la rigueur de l'artiste. Et ça faisait longtemps que je n'avais pas vu un Paris aussi crédible et proche de la réalité. Lark a accompli un impressionnant travail en rassemblant sa documentation et la capitale française est ressemblante. Encore plus fort, lorsque les protagonistes s'expriment en français dans le texte, ils ne font pas de faute de syntaxe. Quelques expressions restent plutôt maladroites et lourdaudes et bien sûr le cordonnier français se prénomme Pierre. Mais pour un comics américain, c'est un niveau d'exactitude et de respect rarement atteint. Pour le reste, Lark vise un réalisme sans s'attacher à chaque détail de chaque centimètre carré de chaque case. le résultat est plein de vie, de mouvement et de personnalité, agréable à regarder sans tomber dans une esthétique ronde ou enfantine. Il faut également mentionner les superbes couvertures de
Lee Bermejo (le dessinateur de Lex Luthor: Man of Steel et Joker).
Eb Brubaker et
Michael Lark réussissent à s'émanciper du passé glorieux de Bendis et Maleev pour emmener
Daredevil dans de nouvelles situations qui s'inscrivent dans leur continuité, tout en faisant appel à d'autres éléments historiques de la série. Et on retrouve les mêmes dans le tome suivant
Daredevil: Hell To Pay Volume 1.