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EAN : 9782842054816
94 pages
1001 Nuits (30/11/-1)
3.67/5   6 notes
Résumé :

En cette fin du XVIIIe siècle, la question de l'éducation des femmes appelle une seule réponse selon Choderlos de Laclos (1741-1803) : " Partout où il y a esclavage, il ne peut y avoir éducation ; dans toute société, les femmes sont esclaves : donc la femme sociale n'est pas susceptible d'éducation. " Seule une révolution venant d'elles pourrait changer leur condition. Admirateur de Rousseau, l'auteur des Liaison... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ayant lu et très apprécié récemment la lecture des Liaisons Dangereuses, l'occasion s'est présentée d'en découvrir davantage sur cet auteur qu'est Pierre Choderlos de Laclos.

«Des femmes et de leur éducation» regroupe en fait trois textes, rédigés indépendamment, inachevés, mais regroupés par leur sujet commun : la femme.

Le premier texte est l'ébauche d'un discours, provocateur, en réponse à une question posée par l'Académie de Châlons-sur-Marne : «Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l'éducation des femmes ?» Sa réponse est claire : aucun. Considérant que la femme est assujettie aux hommes, à leurs lois, à la société, elle est d'une certaine manière son esclave. Hors, il ne peut y avoir éducation s'il y a esclavagisme. J'ai apprécié avec quelle éloquence il prend position en faveur des femmes dans ce discours.

Le deuxième texte est un essai en 12 chapitres où l'auteur décrit et valorise l'être humain «naturel» et en se focalisant en particulier sur la femme «naturelle» (en opposition à la femme «sociale»), et où il appelle à une révolution des moeurs. Il s'inspire fortement des thèses de Rousseau concernant l'aspect naturellement bon de l'homme, malheureusement perverti par la société.
J'ai trouvé intéressant sa position sur le rapport qui doit pour lui demeurer privilégié entre la mère et son enfant, que ce soit elle qui s'en occupe et le nourrisse de son sein, et non une nourrice comme c'était le cas, pour la majorité des familles nobles à l'époque.
Il donne également des conseils aux femmes, qui peuvent prêter à sourire, concernant leur hygiène de vie et les apparats dont elles doivent se munir pour conserver leur beauté «naturelle».

Le dernier texte est consacré à la lecture qu'il juge importante et essentielle dans l'éducation d'une jeune femme. Il donne un aperçu de ce qu'elle doit lire et dans quel ordre : il établit un véritable programme avec des propositions de titres et d'auteurs ! Il propose même des méthodes pour intégrer ces lectures. Il s'adresse aux femmes, mais ses conseils valent pour les deux sexes à mon avis. Je ne peux m'empêcher d'inclure la citation ci-dessous qui fera certainement échos aux membres de Babelio qui la liront :

« Nous avons dit en commençant cet écrit, qu'au moral comme au physique la nourriture devait être choisie suivant les tempéraments ; et aussi que les aliments pris sans plaisir ne profitaient point. En suivant cette idée, nous ajouterons que ce n'est pas ce qu'on mange qui nourrit, mais seulement ce qu'on digère. Il ne suffit donc pas de lire beaucoup, ni même de lire avec méthode, il faut encore lire avec fruit ; de manière à retenir et à s'approprier en quelque sorte ce qu'on a lu. C'est l'ouvrage de la mémoire et du jugement. le moyen le plus commode, le plus agréable et le plus facile de remplir ce double objet, serait d'avoir quelqu'un d'éclairé et d'adroit qui fît dans le même temps les mêmes lectures, avec qui on pût en causer chaque jour, et qui sût diriger l'opinion sans la dicter. À défaut de cette ressource, il est un moyen peut-être plus utile, mais aussi plus sévère : c'est de faire de chaque ouvrage, à mesure qu'on l'a lu un extrait dans le genre de ceux qu'on met dans les journaux, contenant un compte-rendu de l'ouvrage, suffisant pour en donner une idée, et un jugement motivé du même ouvrage.»

J'imagine que Laclos serait ravi en voyant le site de Babelio avec tous ces échanges entre hommes et femmes autour de la lecture aujourd'hui !

Un homme déconcertant que ce M. Laclos ! Époux et bon père de famille, militaire de carrière, puis membre actif des Jacobins, il passera quelques temps en prison pour ses liens avec Danton, puis se rapprochera de Napoléon. J'en omets beaucoup car il a effectué un parcours plus qu'intéressant, ayant vécu et participé à des moments importants de l'histoire de France. Et en parallèle, à ses heures perdues j'oserais dire, il trouve le temps et l'énergie d'être poète, philosophe et de nous faire cadeau du chef-d'oeuvre des «Liaisons dangereuses». Chapeau bas Monsieur Choderlos de Laclos !
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Après avoir lu le discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes de Rousseau, j'ai eu envie de relire le traité sur l'éducation des femmes De Laclos où celui-ci, en grand admirateur de Rousseau, développe certaines théories rousseauistes. Je préfère d'ailleurs de très loin le style De Laclos à celui de Rousseau dans leurs essais. Ce traité est en réalité composé de trois essais, tous inachevés. Il a commencé à écrire sur ce sujet suite à la question de l'académie de Châlons-sur-Marne (comme Rousseau a répondu par deux fois à celle de l'académie de Dijon) "Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l'éducation des femmes?" Dans le premier essai, il prend le contrepied de la réponse attendue et affirme qu'il n'existe aucun moyen de perfectionner l'éducation des femmes à son époque, car celles-ci y sont les esclaves des hommes. Il poursuit dans cette voie lorsqu'il tente de réécrire sur ce sujet plus tard en reprenant la théorie de l'homme naturel de Rousseau et en l'appliquant plus particulièrement à la femme. Dans son dernier essai, il semble changer d'avis et propose une éducation des jeunes filles par la lecture (pour ceux qui ont lu Les liaisons dangereuses, c'est en partie cette éducation que la marquise de Merteuil s'est imposée en autodidacte)
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Ô femmes ! approchez et venez m’entendre. Que votre curiosité, dirigée une fois sur des objets utiles, contemple les avantages que vous avait donnés la nature et que la société vous a ravis. Venez apprendre comment, nées compagnes de l’homme, vous êtes devenues son esclave ; comment, tombées dans cet état abject, vous êtes parvenues à vous y plaire, à le regarder comme votre état naturel ; comment enfin, dégradées de plus en plus par votre longue habitude de l’esclavage, vous en avez préféré les vices avilissants, mais commodes, aux vertus plus pénibles d’un être libre et respectable. Si ce tableau fidèlement tracé vous laisse de sang-froid, si vous pouvez le considérer sans émotion, retournez à vos occupations futiles. «Le mal est sans remède, les vices se sont changés en moeurs.» Mais si au récit de vos malheurs et de vos pertes, vous rougissez de honte et de colère, si des larmes d’indignation s’échappent de vos yeux, si vous brûlez du noble désir de ressaisir vos avantages, de rentrer dans la plénitude de votre être, ne vous laissez plus abuser par de trompeuses promesses, n’attendez point les secours des hommes auteurs de vos maux : ils n’ont ni la volonté, ni la puissance de les finir, et comment pourraient-ils vouloir former des femmes devant lesquelles ils seraient forcés de rougir ? apprenez qu’on ne sort de l’esclavage que par une grande révolution.

(Extrait de son Discours sur la question proposée par l’Académie de Châlons-sur-Marne : Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes ? 1783)
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La femme naturelle est plus heureuse ; rien ne la prive, rien ne la sépare de l'objet de son affection ; tous ses soins lui vont être consacrés ; peu d'heures après l'enfantement, elle se lève, elle va baigner son enfant dans un ruisseau voisin ; elle s'y baigne elle-même ; après s'être séchée sur le gazon, elle le sèche à son tour, non par des frictions irritantes, non en l'exposant à une chaleur dessicative, mais en le plaçant sur son sein ; c'est là qu'il trouve à la fois une chaleur salutaire et une nourriture qui lui convient. Le lait est le lien naturel qui unit la mère et l'enfant ; s'il est nécessaire à l'un de le recevoir, il est au moins dangereux à l'autre de l'en frustrer.
(Chap. III - De l'enfance)
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Cette révolution est-elle possible ? c'est à vous seules à le dire puisqu'elle dépend de votre courage en elle vraisemblable. Je me tais sur cette question ; mais jusqu'à ce qu'elle soit arrivée, et tant que les hommes règleront votre sort, je serai autorisé à dire, et il me sera facile de prouver qu'il n'est aucun moyen de perfectionner l'éducation des femmes.
Partout où il y a esclavage, il ne peut y avoir éducation : dans toute société, les femmes sont esclaves ; donc la femme sociale n'est pas susceptible d'éducation.

(Extrait de son Discours sur la question proposée par l’Académie de Châlons-sur-Marne : Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes ? 1783)
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La nature ne crée que des êtres libres ; la société ne fait que des tyrans et des esclaves ; toute société suppose un contrat, tout contrat une obligation respective. Toute obligation est une entrave qui répugne à la liberté naturelle ; aussi l'homme social ne cesse de s'agiter dans ses liens, il tend à s'y soustraire, il cherche à en rejeter le poids sur ses semblables, il ne veut retenir que le bout de la chaîne pour les diriger à son gré ; il suit de là que, si l'oppression du fort envers le faible n'est pas une loi naturelle, dans le sens où les moralistes prennent ces mots, elle n'en est pas moins une loi de la nature.
(Chap. X - Des premiers effets de la société)
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L'oppression et le mépris furent donc, et durent être généralement, le partage des femmes dans les sociétés naissantes ; cet état dura dans toute sa force jusqu'à ce que l'expérience d'une longue suite de siècles leur eût appris à substituer l'adresse à la force. Elles sentirent enfin que, puisqu'elles étaient plus faibles, leur unique ressource était de séduire ; elles connurent que si elles étaient dépendantes de ces hommes par la force, ils pouvaient le devenir à elle par le plaisir. Plus malheureuses que les hommes, elles durent penser et réfléchir plutôt qu'eux ; elles surent les premières que le plaisir restait toujours au-dessous de l'idée qu'on s'en formait, et que l'imagination allait plus loin que la nature.
(Chap. X - Des premiers effets de la société)
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Videos de Pierre Choderlos de Laclos (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pierre Choderlos de Laclos
La romancière Eliette Abécassis se penche sur le réseau social le plus populaire du moment, Instagram. Comment modèle-t-il nos imaginaires, simplifie-t-il nos émotions, s'insinue-t-il même dans nos amours ? Dans un roman qui colle à son sujet, c'est à un vrai pari que se livre l'autrice : si Choderlos de Laclos vivait dans les années 2020, que s'écriraient le Valmont et la Merteuil d'aujourd'hui, pour rimer avec leurs photos et leurs stories ?
Une rencontre diffusée dans le cadre de la Foire du Livre de Bruxelles 2021.
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