Stéphanie de Rostan entretient avec Léonce, dont elle est profondément éprise, une correspondance quasi quotidienne. Ce qui ne lui suffit pas. Elle voudrait le voir, le toucher, être dans ses bras. Mais Léonce renâcle, diffère : il est occupé à écrire. Cela passe avant tout. Et il reste lointain. Albert de Lincel, un poète maladif, compliqué et exalté, est là, lui, par contre. Et bien là. Bien vivant. Il lui dit son amour. Il le proclame. Il l'émeut. Mais pas question pour elle de tromper celui qu'elle aime, quel que soit le désir qu'elle puisse parfois en avoir.
Un roman ? Oui, mais incontestablement à forte composante autobiographique. Léonce, c'est
Flaubert, qui se consacre tout entier à sa
Madame Bovary et Albert, c'est
Alfred de Musset encore tout encombré de la relation tumultueuse qu'il a entretenue avec
George Sand. Une relation encore si présente que le récit qu'en fait Albert-Alfred à Stéphanie-Louise occupe une bonne moitié de l'ouvrage. Sans doute
Alfred de Musset s'était-il effectivement longuement épanché à ce sujet auprès de Louise Collet. Sans doute celle-ci l'écoutait-elle avec fascination : l'attitude de
George Sand, qui faisait passer l'écriture avant tout le reste, n'était pas sans lui rappeler douloureusement celle de
Flaubert.
Il n'en reste pas moins que cette « version des faits » est bien évidemment fortement sujette à caution.
Musset ne peut qu'être tenté de se donner le beau rôle et d'orienter ses confidences en fonction de celle qui l'écoute, sur laquelle il a des vues. Elle-même va les passer au filtre, en le mettant en mots, de sa propre personnalité. Ce roman-témoignage ne s'en lit pas moins avec beaucoup d'intérêt et trouve tout naturellement sa place à côté de «
La confession d'un enfant du siècle »
De Musset, d'«
Elle et lui » de
George Sand, et de « Lui et elle » de Paul, le frère d'Alfred, tous ouvrages qui se sont intéressés, sous des formes et avec des intentions diverses, aux amours chaotiques de deux des plus grands écrivains du XIXe siècle.