Gilles Chaillet continue à me captiver avec les aventures de son commis-banquier médiéval, Vasco. Dans ce dix-septième tome de la bande-dessinée, le jeune homme suit ses amis, le baron flamand van Loo et l'ex-général mongol Buyan – une drôle de troupe ! – à travers les Ardennes pluvieuses. Cette pluie, toujours cette pluie, presque torrentielle, sinon de la grisaille, pèse sur l'atmosphère, le moral des personnages. Avec des vastes châteaux aux donjons secrets, à proximité de bourgs et de forêts, le décor est excellent pour une histoire de monstre. Et c'est ce dont il s'agit. Des animaux et mêmes quelques manants retrouvés morts et mutilés. Il n'en faut pas plus pour que les villageois superstitieux ressortent leurs histoires de griffons et autres créatures surnaturelles. D'autres portent immédiatement leurs doutes sur le compagnon étranger de la troupe. Je me demande s'il a été inspiré par la Bête du Gévaudan…
Dans La bête, l'ambiance est parfaitement réussie. Outre cette histoire de monstre qui surplombe la trame narrative, le lecteur est tenu constamment en alerte. de vieilles légendes à faire peur, une chute de cheval à laquelle le lecteur ne s'attendait pas, une bande de gueux qui attaque sans crier gare, un loup qui hurle à la lune, une créature indéfinissable qui surgit d'un bosquet, etc. Les exemples sont nombreux.
J'adore également le souci avec lequel
Gilles Chaillet donne vie à ses personnages. Tous, mêmes les moins importants, ont droit à un faciès qui les distingue des autres, qui les met en valeur. Une moustache ou une barbe d'un jour par-ci, un début de calvitie par-là, sans oublier un peu d'embonpoint. Un regard édenté chez plusieurs manants – très réaliste –, des verrues à volonté. Et il sait très bien les «capter» en mouvement.
Aussi, le dessinateur insère adroitement dans ses albums des détails historiques qui peuvent passer inaperçus ou auxquels un amateur de la bande dessinée n'accrochera pas, par exemple, le conflit entre Persan de Rochefort et le prince-évêque de Liège pour la forteresse de Bouillon. Tout le monde n'est pas féru d'histoire, mêmes des lecteurs d'aventures médiévales. Tant pis pour eux ! Pour ceux que ça intéresse, ils sont une mine d'informations qu'ils pourront fouiller davantage, si le coeur leur en dit.
Enfin, un autre talent de
Gilles Chaillet est l'agencement et la succession des cases. Par moment, j'avais l'impression de regarder un film. Ou, du moins, j'arrivais à visualiser l'intrigue comme si j'écoutais un film. Cette qualité très cinématographique est remarquable, selon moi. C'est un plaisir toujours renouvelé que de lire les albums de Vasco.