Lowlife est un album constitué de dix-neuf histoires courtes réalisées, sur une dizaine d'années, pour divers magazines de la bd underground.
Une critique sociale acide et une vision réaliste, fataliste et affligée qui mettent en scène des instantanés de vies, piteuses, manquées ou brisées, engluées dans un système sociétaire sans concession ni réel espoir. Une autopsie de notre « merveilleuse » démocratie, chantre (ou chancre ?) du libéralisme débridé, dénonçant les dérives de notre civilisation et leurs conséquences. Consommation outrancière, abrutissement culturel, opportunisme sans limites, violence et ultra sécuritaire, paupérisation affective, abaissement moral... Un cri de révolte étouffé devant cette lente et inéluctable dégringolade.
Graphiquement, on en prend plein la tronche et les yeux. En véritable virtuose, l'auteur nous offre un fantastique patchwork de styles. On passe de la ligne presque claire au dessin réaliste, de la quasi-peinture en noir et blanc ou en bichromie à la caricature. En particulier, une saynète pornographique carrément déroutante, animée de personnages aux traits enfantins et aux proportions de nouveaux nés. La narration et le découpage sont sobres, mais bien maîtrisés, ils soutiennent efficacement le propos. Idée originale et réjouissante, l'insert sur papier kraft d'illustrations en recto verso, appréciées selon deux champs différents successifs. Effet de surprise intéressant.
On pourra déplorer quelques clichés dénichés ci et là, voire la nébulosité (souvent dans les récits muets) ou la facilité de certains messages, mais ce qui prédomine c'est la vérité glaciale, amère et profonde qui est délivrée. Appuyée d'une fascination graphique qui encourage un voyeurisme assez sordide, elle provoque finalement une sensation certaine de malaise.
A part. Vraiment à part.
Attention, plusieurs récits contiennent des scènes pornographiques.