Yves Camdeborde que tout le monde connait grâce à un célèbre concours culinaire télévisé nous emmène à travers la France, à la rencontre des artisans de l'ombre de la gastronomie. Ce sont ses vrais fournisseurs que le pionnier de la bistronomie nous invite à rencontrer. Ce premier tome se déroule en hiver et au printemps.
Nous irons fabriquer du beurre et du fromage en Bretagne, dénicher la truffe dans la Drôme, pêcher le homard et des coquillages à pied sur l'île de Chaussey...
Nous passerons même un moment à la prison d'Angoulême, donner un coup de mains au chef cuistot et aux détenus cuisiniers.
Et la vigne bien sûr... Surprenant de découvrir que les Côtes Rôties sont équipées d'un monorail tant les coteaux sont pentus.
Et comme
Yves Camdeborde est intéressé par la chaîne complète, c'est tout naturellement qu'il s'inquiète de la provenance de ses couteaux. C'est dans le Puy-de-Dôme qu'il trouve son bonheur auprès d'un cuisinier reconverti en coutelier depuis qu'il s'est rendu compte que les couteaux de table n'étaient pas faits pour couper les magrets.
A travers cette bande-dessinée, c'est toute cette "bonne bouffe" à la française qu'on passera en revue. Il y a le bio bien sûr, mais au-delà de l'étiquette, c'est le terroir, le respect de la nature, des animaux et des produits qui priment pour tous ces artisans que nous rencontrerons. Pour reprendre une réplique au moment où l'on parle de ce qu'on appelle aujourd'hui "le vin naturel": "Nous on appelait ça il y a trente ans travailler normalement". C'est aussi ce message là qui passe à travers les bulles. Il reste partout en France des producteurs, des cultivateurs, des vignerons, ds mareyeurs, des maraîchers,... qui poursuivent le travail de leurs ancêtres en respectant leur héritage. Et malgré les contraintes, les contrôles, les normes... ils ont tenu contre vents et marées et aujourd'hui, enfin, on commence à leur donner raison. Et très important, ils veulent pouvoir transmettre, pas nécessairement à leur descendance mais à d'autres amoureux du terroir et de la gastronomie.
Beaucoup de personnages dans cette BD, tous reconnaissables si on connaît le modèle. A côté des cases traditionnelles, l'auteur nous offre quelques planches en mode scrapbooking, des cases qui sont restées à l'état de crayonné et pour les cases historiques, c'est le sépia qui est exploité. Tout cela rend la lecture de cette BD d'une bonne centaine de pages très agréables.
On y apprend beaucoup de chose, sur les cultures, sur les fabrications, sur la cuisine bien entendu. L'approche pédagogique est extrêmement bien intégrée au récit et conviendra aussi bien à ceux qui s'y connaissent déjà qu'aux néophytes. Et en bonus, on a droit à quelques menus et recettes de bons restaurants, qui donnent tous l'eau à la bouche.
Tout cela me conforte dans mon mode de consommation qui consiste à privilégier le circuit court, à m'intéresser aux modes de fabrication des produits que j'achète et à ne mettre les pieds dans un supermarché que pour acheter les quelques produits que je ne trouve pas dans les commerces de proximité. Un retour aux valeurs de la terre, des racines, du savoir-faire... Un des vignerons du Beaujolais résumera très bien le changement de paradigme que certains ont entamé et qui sera source de survie: "L'idée c'est de rester petit et de ne pas être emporté par le pognon et savoir dire J'arrête". Tout le monde devrait lire cette BD qui m'a paru sincère aussi bien dans sa forme que dans son fond.