Ce recueil comporte 10 parties (8 correspondant à des tomes déjà publiés + 2 séquences inédites).
Eddie Campbell raconte des anecdotes de sa vie au travers d'un personnage dénommé Alec MacGarry.
The King Canute Crowd (130 pages) - le jeune Alec exerce le métier de découpeur de tôle dans une PME et noue une amitié durable avec un cariste dénommé Danny. Ce métier manuel lui laisse tout le temps de cerveau nécessaire pour réfléchir à son art (la bande dessinée). Cette partie décrit des scènes plus ou moins courtes dans lesquelles les personnes fréquentant le même pub (rebaptisé "King Canute") interagissent. le lecteur est ainsi amené à suivre Alec dans ses conversations avec les uns et les autres, au cours d'arrangement de déplacement d'un point à un autre quand le nombre de véhicules est limité, d'arrangements pour le couchage quand on dort par terre chez quelqu'un d'autre, au cours d'un voyage en France pour la journée, d'un mariage, de rencontre avec des femmes, à l'aide d'une petite vieille à rentrer chez elle, etc.
Graffiti Kitchen (50 pages) - Alec a une relation plus suivie avec une femme plus âgée et il continue de rencontrer ses potes et de faire de nouvelles connaissances. Il prend conscience que la seule constante dans sa vie, c'est lui, les autres ne sont que de passage autour de lui. Cette histoire constitue un essai d'un différent style graphique qui évoque fortement
Jules Feiffer (
Je ne suis pas n'importe qui !).
Shorts (8 pages) - Cette partie comprend 2 histoires courtes, l'une sur l'arrivée d'un petit ami dans une famille dont le père évoque celui d'Alec, l'autre sur la sexualité. Il s'agit de 2 expérimentations.
How to be an artist (110 pages) - le titre est assez explicite,
Eddie Campbell raconte comment il estime être devenu un artiste. Or Campbell n'est pas le premier venu : il faisait partie de la bande dessinée indépendante en Angleterre quand
Alan Moore a commencé à devenir un scénariste prépondérant (suivi de peu par
Neil Gaiman et beaucoup d'autres). le lecteur assiste de l'intérieur à la genèse de cette génération d'auteurs qui bénéficie d'un engouement d'une ampleur sans précédent pour les comics matures aux États-Unis. Campbell y parle de ses influences en tant qu'artiste, mais aussi de l'état de l'édition des comics à l'époque avec le développement de l'autoédition (
Peter Laird et
Kevin Eastman pour les Teenage Mutant Ninja Turtles puis Tundra,
Dave Sim pour Cerebus,
Steve Bissette pour son anthologie Taboo, etc). Cette partie donne le point de vue de la mode pour les comics qui a commencé avec Watchmen et Maus, du point de vue anglais. Cette partie m'a passionné.
Little Italy (35 pages) -
Eddie Campbell regroupe quelques histories courtes datant de son installation en Australie. Il y a en particuliers 4 pages consacrées à l'histoire vraie du cadavre d'une jeune femme que la police a bien du mal à identifier ("The pyjama girl"), une télé qui ne fonctionne pas et quelques anecdotes sur son beau-père.
The dead muse (12 pages) -
Eddie Campbell évoque le travail d'autres dessinateurs de comics photocopies et quelques anecdotes de sa vie ordinaire.
The Dance of Lifey
Death (50 pages) - Campbell fait le tour du monde pour assister à des conventions et retrouver d'anciens amis. Il effectue un séjour dans une immense villa d'un médecin australien et commence à parler de son intérêt pour les vins, entrecoupé de quelques anecdotes avec ses enfants et de son travail d'artiste.
After the Snooter (160 pages) - Campbell vit correctement de ses bandes dessinées, il a vieilli (la quarantaine) et il traverse une légère crise existentielle. Il prend conscience de sa mortalité, il se demande si son penchant pour le vin ne prend pas des proportions trop importantes et il a enfin suivi les conseils de
Dave Sim (il est de venu son propre éditeur). Il prend également conscience de l'impact qu'à eu "
From Hell" sur sa vie et son psychisme.
Fragments (inédit, 34 pages) - Cette partie est essentiellement composée d'un projet avorté sur la nature de l'humour. Campbell prend également conscience que son sens de l'humour s'émousse avec l'âge et les responsabilités.
The years have pants (inédit, 34 pages) - Campbell explique le titre de son ouvrage et raconte quelques anecdotes plus récentes de sa vie.
Campbell est un professionnel de la bande dessiné avec un parcours singulier et éclectique : une illustration de la vie de Jack l'Éventreur selon
Alan Moore (
From Hell), d'autres collaborations avec
Alan Moore (A Disease of Language, en anglais), une variation sur les dieux grecs (Bacchus, en anglais), une adaptation de pièce de théâtre (Black Diamond Detective Agency, en anglais) et un récit mettant en scène un auteur de théâtre (The Playwright, en anglais).
Le charme de cet ouvrage repose sur 2 spécificités. Cette autobiographie n'est jamais pesante car
Eddie Campbell travaille les expériences de sa vie pour les présenter sous un jour qui mélange le quotidien avec une dose d'autodérision très british, une pudeur également british et avec la mise en avant du caractère agréable de la vie et des découvertes faites à tout âge (aucun auto-apitoiement à l'horizon, pas de narcissisme existentiel). Il sait trouver un équilibre précaire entre les petits plaisirs de la vie et une vision qui n'est pas née de la dernière pluie. Pour autant il n'adopte jamais un ton cynique ou blasé. le deuxième attrait est d'assister au développement d'un artiste qui sort des sentiers battus et est à la périphérie de la grosse industrie des comics. Enfin la lecture de ces 600 pages m'a permis de mieux comprendre la construction du style graphique adopté par Campbell qui m'avait fortement dérouté lors de la lecture de "
From Hell".