Citations sur La Journée d'un scrutateur (23)
Mais considérer, ce qu'il faisait implicitement, que sa voix valait plus que celle d'un idiot, n'était-ce pas déjà reconnaître à la vieille polémique anti-égalitaire un certain fondement ?
Refuser la valeur du pouvoir humain, c'est être prêt à accepter (c'est choisir) le pouvoir du pire. (p.65).
Ce qui compte , serait-ce non pas les institutions qui vieillissent, mais la volonté et les besoins des hommes qui se renouvellent sans cesse, et qui rendent leur vérité aux instruments dont ils se servent? (p.23)
En politique aussi bien qu'ailleurs, si on n'est pas un sot, ce sont ces deux principes-là qui comptent: ne pas se faire d'illusions et ne pas cesser de croire que tout ce qu'on fait peut être utile. (p.8).
La littérature lui semblait un vaste cimetière, celle des vivants, comme celle des morts. Désormais, il cherchait plutôt dans les livres la sagesse accumulée par les âges, ou simplement quelque chose qui l'aiderait à comprendre un petit peu. p75
«– Le vote est nul! Elle a montré son bulletin!
Le président déclara qu'il n'avait rien vu, quant à lui.
– Retournez dans l'isoloir, pliez bien votre bulletin, faites attention, dit-il à la vieille.
À l'adresse de la scrutatrice, il ajouta :
– Il faut être patients... patients...
Mais l'autre insista durement :
– La loi est la loi.
– Tant qu'il n'y a pas mauvaise intention, intervint l'un des scrutateurs (un homme fluet, à lunettes), on peut fermer les yeux.»
Aujourd'hui, de surcroît, les heures passées au Cottolengo pesaient sur lui, et toute cette Inde de gens nés pour le malheur, et la question, l'accusation muette qu'elle posait à tous ceux qui procréent. Il lui semblait que ce spectacle, cette prise de conscience ne pouvaient rester sans conséquences, comme s'il eût été, lui, la mère, et sensible à la façon d'une plaque photographique, ou miné depuis longtemps par la désintégration atomique, et incapable de donner naissance à autre chose qu'une descendance condamnée.
D'un autre côté, il y avait la loi morale qui veut qu'on continue à faire son possible, jour après jour ; en politique aussi bien qu'ailleurs, si l'on n'est pas un sot, ce sont ces deux principes là qui comptent : ne pas se faire d'illusions et ne pas cesser de croire que tout ce qu'on fait peut être utile.
D'un autre côté, il y avait la loi morale qui veut qu'on continue à faire son possible, jour après jour ; en politique aussi bien qu'ailleurs, si l'on n'est pas un sot, ce sont ces deux principes là qui comptent : ne pas se faire d'illusions et ne pas cesser de croire que tout ce qu'on fait peut être utile.
Doucement, sûrement, l'ombre grise de l’État bureaucratique avait réoccupé le terrain, la même ombre avant, pendant et après le fascisme, la vieille séparation gouvernants-gouvernés. (p.22)