Cela aurait pu s'appeler aussi l'Appel de la guerre. Sur 5 générations, c'est une histoire du genre "Tu seras un homme mon fils!", mais ça ne marche pas.
Robert 70 ans est marié à Darna dans une relation toute de silences, de non dits, de respect, de partage intellectuel, de courtes phrase qui se suffisent à elles-même. Pendant les quelques jours qui entourent la mort de son père, les vieux démons qu'il a ramenés de la guerre du Vietnam et gardés secrets au fil des décennies l'envahissent. le grand-père a fait la Grande Guerre, le père a combattu Hitler. Lui a voulu gagner l'amour de son père (bel échec) en s'engageant, alors que son frère a fui au Canada, tranchant définitivement dans l'amour des siens. Ceux qui sont partis ont ramené des secrets terribles que leur femmes ont respectés, les soutenant chacune à sa manière. Un SDF psychotique traîne par là, son père vétéran du Viet-Nam lui soufflant sa conduite dans son cerveau malade.
C'est donc un thème qu'on a déjà vu et revu, la guerre, le Vietnam, les traumatismes, les secrets, les enfants , les femmes, tout l'entourage qui en souffre.
J'ai assez aimé la façon de faire
De Robert (tiens, il s'appelle Robert et je n'ai pas trouvé de biographie qui dise s'il a fait le Viet Nam) Olen Butler. D'abord j'aime bien les enterrements et tout ce qui tourne autour, en littérature du moins : c'est le moment de réunir tout le monde, de catalyser les sentiments, de dire les choses inavouées etc... Et là il s'en sort plutôt bien, c'est puissamment mené, sans débordements, dans cette réserve sentimentale qui semble affecter 'presque) tous les membres de la famille, cachant leur détresse derrière un mot, un geste, un silence.
Robert, cet homme vieillissant qui devient du jour au lendemain l'aîné de cette famille déchirée, n'est pas la brute qu'ont pu donner les guerres aux générations précédentes; c'est un homme éduqué, intelligent, brillant même , attachant, qui cache, tout enfoui, un tout jeune garçon traumatisé et est autant déchiré par le traumatisme que par le secret. J'ai beaucoup aimé ce couple qu'il forme avec sa femme (et d'une façon générale la place des femmes dans ce roman), ce que l'amour est devenu en 50 ans, qui n'a plus besoin des mêmes enthousiasmes et artifices, qui trouve une certaine paix, laquelle peut sembler terne, mais cache en fait une énergie et une tendresse qui n'a même plus besoin de se dire.
Et puis, si au début les réminiscences m'ont un peu irritée, comme des flashbacks hollywoodiens, elles se sont peu à peu mêlées au quotidien, aux espoirs, aux pensées, aux rêves, aux délires, elles ont pris leur place et tout le récit fonctionne sur cela, le passé, toujours présent, c'est assez prenant.