Un jardinier qui parle aux plantes et aux arbres qu'il soigne, c'est plutôt "habituel" me direz-vous. Tous, ou presque tous, les jardiniers s'adressent à leurs plantations. Je les enjoins, souvent pour ma part, de pousser et de proliférer :"Allez, mes tomates, rougissez, piquez un fard. Petits radis, abusez de la peinture fuschia pour barbouiller votre museau. Et toi, belle ipomée, enroule-toi et fais jaillir tes corolles comme autant de clins d'oeil quotidiens."
Mais si le jardinier en question reçoit une réponse, voire si les végétaux s'adressent à lui...c'est beaucoup plus extraordinaire...et c'est comme un don !
Jeannot, ce jardinier aux cheveux de neige le possède... comme un legs, mais un legs empreint de chagrin et de larmes... Et
Jeannot est toujours en colère et il dirige sa hargne vers ceux qu'il aime - comme toujours ! - vers les seuls qui lui parlent : les arbres et les plantes dont il ne supporte, en fait, pas les chuchotements et les gazouillis...
Alors, il taille, il coupe, il abat...il meurtrit autant qu'il l'est lui-même... Il veut le silence pour s'enfermer un peu plus dans sa solitude, pour se replier davantage… parce que… sa vie a basculé et qu'il vit désormais en la seule compagnie de ses souvenirs, de ses regrets, de ses remords...
Un jour, son besoin de tout régenter - l'ordre, toujours l'ordre ! - le fait croiser Josette et son chien Dagobert.
Et parfois, les chagrins se partagent et les yeux s'ouvrent à consoler l'autre...
C'est la critique d'une amie babéliote, inaji, sur un opuscule de cette série qui m'a donné l'envie de trouver cette BD, moi qui suis plus que novice dans le genre - il fallait un déclic pour que je franchisse le pas et ose pénétrer ce royaume d'images et de bulles ! La douceur distillée qui se dégageait de son avis de lecture m'était devenue indispensable et je la devinais bénéfique...
Et je dois dire que je n'ai pas été déçue : les dessins sont beaux, colorés, dans un chatoiement de tons qui retient la rétine, les personnages attachants et leurs malheurs sont de ceux que l'on rencontre tous et que l'on sait plus ou moins partager et c'est ce non-partage qui entraîne la colère et c'est cette colère qui fait que
Jeannot use davantage du sécateur que de la caresse... Cet album laisse pétiller l'émotion, malgré tout. Tout est subtilement raconté et les fleurs sont des personnages loin d'être secondaires, leur palette de sentiment est aussi évocatrice que celle des humains. J'ai souffert avec
Jeannot et avec Josette mais aussi beaucoup également avec les deux arbres du jardin de
Jeannot...Mais chutt, je ne peux pas tout raconter !
Un scénario tout en retenue, on devine mais tout se dévoile petit à petit comme une confidence qui nous est accordée...
Un très beau moment pour expliquer aux plus jeunes - et à tous, finalement- que la mort est souvent soeur de colère et que se replier fait fructifier cette colère qui se retourne contre ce ou ceux qu'on aime le plus...
Une première incursion dans "le monde imagé" - Merci encore, inaji ! - que je vais poursuivre, il fallait l'impulsion, l'audace du premier album saisi...Et voilà, je suis contaminée !!