Dans la famille "Super trouvaille chez Noz", je demande L'artisanat du Japon de Dominique Buisson! Bonne pioche! Pour mon plus grand plaisir.
Non seulement cet ouvrage est un bon livre mais également un beau livre. Les nombreuses illustrations en couleur dûment légendées sont un régal pour les yeux. Elles permettent d'admirer ce que l'auteur décrit dans ses propos.
Dominique Buisson a à son actif plusieurs ouvrages sur le Japon, plus spécifiquement sur l'esthétisme, l'artisanat et les objets du quotidien. J'avais déjà lu de lui le corps japonais, très intéressant. Dans ce livre-ci, il aborde l'artisanat selon plusieurs angles : les hommes, les techniques, les matières et, primordial pour comprendre le rapport particulier entre les Japonais et les objets traditionnels et/ou artisanaux, l'esprit et la philosophie.
De manière succincte - trop pour ma curiosité - il explique le rôle de quelques matériaux fondamentaux : la terre (céramique, porcelaine, ...), le bois (maison, baquet, ...), le papier (support scriptural certes mais aussi matière première des shôji - les panneaux coulissants, des paravents, des lanternes, des éventails de danse ou usuels, ...), le bambou (vannerie, ustensiles de la cérémonie du thé, instrument de musique comme le shakuhachi, longue flûte évasée, ...), les tissus (soie des kimonos, chanvre, coton, ...), paille de riz (tatamis - 32 kg compressés par tatami, sandales, cordes nouées marquant un endroit sacré du shintô, ...), ...
Ces exemples montrent bien combien l'artisanat et l'artisan sont en relation consciente avec la nature et ce qu'elle offre de ressources. Dominique Buisson définit les principes esthétiques qui soutiennent ces techniques : mono no aware, wabi, sabi. Il y a de la spiritualité dans la confection de chaque objet traditionnel. L'apprentissage des techniques, contrairement à celles occidentales, ne passent pas par des écrits théoriques ni un enseignement tel qu'on peut l'entendre. L'apprenti, pendant un temps vaque au ménage et aux tâches ingrates, avant de se familiariser avec les matières de sa spécialité puis les différents outils. Enfin il apprend pour de bon en observant les gestes parfaitement maîtrisés du maître et en s'efforçant de les reproduire. L'apprentissage s'effectue ainsi dans le silence, le ressenti profond des ressources à travailler et un mimétisme qui demandera un temps considérable de répétitions des gestes pour atteindre à la forme ("kata") requise. A noter que les mêmes préceptes officient dans les dojos d'arts martiaux.
L'artisanat du Japon est donc un ouvrage instructif et beau à regarder (même le papier de chaque page prend l'aspect du "washi", le papier japonais à base de fibres d'écorces et où se mêlent pétales, éclats de mica, ...). Je l'ai refermé avec regret tant il y a encore à explorer sur ce sujet. Dominique Buisson ayant fait le choix d'aborder un éventail représentatif des multiples artisanats traditionnels, en 123 pages, il ne pouvait qu'effleurer chacun d'entre eux. Une bibliographie permettant d'aller plus loin aurait été bienvenue d'ailleurs.
Un livre à livre puis à reprendre de temps à autre pour le seul plaisir d'admirer les délicates oeuvres en laque saupoudrée d'or, l'imposant brocart d'un obi ou la fière lame d'un katana. On comprend en les contemplant que les plus grands maîtres artisans reçoivent le titre de Trésors nationaux vivants - depuis une loi prise dans les années 1950 afin de préserver le patrimoine culturel immatériel - consécration d'une vie dévouée au geste juste et à l'accomplissement de la matière en un objet remarquable.
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En comparaison avec l'art de l'Occident, amateur de certitudes, l'art du Japon n'est jamais défini dans une forme fixe et immuable.
"Introduction"