2ème volet d'une série qui raconte l'histoire d'un village du Beaujolais. Je n'avais pas lu le premier tome, mais ça ne m'a pas trop handicapée. Ce livre de plus de 500 pages est plaisant, mais j'avoue que j'ai préféré la première partie, la seconde a des passages qui m'ont semblé longuets. Beaucoup de personnages, difficiles de retenir tout le monde, les petites histoires du village se recoupent avec la grande histoire de la France, et ce qui m'a le plus frappée, c'est que certains sujets sont toujours d'actualité, comme quoi rien n'a vraiment changé, ni progressé.
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Comme souvent, lorsqu'un auteur travaille à une suite d'un précédent succès, ça sent le réchauffé. La même galerie de caractères, même si les personnages sont pour la plupart remplacés par de nouveaux. Par contre, j'ai trouvé que les considérations politiques sur le système prennent ici beaucoup de place, ce qui alourdit le récit et obère la légèreté de l'ensemble.
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Dans l’extrait ci-dessous, l’abbé Lodève, envoyé par l’Episcopat, vient enquêter à Clochemerle sur l’abbé Noive dont se plaignent les Clochemerlins. Le sénateur et maire, Barthélémy Piéchut, le reçoit et lui fait goûter le vin de Clochemerle :
- On prétend que l’abbé Noive a pris position contre le vin, qui fait la fortune et la gloire de ce pays. Connaissez-vous notre beaujolais, monsieur l’abbé ? – Surtout de réputation, monsieur le sénateur.
– La réputation ne suffit pas. Vous allez en goûter. Est-ce beau de couleur ? dit-il. Et ce bouquet ! Goûtez-moi ça… Vous sentez que ça glisse ?... Finissez votre verre. Si, si, finissez-le. Ce vin-là, il faut en avoir la bouche pleine pour bien l’apprécier. »
A peine les verres reposés, ils étaient déjà pleins.
"Allons allons, laissez-vous faire ! Si vous voulez comprendre quelque chose à ce pays, il faut vous mettre dans la peau de nos vignerons. Ils boivent facilement leur quatre litres par jour.
- Quatre litres ? dit l’abbé avec étonnement.
- Mais ils boivent à la cave, où le vin ne fait jamais de mal. D’ailleurs, ajouta-t-il en lui mettant dans la main une tasse d’argent, nous allons y descendre. Il faut que vous visitiez une cave beaujolaise."
L’abbé se laissa conduire. Un chaud optimisme l’inondait déjà, qui lui masquait les dangers du beaujolais pour un coadjuteur chargé de mission. Il se croyait capable, avec la grâce de Dieu qui n’abandonne jamais les siens, de fermement affronter les barriques et leurs essences capiteuses….
…C’est en sortant de la cave, deux heures plus tard, que l’abbé Lodève fut saisi dans un bizarre tournoiement du monde. Les coteaux du beaujolais dansaient une sarabande folle, qui soulevait les vignobles et les lançait en vagues furieuses à l’assaut d’un ciel violacé, où le soleil virait comme une grosse toupie rouge. Les maisons de Clochemerle plongeaient dans des gouffres où leurs toits paraissaient culbuter. Le sol de cet univers dément s’inclinait de tribord à babord sous les pieds de l’abbé, tandis que le sénateur, au milieu de ces terribles coups de tabac, ressemblait à un vieux loup de mer impassible et matois. Le coadjuteur se rendait obscurément compte que sa dignité ecclésiastique allait de travers sous le regard ironique d’un représentant de la laïcité. Sa faconde l’avait quitté, il éprouvait soudain les nausées du mal de mer. "Serais-je soûl ?" pensa-t-il. Mais la question lui arrivait de très loin, comme le bruit d’une sirène dans la brume, au fond de laquelle sa conscience s’était diluée.
Il ne put jamais se souvenir de la façon dont il avait pris congé du sénateur, ni en quels termes. Il se retrouva dans sa voiture avec l’impression qu’on venait de l’enfermer dans le roof d’un petit navire secoué par un typhon. Son malaise prenait les proportions d’un raz-de-marée dont les poussées internes affluaient à ses lèvres. Heureusement, il aperçut au passage l’enseigne de l’hôtel Torbayon. "Arrêtez, cria-t-il à son chauffeur. Nous coucherons ici."
Le lendemain, le curé Lodève rendait compte à Monseigneur de sa mission. Une bonne nuit chez Torbayon l’avait remis de sa fatigue de la veille. Le vin de Clochemerle a cela de bon que ses vapeurs se dissipent sans laisser derrière elles les empâtements râpeux de la gueule de bois. Il avait déjeuné d’excellente charcuterie, arrosée de plusieurs verres d’un maçonnais sec et servi frais. Pris par-dessus, un bon café et quelques gorgées de marc du pays l’avaient complètement revigoré. Il fit à Monseigneur, qui s’en divertissait, un récit long et circonstancié de son voyage, en omettant toutefois de parler de l’étrange séisme qui bouleversait le Beaujolais, au moment où il sortait de la cave du sénateur.
- La difficulté va être de procurer à ces bons Clochemerlins un curé à leur convenance. Avez-vous consulté le répertoire de nos effectifs ?
- Je l’ai fait, Monseigneur. A première vue, je n’ai rien trouvé de satisfaisant dans les dossiers de nos prêtres. Mais l’évêque de la Haute-Loire vient de nous adresser une lettre pour nous demander de le débarrasser d’un curé qui fait scandale dans son diocèse. Peut-être ferait-il notre affaire.
- Ah, Ah ! Quel genre ?
- Ancien combattant. C’est le type du curé poilu, populaire aux Armées, grand buveur de pinard, qui chante la Madelon comme le Magnificat et ne recule pas devant la gaudriole épicée. L’abbé Patard.
- Va pour l’abbé Patard ! Organisez cela…
Le curé Patard semblait résolu à mener son troupeau tambour battant, en maniant l’homélie comme un pamphlet ou une satire, et rien n’eût étonné de sa part, pas même de le voir taper sur les fesses des bonnes femmes pour leur demander gaillardement : "Et alors, ma grosse, on y pense, à cette âme ?". En fait, le geste en moins, c’était à peu près le ton qu’il prenait pour rappeler à ses paroissiens que la religion ne pouvait leur faire de mal, que c’était, à tout hasard, une bonne garantie de prise sur un au-delà quand même assez inquiétant, quelque chose comme une assurance sur la vie surnaturelle.
Mes frères, leur disait-il, amenez les sous. Les prières, il en faut, mais ce serait vous en tirer à trop bon compte de vous en tenir là. Le véritable chrétien augmente ses mérites en accomplissant des gestes qui lui coûtent le plus. Et je vous en préviens : avec les avares, Dieu sera pareillement avare de ses grâces et de ses récompenses. Vous n’obtiendrez pas pour rien une éternité de confort et de bonheur. C’est ici-bas qu’il faut y mettre le prix….
La vie est pleine de petits plaisirs. Avec ces petits plaisirs, on fait du bonheur. Rien n'est si amusant. - p 71
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ClochemerleJean Prasteau interviewe
Gabriel CHEVALLIER qui vient de publier "
Clochemerle les bains" ; suite de "
Clochemerle" ,succès mondial.Chevallier explique que les passions humaines n'ont guère variées depuis 1934, date de la publication du premier "Clochermerle" et que le ton qu'il a adopté lui a permis de dire beaucoup de choses qu'il n'aurait pas pu dire sur le mode grave. Quelques plans de...