Des brides de discours parfois intéressants au milieu d'un océan de charabia d'intellectuel fatigué.
Je n'ai pas saisi où il voulait en venir.
Le manque de lien entre ses différents chapitres donne plus l'impression d'un recueil de coupures de presse que d'un essai politique ou philosophique.
Il traite presque exclusivement de la société des États Unis d'Amérique et de ses problèmes qui n'ont parfois pas grand chose à voir avec ceux de la société Européenne.
Il semble plus marqué par la psychanalyse Freudienne que par le Capital de Marx, ce qui n'a rien d'étonnant dans une civilisation qui cultive l'individu avant le collectif.
Bref, pour un penseur dit "alternatif", je reste plutôt sur ma faim.
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Telle est bien, en définitive, l’aliénation spécifique dans laquelle se débat de nos jours l’individu libéral-libertaire, prototype humain désormais fabriqué en série, dont la gauche n’a pas le monopole, bien qu’elle constitue à l’évidence son refuge de prédilection.
Cet individu, en effet, doit s’imaginer en permanence qu’il est dans la marge afin de pouvoir continuer à se tenir dans la norme ; il lui faut croire à tout instant qu’il vit dans la transgression, le libertinage et la volupté épicurienne – modes de vie bien évidemment au-dessus de ses pauvres moyens – pour demeurer le pantin pathétique qui s’agite désespérément dans l’univers ennuyeux, tyrannique et puritain de la consommation obligatoire et de ses changements incessants. On pourrait presque dire, en employant l’ancien langage, qu’il doit s’épuiser à être « de gauche » pour que le monde continue à être « de droite »
(extrait de la préface de JC Michéa)
La vieille querelle droite-gauche a épuisé sa capacité à clarifier les problèmes et à fournir une carte fiable de la réalité. (...)
..., les idéologies, de droite comme de gauche, sont à présent tellement rigidifiées que les idées nouvelles ne font que peu d'impression sur leurs partisans. Une fois qu'ils se sont hermétiquement fermés aux arguments et et aux évènements qui pourraient remettre en question leurs convictions, les fidèles n'essaient plus de provoquer leurs adversaires dans un débat. Pour l'essentiel, ils ne lisent que des ouvrages écrits d'un point de vue identique au leur. Au lieu d'affronter des arguments qui ne leur seraient pas familiers, ils se satisfont de les catégoriser en arguments orthodoxes ou hérétiques. Des deux côtés, la dénonciation des déviations idéologiques absorbe une énergie qui pourrait mieux s'investir dans l'auto-critique, et cette disparition de la capacité à l'auto-critique constitue le signe le plus certain du caractère moribond d'une tradition intellectuelle.
Au lieu d'affronter les évolutions politiques et sociales qui tendent à remettre en cause les idoles conventionnelles, les idéologues de droite et de gauche préfèrent s'envoyer des accusations de socialisme et de fascisme - ceci en dépit de la réalité évidente que ni le socialisme ni le fascisme ne représentent le mouvement de l'avenir.
Les classes intellectuelles sont fatalement éloignées du côté physique de la vie - d’où leur dérisoire tentative de compenser cet éloignement en adhérent à un régime astreignant d’exercices physiques purement gratuits. Leur seul rapport avec le travail productif est en tant que consommateurs. Elles n’ont pas l’expérience de la création de quoi que ce soit de substantiel ou de durable. Elles vivent dans un monde d’abstractions et d’images, un monde virtuel consistant en modèles informatisés de la réalité - une « hyper-réalité » comme on l’a appelé - par opposition à la réalité physique immédiate, palpable, qu’habitent les femmes et les hommes ordinaires. Leur croyance à la « construction sociale de la réalité » - dogme central de la pensée post-moderne - reflète l’expérience de leur vie dans un milieu artificiel d’où a été rigoureusement banni tout ce qui résiste au contrôle humain (ainsi que, c’est inévitable, tout ce qui est familier et rassurant). Le contrôle est devenu leur obsession. Dans leur élan pour s’isoler du risque et de la contingence - pour se prémunir des aléas imprévisibles qui affligent la vie de l’homme-, les classes intellectuelles se sont séparées du monde commun qui les entoure mais aussi de la réalité elle-même.
Le déclin de la presse partisane et l'avènement d'un nouveau type de journalisme qui professe des normes rigoureuses d'objectivité ne nous assurent pas un apport constant d'informations utilisables. Si l'information n'est pas produite par un débat public soutenu, elle sera pour l'essentiel au mieux dépourvue de pertinence, et au pire trompeuse et manipulatrice. De plus en plus, l'information est produite par des gens qui désirent promouvoir quelque chose ou quelqu'un - un produit, une cause, un candidat ou un élu - sans s'en remettre pour cela à ses qualités intrinsèques ni en faire explicitement la réclame en avouant qu'ils y ont un intérêt personnel. Dans son zèle à informer le public, une bonne partie de la presse est devenue le canal tout trouvé de ce qui est l'équivalent de cet insupportable courrier promotionnel qui encombre nos boîtes aux lettres. Comme la poste - encore une institution qui servait autrefois à élargir la sphère de la discussion interpersonnelle et à créer des « comités de correspondance » - elle distribue aujourd'hui une profusion d'information inutile, indigeste, dont personne ne veut, et qui pour la plus grande part va finir au panier sans qu'on l'ait lue. L'effet le plus important de cette obsession de l'information, à part la destruction d'arbres pour fabriquer du papier et le fardeau que représente « la gestion des déchets », est d'affaiblir l'autorité du mot. Quand on se sert des mots comme de simples instruments de propagande ou de promotion, ils perdent leur pouvoir de persuasion. Ils cessent bientôt d'avoir la moindre signification. Les gens perdent leur capacité à se servir du langage avec précision et de façon expressive, ou même à distinguer un mot d'avec un autre. Le mot parlé se modèle sur le mot écrit au lieu que ce soit l'inverse, et la parole ordinaire commence à ressembler au jargon ampoulé que nous trouvons dans les journaux. La parole ordinaire commence à ressembler à de « l'information » - catastrophe dont peut-être la langue anglaise ne se relèvera jamais.
Le monde de notre fin du XX° siècle présente un singulier spectacle. D'un côté, il se trouve aujourd'hui uni, par l'action du marché, comme il ne l'a jamais été. Le capital et le travail circulent librement à travers des frontières politiques qui semblent de plus en plus artificielles et impossibles à faire respecter. La culture populaire suit dans leur sillage. D'un autre côté, les allégeances tribales ont rarement été mises en avant avec autant d'agressivité. Les conflits religieux et ethniques éclatent dans un pays après l'autre (...)
C'est l'affaiblissement de l'État-nation qui sous-tend ces deux évolutions - le mouvement qui va vers l'unification et le mouvement apparemment contradictoire vers la fragmentation. L'État ne peut plus contenir les conflits ethniques, ni d'autre part les forces qui conduisent vers la mondialisation. Idéologiquement, le nationalisme se trouve attaqué sur deux fronts : par les défenseurs des particularismes ethniques et raciaux mais aussi par ceux qui soutiennent que le seul espoir de paix réside dans l'internationalisation de tout, depuis les poids et mesures jusqu'à l'imagination artistique.
Christopher Lasch et le Progrès, 1991. En anglais.