Fidèle à son style,
Ivan Brun ne fait pas dans les contes de fées, la mièvrerie, ni l'univers Disney. Et pourtant, s'il est bien un dessinateur qui ferait s'enfiler deux Bisounours dans une partouze de Schtroumfs, c'est bien lui. Tout son art est là : camper des personnages enfantins, style manga, mignons aux grands yeux, attractifs, ressemblant à Astro le petit robot, que l'on imagine de prime abord gentillets et façonnés pour un public jeunesse, puis les tordre sous le poids de la société, de la crue réalité des guerres, du terrorisme, de la misère.
Sans un mot, juste par la force des images, tous les maux causés par les humains y passent, d'album en album. L'homme, cette sale espèce auto-destructrice, pourrait-être le sous-titre à chacun de ses livres. C'est ultra-violent, hyper-réaliste, voire gore, et pourtant, il transpire de ces pages une puissance d'évocation, une lutte pour dénoncer l'absurdité de nos agissements collectifs, des combats politiques qui secouent, réveillent et interrogent.
Partisan de l'humour à gogo, sensible à la poésie et à la finesse, à la joie coûte que coûte, aux esprits positifs, aux dessins uniques,
Ivan Brun me semble le parfait négatif de mes aspirations. Et pourtant. Sa lecture ne m'est ni inconfortable, ni vomitive, au contraire, je trouve ses propositions cruelles mais nécessaires, ses thématiques intelligemment traitées. L'homme prend la plume pour dire des choses, rien n'est vain dans ces pages. Avec lui, on ne s'endort pas, on combat. Ses oeuvres valent furieusement le détour, avant cependant, d'enchaîner sur un petit Philémon de Fred, pour retrouver goût en l'humain et sa poésie...