Contre la désobéissance (« alter-obéissante ») d'
Erich Fromm et pour la désobéissance créatrice de
Cornelius Castoriadis.
Par-delà la question rhétorique posée par le titre, cet essai tiré d'une thèse de doctorat s'interroge sur les fondements de philosophie politique et sur les conditions qui justifient la désobéissance civile, d'après la doctrine de
Castoriadis. Suite à l'Introduction qui fait état du déplacement de la lutte sociale à partir des actions légales du passé (vote protestataire, syndicalisme, grève, pétitions) vers des formes plus variées et de jugées désormais illégales (piratage informatique, ZAD, fauchage d'OGM, boycott, manifestations interdites, occupations, etc.), aussi bien en France que partout ailleurs, l'argumentation du livre abandonne complètement la phénoménologie pour se pencher sur la théorie.
Ainsi, dans un discours qui mêle et unit sans nuance la désobéissance civile et les pratiques de la non-violence, la question est traitée de la légitimité de la violation de la loi en démocratie, selon la perspective de l'autonomie/hétéronomie. La distinction est posée entre désobéissance, alter-obéissance et anti-obéissance, puis une analyse critique de la démocratie est proposée, dans la dialectique entre son institution et ses institutions. Enfin, la désobéissance est considérée comme une « politique de la civilité », dans une articulation entre conflit et violence caractérisant le phénomène politique ; une représentation géométrique de l'espace de la civilité est présentée sous forme de couronne : celle-ci se distingue de l'espace de la paix (extériorité interne) ainsi que de celui
de la guerre (extériorité externe). En particulier, le conflit politique non-violent se différencie nettement du pacifisme de même qu'il s'oppose aussi à la violence dont la guerre est le paroxysme qui vise à l'élimination de l'ennemi ou à l'humiliation de l'antagoniste. Dans ces précisions et définitions de concepts fondamentaux en philosophie politique (et pour certains aussi en philosophie du droit), l'auteur convoque un certains nombre de penseurs très connus : Arendt,
Habermas,
Castoriadis,
Clausewitz,
Schmitt, ainsi que les grands classiques de la pensée sur désobéissance civile : Russell, Gandhi, Thoreau,
Howard Zinn,
Martin Luther King...
Je reproche à l'ouvrage d'avoir négligé toute mise en regard les actions récentes de désobéissance civile avec la théorie proposée, en particulier sur le thème de la violence/non-violence qui se prêterait à une analyse complexe et nuancée... Je lui reproche aussi d'avoir glissé de la présentation des opinions et des thèses des tenants de la désobéissance vers leur appropriation à la première personne, sans que ce passage soit explicité de manière claire.