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EAN : 9782753510913
417 pages
PUR, Presses universitaires de Rennes (17/06/2010)
4.12/5   4 notes
Résumé :
De manière vivante et claire, cet essai fait la synthèse de plusieurs centaines de publications savantes en quatre langues, à la lumière des acquis récents de l’histoire rurale en Europe. Il met ainsi au jour un des éléments méconnus de l’identité européenne, l’humanisation au Moyen Âge des Alpes par une paysannerie laborieuse, organisée en communauté. Les sources documentaires permettent de bien connaître cette économie agro-pastorale et de reconstituer les process... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il faut savoir, de temps en temps, se plonger dans un livre d'historien fait par des historiens pour des historiens. L'un de ces bouquins dans lesquels les exploits de Pierre de II de Savoie ‘le petit Charlemagnes' font visiblement partie de la culture générale de base, et pour lesquels le droit médiéval est du niveau du plan local d'urbanisme. Bon c'est généralement un cadeau qu'on m''a fait, et je ne dis pas que j'en retiens beaucoup de choses, mais là n'est pas le principal. le plus important, c'est d'observer la masse de savoirs accumulés, de prendre la mesure de la complexité du monde, et d'admirer l'érudition et le degré de recul de ceux qui ont écrit cela.

Les montagnes ont toujours fait figure de mondes à part. L'isolement et l'enclavement des communautés, la dureté de l'environnement et les configurations géographiques très variables ont de bonne heure obligé ses habitants à déployer une incroyable diversité d'organisation et de stratégies. Cet ouvrage très érudit analyse le fonctionnement de leur économie, leur organisation et leur relation avec le féodalisme.

Ce qui frappe, c'est le degré de judiciarisation de ces sociétés. Peut-être parce que les historiens s'appuient sur ce qu'ils ont, mais il faut bien constater que chartes, franchises, contrats et autres abondent. Très tôt les sociétés paysannes des Alpes ont donc visiblement compris la puissance des mots inscrits sur le papier, qui permettent de s'organiser, consacrent des droits acquis et posent des frontières à l'arbitraire seigneurial. Leur système juridique est, on le sait, l'une des grandes spécificités des sociétés occidentales – et peut-être leur principale force. Et visiblement beaucoup de communautés alpines l'avait compris. On découvre donc parfois des situations très baroques, comme au XIVème siècle lorsque les seigneurs de Cly-Challant, en Val d'Aoste, sont tellement endettés qu'ils sont littéralement mis sous tutelle financière de leurs paysans, ces derniers épongeant leurs dettes en échanges !

Le deuxième constat, c'est la précarité de la vie, et la pression démographique qui s'exerce sur ses territoires aux ressources limitées. Avant la grande peste, la culture des céréales se fait jusqu'aux limites du possible ; des villages permanents existent couramment à 2000 mètres d'altitude. Saint-Véran est l'un des survivants de cette époque – où il était loin d'être le plus haut village des Alpes ! Après les milliers de morts causés par l'épidémie, une grande partie des champs pauvres sont reconvertis en pâturage ; une économie plus centrée sur l'élevage se met en place, et l'âge d'or de la transhumance commence. Les barrières de péage chiffrent couramment des dizaines de milliers de moutons et des milliers de vaches migrants chaque année, vers les prairies du sud en hiver et vers les hauts pâturages en été !

Enfin, les spécificités concernent aussi l'organisation politique. La Suisse naquit d'un différend autours d'un alpage entre une abbaye et trois cantons, lesquels prirent leur indépendance de tout pouvoir seigneurial dans la foulée. Mais ce ne fut pas la seule expérience de démocratie directe dans la région ; l'ouvrage présente également les Ligues des Grisons, la République des Escartons dans le Dauphinée, les statuts spéciaux des hautes vallées de Vénétie et de Lombardie... Et on constate que les Alpes, terres de misère et d'immigration pendant des siècles, furent aussi un formidable laboratoire aussi bien des techniques agricoles que des systèmes politiques et juridiques. Mais ce n'est là qu'un petit aperçu des richesses de l'ouvrage.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Reste que la montagne est bien, dans l'Europe médiévale, un des lieux d'émancipation des communautés rurales par rapport à la seigneurie et de résistance à la construction de l’État moderne. [...] Comment expliquer ce relatif irrédentisme montagnard ? On peut, bien sûr, invoquer l'influence du milieu, avec l'enclavement et l'éloignement des vraies centres de pouvoirs, un faible brassage de la population, une noblesse locale aux moyens limités et durement frappée par la crise du bas Moyen Âge. Tout cela a son importance certes, mais d'autres pistes, encore mal défrichées par la recherche, semblent à priori aussi prometteuses. Il y a, en particulier, l'existence d'élites locales puissantes, d'éleveurs, de transporteurs, de notaires, qui font le choix de s'investir dans leurs propres communautés plutôt que de s'intégrer aux classes dirigeantes de la société englobante. Ce sont ces élites qui donnent aux communautés leur programme économique et politique sur le long terme, avec souvent un grand réalisme.
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On connait des cas extrêmes où la gêne seigneuriale conjuguée à la prospérité paysanne a pu aboutir à un véritable renversement des rapports de force. C'est ainsi qu'en 1304, Boniface et Godefroy de Cly-Challant, seigneurs valdôtains, octroient à leurs sujets du mandement de Cly des franchises exceptionnelles. perclus de dettes, les deux seigneurs demandent à leurs hommes une aide d'urgence de 600 livres, en échange de laquelle ils leur concèdent une véritable tutelle sur leur propre pouvoir. Désormais, toute dépense et toute transaction financière envisagée par les seigneurs doit être approuvée par un conseil de 40 hommes désignés par les communautés de Valtournenche, de Veraye et de Torgnon. Ce conseil doit nommer à son tour un clavaire, c'est à dire un trésorier. Chargé d'examiner les comptes seigneuriaux, il en rend compte au conseil deux fois par an, les 27 décembre et 27 juin. Enfin, il est prévu que le conseil élise les mandiers, c'est à dire les gardes-champêtres des trois communautés, qu'il doit auditionner tous les dimanches en présence des seigneurs et du métral. Autrement dit, autant qu'à la gestion financière, c'est à l'exercice de la justice seigneuriale que les quarante sont associés.
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