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3,87

sur 590 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je l'avais lu il y a des siecles et je ne me rappelais de rien. C'est donc plus une nouvelle lecture qu'une relecture.

Ce sont des nouvelles dont quelques unes prennent une allure de conte. Un ton qui me semble tres different de celui de “Noces”. Plus pres de la gravite de certains textes de “L'ete”. La fin des annees 50 est tres loin de celle des annees 30.

Si la nature est tres presente, c'en est fini de son exaltation enamouree, finie la celebration des noces idylliques et naturelles de l'homme avec le monde. La nature est ici des fois une nostalgie, d'autres un exil, force, ou assume, ou recherche et voulu. La nature est ici des fois desert, des fois montagnes abruptes et esseulees, des fois jungle etouffante. Et toujours le climat y est extreme.

Il n'y a que deux nouvelles qui se passent dans une grande ville. Mais la promiscuite ne fait qu'accentuer le desir d'exil interieur (Jonas ou L'artiste au travail: “Jonas avait seulement ecrit, en tres petits caracteres, un mot qu'on pouvait dechiffrer, mais dont on ne savait s'il fallait y lire solitaire ou solidaire”), et le bruit alentour, le combat pour une vie decente, rend les hommes muets justement quand la parole est le plus necessitee (Les muets).

L'Algerie est tres souvent presente, une Algerie ou on longe la mer sans la voir (Les muets), l'Algerie du desert, des montagnes desertiques: “Nul oiseau, nul brin d'herbe, la pierre, un desert aride, le silence, leurs cris”. L'Algerie des petits blancs, qui decouvrent, avec effroi et une certaine attirance, le fier port des arabes non citadins (La femme adultere). L'Algerie des idealistes qui apres une vie passee a apporter un peu d'alphabetisation, de culture, dans des regions lointaines de tout centre, s'apercoivent que les autochtones les rejettent, ne les ont jamais acceptes, qu'ils sont et resteront toujours etrangers, jamais integres, qu'ils sont en exil dans le pays ou ils sont nes (L'hote: “Dans ce vaste pays qu'il avait tant aime, il était seul"). L'Algerie de missionaires qui s'apercoivent de l'inanite de leurs efforts et en perdent non seulement leur foi mais aussi leur raison (Le renegat ou Un esprit confus).

Le dernier conte (La pierre qui pousse), ou un etranger, fraichement arrive dans un village de la jungle amazonienne, aide un autochtone a remplir une promesse faite aux dieux, ramene le lecteur a une vision beaucoup plus optimiste, chargee d'espoir. Un recit ou s'exprime l'ideal camusien de la fraternite humaine.


Une fois ma lecture finie, je crois que tous les personnages mis en scene ici etaient definis d'avance dans le titre. Tous sont en exil, tous cherchent a se reorienter dans une societe de laquelle ils se sentent expulses. Tous cherchent le chemin vers un royaume auquel ils ont aspire ou qu'ils ont cru le leur dans le passe. Beaucoup, etrangers dans leur propre monde, extrinseques de leur propre peau, ont endure de la douleur, essuye de la tristesse, ressenti du decouragement: “Elle savait seulement que ce royaume, de tout temps, lui avait ete promis et que jamais, pourtant, il ne serait le sien”. Mais Camus laisse entrevoir une lumiere salvatrice au fond du tunnel: la recherche d'un horizon ethique qui peut preserver du nihilisme social. Meme marginalise par d'autres, tout homme se doit d'essayer de les rencontrer, de s'en approcher et de les rapprocher a soi. Ce n'est pas facile, ce n'est pas donne, et Camus illustre cette difficulte dans plusieurs nouvelles, mais il nous souffle aussi que sans rencontre avec l'autre il ne peut y avoir de rencontre avec soi-meme, il ne peut y avoir qu'exil interieur ou exil tout court. On ne peut trouver de paix interieure que dans la solidarite humaine. On ne peut atteindre le royaume que dans la solidarite humaine.

Du tres bon Camus.
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En relisant cet essai pour l'animation de notre club littéraire consacré aux exils , je me suis vraiment aperçue que Camus avait, très souvent, mis en scène dans plusieurs de ses romans ou essais l'exil.
La peste est un terrible exil… isolement de la ville coupée du monde, enfermement des habitants dans l'espace et dans le temps, dans Caligula, les Romains qui n'ont pas obtenu de distinction au bout d'un an sont punis exécutés ou exilés,
Dans La chute, c'est un homme Jean Baptiste Clamence qui s'exile volontairement pour devenir juge-pénitent, dans l'exil d'Hélène (l'eté) , c'est l'exil de la beauté, dans l'Exil et le royaume, l'exil est divers et multiple. Exil volontaire, souvent négatif mais qui peut aussi déboucher sur la redécouverte de soi et même sur le bonheur (la femme adultère)
Et plus que jamais les deux contraires solitaire et solidaire peuvent déboucher sur un royaume.…

C'est la dernière oeuvre littéraire de Camus publiée du vivant de l'auteur en 1957 . Cet essai renvoie par son association d'antinomies à L'Envers et l'Endroit, première oeuvre de 1937.
L'exil et le royaume reste un ouvrage peu connu, et pour moi une lecture déroutante parfois difficile, même sibylline (le renégat notamment ) il faut savoir trouver le fil rouge qui relie toutes ces six nouvelles et savoir le dérouler.


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Après avoir vu le film Loin des Hommes, avec Vigo Mortensen et Reda Kateb, un très beau film, j'ai éprouvé le besoin de lire la nouvelle L'Hôte dont il est l'adaptation. Une adaptation réussie !
Daru l'instituteur, isolé sur le haut plateau algérien aux portes du désert veut ignorer la guerre des hommes. Il ne veut appartenir à aucun camp malgré les pressions de son rare entourage.
J'ai retenu une phrase de la nouvelle qui illustre la position de Daru et que l'acteur Vigo Mortensen parvient à incarner avec force :
"Devant cette misère, lui qui vivait presque en moine dans cette école perdue, content d'ailleurs du peu qu'il avait, et de cette vie rude, s'était senti seigneur, avec ses murs crépis, son divan étroit, ses étagères de bois blanc, son puits et son ravitaillement hebdomadaire en eau et en nourriture."
Dans chacunes des nouvelles les personnages cherchent à se passer des béquilles de la vie que sont l'idéologie, le religieux, le sacré, le sacrifice.
S'ils peuvent à un moment donné être des moyens de libération, ils n'en constituent pas moins une illusion et s'en défaire avec toutes les conséquences que cela implique reste pour eux la seule option.
Ces nouvelles sont du concentré de Camus, des histoires qui en disent plus sur sa philosophie de la vie que ses essais.
On y retrouve des personnages secondaires familiers, Esposito l'ouvrier contestataire de la tonnellerie dans la nouvelle "les muets" que l'on croise dans l'Etranger.
D'une phrase Camus sait montrer la résignation du tonnelier Yvars qui en ouvrant sa musette, trouve, "Entre les deux tranches de gros pain, au lieu de l'omelette à l'espagnole qu'il aimait, ou de bifteck frit dans l'huile, il avait seulement du fromage." et cherche le réconfort dans sa famille, "Fernande apporta l'anisette, deux verres, la gargoulette d'eau fraîche. Elle prit place près de son mari. Il lui raconta tout, en lui tenant la main, comme aux premiers temps de leur mariage."
Louise, la femme de Jonas (l'artiste au travail) "prenait en charge résolumment, les mille inventions de la machine à tuer le temps, depuis les imprimés onscurs de la Sécurité Sociale jusqu'aux dispositions sans cesse renouvelées de la fiscalité."
La femme adultère souffre en silence " (...) le plus dur était l'été où la chaleur tuait jusqu'à la douce sensation de l'ennui." mais parvient à trouver "quelque (qui) l'attendait qu'elle avait ignoré jusqu'à ce jour et qui pourtant n'avait cessé de lui manquer."
L'ingénieur d'Assart exilé au Brésil pour apporter le progrès de la science et de la technique aux populations indigènes menacées par des crues du fleuve se retrouve face aux croyances religieuses et prend part à sa façon à une procession dont il finit par devenir l'ordonnateur iconoclaste mais finalement accepté par sa nouvelle communuaté. (La pierre qui pousse)
Le temps fort du recueil est sans conteste "Le renégat ou un esprit confus".
Un ancien séminariste défroqué s'enfuit vers une ville de sel perdue dans le désert et abjure son ancienne foi pour adhérer à celle d'un fétiche dont il devient l'objet à défaut d'en être le sujet :
"Ô fétiche mon dieu là-bas, que ta puissance soit maintenue, que l'offense soit multipliée, que la haine règne sans pardon sur un monde de damnés, que le méchant soit à jamais le maître, que le royaume enfin arrive où dans une seule ville de sel et de fer de noirs tyrans asservisseront et posséderont sans pitié !"
Un recueil de nouvelles à découvrir pour compléter notre connaissance de Camus.
Ces nouvelles sont une autre façon d'aborder l'oeuvre du philosophe et de mesurer, une fois de plus, ce qui l'éloigne de JP Sartre.

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3ème livre de Camus que je lis. Je repense au bus Essaouira - Marrakech dans leur burnous. Il n'aimais pas beaucoup l'effort physique. Il avait cessé de la mener sur les plages. Ils vivaient dans 3 pièces, ornées de tentures arabes et de meubles de Barbes. L'eau de la nuit commença d'emplir Janine. Les muets. Il évitait les rails. Sa jambe infirme reposait. le tonneau les bordelaises , mon grand père maternel était tonnelier. Je suis sensible à cette description. Les douelles creusées à la varlope.
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Il faut lire Albert Camus pour son écriture et son humanisme. Les mots qu'il choisit ont une force d'évocation hors-pair et il n'est pas Nobel de littérature pour rien.
Ce recueil de six nouvelles le prouve d'autant plus que la sobriété de la langue n'a d'égale que la brièveté des textes.
"L'exil et le royaume" est la dernière oeuvre de Camus publiée de son vivant. le livre est composé de : La Femme adultère, le Renégat ou un esprit confus, Les Muets, L Hôte, Jonas ou l'artiste au travail et La Pierre qui pousse.
A travers ses personnages Camus s'interroge sur le sens de l'existence, l'absurde de ses contraintes et contradictions, les choix qu'elle conduit à faire, les sources d'amertume et d'espoir.

La nouvelle que je préfère est l'hôte. On y retrouve la terre natale de Camus.
En Algérie, dans les hauteurs semi-désertiques du pays, un instituteur français reçoit la visite d'un gendarme et de son prisonnier indigène. A lui d'amener l'homme à Tinguit où il sera jugé pour meurtre. Cette tâche, il l'accepte à contrecoeur et devra la confronter à sa conviction intime et la complicité étrange qui va le lier à cet homme dont il ne sait rien.

Ce que j'aime beaucoup aussi, ce sont ses premières phrases comme dans La femme adultère : « Une mouche maigre tournait, depuis un moment, dans l'autocar aux glaces pourtant relevées. ». On s'y croirait.


Challenge Nobel illimité
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Une passion pour l'ensemble des textes de Camus, mais ce recueil de nouvelles me touche plus particulièrement; il offre des bijoux de poésie et de sensibilité....dans des sujets très différents
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De temps en temps, un retour aux valeurs sûres, cela fait du bien ! Ainsi, je retrouve Albert Camus, bien des années après la lecture de L'étranger et de la chute, et un peu plus récemment La peste, mon préféré, et le premier homme, roman inachevé sur son père et son enfance. Je ne connaissais pas L'exil et le royaume, recueil de six nouvelles assez longues et qui, bien que très différentes par leurs styles et leurs atmosphères, se rejoignent sur les thèmes de la solitude, du sentiment d'étrangeté ressenti dans un autre pays que le sien, de l'incompréhension. Quelques mots sur chacune vous en donneront une idée :
La femme adultère : Une femme accompagne son mari dans une tournée dans les petits bourgs du désert, et côtoyer des nomades lui fait remettre son existence entière en question. C'est un très beau texte.
Le renégat : Un missionnaire devient l'esclave et le serviteur de ceux qu'il était venu convertir. Sa voix intérieure, ses pensées chaotiques, la violence sont très forts, très durs dans cette nouvelle.
Les muets : Des ouvriers d'une tonnellerie sont contraints de reprendre le travail après une longue grève qui n'a pas abouti. Les relations avec leur patron, pas si inhumain, sont finement analysées, le ton est mélancolique lorsque le personnage principal évoque sa jeunesse.
L'hôte : Dans un village perdu de la montagne algérienne, l'instituteur voit arriver un gendarme qui lui confie un prisonnier. Cette nouvelle est pleine d'humanité, mais aussi d'incompréhension.
Jonas : Dans ce texte plus léger, mais doux-amer, sûrement inspiré du quotidien ou de connaissances de Camus, un peintre a de plus en plus de mal à travailler à mesure que la célébrité s'installe. le rapport avec l'exil paraît moins évident, mais on le comprend au bout d'un moment !
La pierre qui pousse : Un ingénieur vient visiter une ville portuaire en Amazonie et fait la connaissance de quelques habitants. Pourront-ils se comprendre malgré des cultures bien différentes ?
Outre le thème de l'exil, un autre point commun à ces nouvelles est le cadre, le paysage : les descriptions en sont très belles, à tel point qu'elles donnent l'impression d'avoir des photos sous les yeux.
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« L'Exil et le royaume » est un recueil de six nouvelles, paru en 1957 mais dont le plan date de 1952 environ. Comme « La Chute » (qui devait initialement en faire partie) il intervient à une époque où l'auteur se pose des questions sur sa vie et sur son oeuvre : il a quarante ans, et craint qu'on (la critique, le public) ne l'enferme dans un certain genre, et il s'inquiète également du moralisme qu'on lui prête. Il entreprend donc la troisième partie de son oeuvre (après les cycles de l'absurde et de la révolté), dans une solitude qu'il compare à un exil :
« La Chute », avant de devenir un long récit, faisait partie de « L'Exil et le royaume ». Ce recueil comprend six nouvelles : « La Femme adultère », « le Renégat », « Les Muets », « L'Hôte », « Jonas », et « La Pierre qui pousse ». Un seul thème, pourtant, celui de l'exil, y est traité de six façons différentes, depuis le monologue intérieur jusqu'au récit réaliste. Les six récits ont d'ailleurs été écrits à la suite, bien qu'ils aient été repris et travaillés séparément.
Quand au royaume dont il est question, aussi, dans le titre, il coïncide avec une certaine vie libre et nue que nous avons à retrouver, pour renaître enfin. L'exil, à sa manière, nous en montre les chemins, à la seule condition que nous sachions y refuser en même temps la servitude et la possession » (Prière d'insérer – 1957).
Des six nouvelles, les quatre premières se passent en Algérie, les deux dernières hors d'Algérie (Paris pour « Jonas », le Brésil pour « La Pierre qui pousse »). C'est dire assez la place que tient ce pays dans l'esprit et le coeur d'Albert Camus : encore faut-il y mettre un bémol : même ici c'est un pays d'exil. le héros de chaque nouvelle est un exilé, et pour les quatre premiers, un exilé dans son propre pays. Et bémol dans le bémol : cet exilé est un européen (pied-noir) dans un pays colonisé. Mais l'exil n'est pas seulement physique : nos héros ont le sentiment de n'être pas à leur place, et cherchent un moyen pour en sortir, quitter l'exil pour le royaume, ce royaume synonyme de liberté, si l'on en croit la « Prière d'insérer ».
« L'Hôte » est sans doute la plus célèbre des nouvelles de ce recueil, c'est aussi une des plus énigmatiques : Dans un petit village (algérien, bien sûr), Daru est instituteur. Un jour il est requis pour amener un Arabe, inculpé de meurtre, à la ville voisine de Tinguit. Chemin faisant, il laisse le prisonnier choisir entre la prison et la fuite. Mais contre toute attente, le prisonnier choisit la prison. En rentrant dans son école il trouve ces mots écrits sur le tableau noir : « Tu as livré notre frère. Tu paieras ». Et Camus conclut : « Dans ce vaste pays qu'il avait tant aimé, il était seul ».
Le recueil tout entier tourne autour de ces deux mots solitaire et solidaire, qu'on serait tenté d'opposer l'un à l'autre, solitaire correspondant à l'exil, et solidaire pouvant être une des composantes du royaume… Mais toutes les interprétations sont possibles.
« Camus retrouve ici la nudité algérienne, l'odeur âcre des vies humbles, quelques élans lyriques vites réprimés, de l'ironie, enfin. Camus s'est mis en quête de « ces deux ou trois images simples » que lui a léguées son enfance. (Roger Quillot).
Les amateurs de BD trouveront une parfaite illustration de « L'Hôte » dans l'adaptation remarquable qu'en a faite Jacques Ferrandez (Gallimard) (2009). Ce magnifique auteur-dessinateur a également adapté « L'Etranger » (2013) et « le Premier homme » (2017). Ses « Carnets d'Orient » relatent l'histoire de l'Algérie de 1836 à 1962, un monument (1986-2009).
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Une passion pour l'ensemble des textes de Camus, mais ce recueil de nouvelles me touche plus particulièrement; il offre des bijoux de poésie et de sensibilité....dans des sujets très différents
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Ce recueil comprend l'une des nouvelles qui m'a le plus bouleversé : la femme adultère. Je n'attendais tellement pas cette capacité à absorber l'infini d'un auteur dont on imagine toujours le verbe comme un couperet pour toute chose à venir. Là où Camus se refuse à entrer dans les cases ... et toujours ce paysage et ses effets de réel debout comme des personnages, capables de vous anéantir en un geste, un mot, une page. Grandiose ...
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