Les gens ne comprennent pas la beauté du silence. C'est pourtant dans ce cocon que naissent les liens.
Comme je l’ai déjà dit, le Malachy’s est un rade dans toute sa splendeur : éclairage défaillant, boiseries maculées de taches, mouches mortes sur les luminaires, clients tellement fidèles qu’il est parfois difficile de dire où finit le tabouret et où commence leur postérieur.
La nature humaine est ainsi faite. Nous fermons les yeux sur nos propres défauts. Comme le dit Ellen Bolitar, la mère de Myron : Le bossu ne voit jamais la bosse qu'il a dans le dos.
Quand on y pense, le seul pouvoir de Bruce Wayne est son immense fortune
Nous sommes tous très forts pour nous inventer des excuses. Nous réécrivons l'histoire pour nous rendre plus aimables.
"En me voyant, vous avez l'impression que je vous regarde de haut. Cela vous inspire un sentiment de rancœur et d'envie. Tous vos échecs, réels ou ressentis comme tels, alimentent votre agressivité envers moi.
Pire que ça, j'ai l'air d'une proie facile, douillette, pomponnée.
Ce qu'on appelle communément une tète à claques."
Tous les super-héros ont une histoire. Les gens normaux aussi, d'ailleurs. Alors voici la version abrégée de la mienne.
J'ai grandi dans un monde de privilèges. Cela, vous le savez déjà. Tout comme le fait que chaque être humain est jugé a priori sur son apparence physique. Ce n'est pas vraiment une révélation, et je ne suis pas en train de me comparer ou de me trouver plus mal loti que d'autres. C'est ce qu'on appellerait une "fausse équivalence". Simplement, la plupart des gens me prennent en grippe dès le premier regard. Ils voient les boucles blondes, le teint rubicond, les traits délicats, l'expression hautaine - ils flairent les effluves immanquables d'une vieille fortune qui se dégagent de chacun de mes gestes - et ils pensent : prétentieux, snob, élitiste, fainéant, cynique, un bon à rien injustement gâté, né non seulement avec une cuillère en argent dans la bouche, mais avec toute une ménagère de quarante-huit pièces plus un jeu de couteaux à steak en titane.
Je les comprends.
La vie se compose de tons gris.
Cela pose un problème à la plupart des gens. Il est tellement plus facile de voir le monde en noir et blanc. Une personne est bonne ou mauvaise. Il m'arrive de jeter un oeil sur Twitter et autres réseaux sociaux... sur des scandales réels ou imaginaires. L'extrémisme et l'indignation sont binaires, implacables, avides d'attention. La raison et la prudence sont compliquées, épuisantes, triviales.
- J'ai bâti mon organisation caritative sur notre histoire familiale. Notamment le fait que mon père est allé aider les pauvres en Amérique du Sud et que j'ai souhaité poursuivre son œuvre. Imagine si on découvre que c'était du pipeau.
Voilà un argument qui prête à réflexion. Supposons que mon enquête porte atteinte au nom des Lockwood et plus particulièrement à la cause défendue par Patricia.
- Win ?
- Autant que ce soit nous qui déterrions la vérité, lui dis-je.
- Pourquoi ?
- Parce que, si c'est moche, on pourra toujours l'enterrer à nouveau.
Laissez-moi vous dévoiler le conseil que le père de Myron, l'un des hommes les plus sages que je connaisse, a donné à son fils et à son témoin - votre serviteur donc- le jour de son mariage.
"Les relations ne sont jamais équilibrées à 50-50. Parfois elles penchent jusqu'à 40-60, parfois 20-80. Certains jours tu seras, toi à 80 et d'autres à 20. Le tout c'est de l'admettre et de l'accepter."
Je pense que ce principe de sagesse est valable pour tout type de relation, pas seulement pour les couples.