Confiteor

Malgré la distance qui nous sépare, tu me sers d'exemple. Malgré la panique,je n'accepte plus de planche pour me matenir à flot. Malgré certaines insinuations, je demeure sans croyances, sans prêtres, sans codes consensuels pour m'aplanir le terrain vers je ne sais où. Je me sens vieux et la dame à la faux m'invite à la suivre. Je vois qu'elle a bougé le fou noir et qu'elle m'invite, d'un geste courtois, à poursuivre la partie. Elle sait que je n'ai olus beaucoup de pions. Malgré tout, ce n'est pas encore le lendemain et je regarde qu'elle pièce je peux jouer. Je suis seul devant le papier, ma dernière chance.

Et alors, nous essayons de survivre au chaos grâce à l'ordre de l'art.

A partir de 1941, la décision qui fut prise pour résoudre le problème une fois pour toute fut de laisser la Sainte Inquisition aux enfants de cœur et de programmer l'extermination de tous les juifs sans exception. Et là où il devait y avoir de l'horreur, que cette horreur soit infinie. Et là où il devait y avoir de la cruauté, qu'elle soit absolue, parce que maintenant c'était l'histoire qui prenait la parole.

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Je me suis toujours souvenu de papa comme d'un homme âgé. Maman, en revanche, c'était maman. Dommage qu'elle ne m'ait pas aimé. Tout ce qu'Adrià savait c'était que son grand-père Adrià l'avait élevée comme le font les hommes qui deviennent veufs très jeunes avec un
enfant en bas âge sur les bras et qui regardent de tous les côtés pour voir qui peut leur fournir un manuel d'instructions pour incorporer l'enfant à leur vie. Grand-mère Vicenta était morte très jeune, quand maman avait six ans. Si elle gardait d'elle un vague souvenir, moi, je n'ai dans ma mémoire que les deux uniques photos qu'on
avait faites d'elle : celle du mariage, dans le studio de cal Caria, tous les deux très jeunes et séduisants, mais un peu trop habillés comme pour aller chez le photographe, et une autre de grand-mère avec maman dans ses bras et un sourire accablé, comme si elle savait qu'elle ne la verrait pas faire sa première communion, se demandant pourquoi faut-il que je meure si jeune et que je ne sois qu'une photo couleur sépia pour mon petit-fils, qui a l'air d'être un enfant prodige mais que je ne connaitrai jamais. Maman a grandi seule. Personne ne l'a jamais emmenée au Tibidabo et c'est peut-être la raison pour laquelle il ne lui passait pas par la tête que j'aie envie de savoir ce que pouvaient bien être les automates animés où on mettait une pièce et qui bougeaient de façon magique et ressemblaient à des gens.

Il était plus heureux quand il pleurait pour ce qu'il n'avait pas sous la main qu'en regardant ce qu'il avait devant lui.

(...) Je lis tous les jours et tous les jours je m'aperçois qu'il me reste tout à lire. Et de temps en temps je dois relire, même si je ne relis que ce qui est digne du privilège de la relecture.
- Et qu'est-ce qui rend digne de ce privilège? (...)
- La capacité de fasciner le lecteur; de le faire s'émerveiller de l'intelligence qui se trouve dans le livre qu'il relit, ou de la beauté qu'il génère. Cela dit, la relecture, par sa nature même, nous entraîne dans une contradiction. (...) Un livre qui ne mérite pas d'être relu ne méritait pas davantage d'être lu. (...) Mais avant de le lire nous ne savions pas qu'il ne méritait pas une relecture. La vie est cruelle.

(...) je ne crains pas la mort; je me fâche contre elle c'est tout. La mort m'ennuie mais elle ne me fait pas peur. Quand on est quelque part, la mort n'est pas là; où il y a la mort, on n'y est pas soi-même. Par conséquent, c'est perdre son temps que d'avoir peur d'elle.

Les personnages qui essaient de réaliser à l'âge mûr le désir de leur jeunesse font fausse route. Pour les personnages qui n'ont pas su trouver ou n'ont pas connu le bonheur le moment voulu, il est trop tard, malgré tous leurs efforts.

Les derniers mois (...) servirent à commencer à avoir la nostalgie (...) de toutes ces choses si belles; parce qu'il arrivait à Adrià la même chose qu'à Bernat: il était plus heureux quand il pleurait pour ce qu'il n'avait pas sous la main qu'en regardant ce qu'il avait devant lui.

L'art véritable naît toujours d'une frustration. À partir du bonheur, on ne crée rien.