La classe de neige », récompensé du Prix Femina 1995, est le dernier roman d'Emanuel Carrère qui s'est depuis détourné du genre fiction stricto sensu. Ce court récit (147 pages) a acquis en une vingtaine d'années le statut de petit classique de la littérature française. Est-ce mérité ?
Nicolas, un jeune garçon extrêmement solitaire et craintif, assailli d'angoisses et pensées morbides, est envoyé en classe de neige.
Coupé de sa famille, mais entièrement sous l'emprise de son père, Nicolas ne cesse de cauchemarder chaque nuit. Pour garder l'intérêt d'un de ses camarades, Hodkann, il va se mettre à inventer des histoires de vols d'organes, maladivement obsédé par l'agencement et les dysfonctionnements du corps humain. Au final, la réalité se révèle plus éprouvante que ses fantasmes les plus cruels.
Toute le talent d'
Emmanuel Carrère tient dans sa capacité à plonger son lecteur dans la tête d'un enfant de dix ans. Un petit garçon encore qui, tout au long de cette semaine loin de chez lui, va utiliser tous les moyens possibles pour se rassurer et éviter à tout prix de se faire submerger par ses angoisses.
Des peurs classiques et habituelles, liées à la difficulté pour un enfant de cet âge de se confronter aux autres, et au monde extérieur. Mais surtout, des peurs anormales, nées d'un mystère - le père - et d'un drame - la disparition d'un autre enfant - qui vont se révéler beaucoup plus concrètes qu'un simple cauchemar.
Il plane donc sur le récit une impression permanente d'angoisse. À l'image de Nicolas, le lecteur s'attend à tout moment à ce qu'une catastrophe survienne. Sa personnalité, ses peurs, le rendent en effet trop vulnérable pour que l'on puisse imaginer une issue heureuse. «
La classe de neige » est ainsi un roman à la fois oppressant et palpitant.
Une jolie réussite que ce roman, écrit dans un style sobre et précis. Grâce à une narration maîtrisée de bout en bout,
Emmanuel Carrère retranscrit avec grand talent la psychologie d'un enfant angoissé, en recherche de reconnaissance, livré à lui-même, seul face au groupe qu'il croit d'emblée hostile. En lui, une confusion certaine entre la peur et le désir, le cauchemar et le rêve, la réalité et la fiction. En définitive, un récit percutant sur le pouvoir de l'inconscient chez l'enfant, sur la force de l'intuition, de l'imaginaire et du fantasme.
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