Un patriote républicain
Les mémoires de
Jean-Pierre Chevènement dévoilent une personnalité bien éloignée de l'image du crypto-marxiste qui anima le CERES dans les années 70. On découvre un homme de conviction, peu disposé au compromis sur ses valeurs, mais qui se révèle lucide et rigoureux dans ses jugements. Un républicain intransigeant, admirateur du Général de Gaulle, contempteur impitoyable de l'Europe néolibérale que nous devons à Mitterrand, Kohl et
Thatcher. Un patriote consterné par l'« archipellisation » de la société française, par l'extension du communautarisme et par une Union européenne conçue comme un simple marché en dehors des nations. Un Franc-comtois fier de ses origines et attaché à son port d'attache belfortain. Un homme politique plus intéressé par les sujets de doctrine que par les manoeuvres d'appareil. Quoique.
Chevènement nous fait vivre plus de cinquante années passionnantes, au sein du parti socialiste puis de quatre gouvernements, dont trois qu'il quittera de lui-même. « Un ministre, ça ferme sa gueule, si ça veut l'ouvrir, ça démissionne ».
Il nous livre le dessous des cartes du congrès d'Epinay, puis des congrès socialistes qui suivirent : rapports de force, motions, votes… Il nous explique en quoi le tournant libéral pris par
François Mitterrand en 1983 fut une erreur. Il nous fait partager son analyse du « déni de démocratie » que fut le traité de Lisbonne, concocté en 2008 par
Sarkozy et Hollande. Ministre de la Recherche et de l'industrie, il plaide en vain pour une sortie du Système monétaire européen qui aurait permis de maintenir la compétitivité des entreprises françaises. Ministre de l'Éducation nationale, il met l'accent sur les apprentissages fondamentaux, l'apprentissage de la lecture, la mémorisation, l'instruction civique. Ministre de la Défense, il s'oppose à l'alignement systématique sur la politique extérieure inconséquente des Etats-Unis. Ministre de l'intérieur, il s'attaque froidement aux dérives iréniques de la gauche libérale-libertaire.
C'est un livre à la fois passionné et mesuré. Il contribue à mieux faire connaître les enjeux économiques et géostratégiques des politiques nationales et internationales qui s'opposent aujourd'hui. Il dresse des portraits bienveillants mais non complaisants des personnalités politiques de droite et de gauche de ces décennies.