Après la lecture de "Ralentir ou périr" de Thimotée Parrique je reste dans le thème de la décroissance en découvrant les idées d'
Edward Carpenter. On ne peut pas dire que ce poète et philosophe anglais (1844-1929) a cultivé une sorte de défiance vis à vis des nantis à cause d'une enfance malheureuse dans un milieu défavorisé. Au contraire il est issu d'une famille riche qui lui a permis de faire des études à Cambridge. Il aurait pu mener une vie aisée sur le plan financier en devenant pasteur et en entretenant des relations avec le milieu bourgois auquel sa famille appartenait. Il a choisi une voie différente en s'installant à la campagne pour y cultiver la terre et développer ses idées de socialiste libertaire. Ses modèles ne sont pas les spéculateurs, les industriels ou les banquiers, mais les poètes comme Walte
Whitman et
Henri David Thoreau.
Ce livre «
Vers une vie simple » publié en 1887 rassemble neuf
essais décrivant son expérience de « retour à la terre ». Ses idées très en avance sur son temps sont dans la mouvance d'un
Pierre Rabhi ou d'un
Aurélien Barrau d'aujourd'hui.
Sa critique du capitalisme est cinglante : “À notre époque (1887) où l'on se rue vers les actions, les dividendes, nous sommes-nous interrogés sur ce que tout cela signifiait ? avons-nous réfléchi au fait que tout l'argent ainsi gagné est pris à quelqu'un d'autre, que ce que nous n'avons pas gagné par notre travail ne peut pas être à nous” (page 76)
Dans ce livre il passe en revue les différentes modalités d'une vie simple, proche de la nature, loin de l'idéologie du progrès et de la consommation de masse. Il recense les besoins vitaux essentiels en matière d'alimentation, de consommation de viande, propose des simplifications dans la vie de tous les jours pour faire les repas, la vaisselle, dénonce l'esclavage de la femme, incite à cultiver un petit lopin de terre pour subvenir à ses besoins.
« À mesure que les palais des riches s'étendent, les taudis des pauvres doivent inévitablement s'étendre toujours plus loin dans la direction opposée. Il est inutile de parler d'amélioration du logement de ces malheureux tant que vous ne vous attaquerez pas à la racine de leur pauvreté. » page 23).
Ce livre est une belle découverte qui démontre que le souhait de vivre dans la sobriété n'est pas une invention d'intellectuels modernes, de doux dingues baba cool en quête d'originalité, mais qu'il a toujours inspiré des hommes qui considèrent que l'accumulation des « richesses » ne mène qu'à la frustration et à l'aliénation.
— «
Vers une vie simple »,
Edward Carpenter, L'échappée collection 10/18 (2021), 210 pages.