Dans la série des Petits manuels des éditions du Commun, la dernière livrée concerne l'Éducation aux Médias et à l'Information (EMI pour les intimes).
Mais dans une approche critique !
Le manuel est un objet protéiforme, mixant les formats, approches et points de vues.
Des interventions universitaires, des retours d'expérience, des illustrations sont formes de bande-dessinée et des entretiens mettant en avant des actions locales.
Ces entretiens évoquent des projets prenant place dans les Hauts-de-France, mais aussi à Magdeburg, Barcelone ou Marseille. Des projets de télés, de radios ou de journaux.
Les retours d'expérience permettent de secouer les idées reçues sur les jeunes, à propos de leur perméabilité aux fake news ou de leur intérêt à la participation, par exemple. Ils sont aussi l'occasion d'aborder divers aspects de l'EMI, y compris dans l'historique de ses manifestations institutionnelles.
Les apports des chercheuses - et du chercheur - brossent les différentes problématiques liées à cette EMI qui veut promouvoir l'esprit critique, mais souvent jusqu'à un certain point seulement. Partagée entre "émancipation et normalisation".
Ces "regards" ouvrent chaque partie.
L'impact du numérique, les médias alternatifs, la pédagogie par le faire ou la réappropriation de la parole médiatique par les invisibles sont les autres thématiques abordées.
Ah, j'oubliais ! En bonus une "Anti-boîte à outils" disséminée tout au long du livre, à destination des structures sollicitées pour des interventions d'EMI, pour... pirater les commandes ! Et c'est très drôle.
C'est riche, c'est foisonnant, c'est concret. Ça applique ce que ça prone. Une réussite.
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À la faveur de la propagation des théories complotistes, des fake news, de la relativité de la vérité, l'enjeu de l'éducation aux médias est devenu central dans les politiques publiques. Aujourd'hui, bon nombre d'opérateur.trice.s se sont engouffrés dans ce marché, flairant ainsi la possibilité de combler le manque chronique d'investissement. Les ateliers d'éducation aux médias se sont donc multipliés, pris en charge par des structures qui, si elles peuvent parfois être spécialistes du traitement de l'actualité, de l'information, n'en sont pas pour autant des chantres de l'éducation populaire.
Fort de ce constat, la mission dévolue peut-elle rester la même ? Souhaitons-nous encore et toujours former des esprits critiques, prompts à se forger une opinion éclairée ? Ou simplement se donner l'illusion d'avoir su porter la bonne parole ? (22)
Comme l'ont largement démontré de nombreux travaux issus des sciences humaines et sociales, les représentations ordinaires ont [...] toujours été porteuses des craintes que certaines populations - les jeunes, les classes populaires, les femmes, etc. - soient manipulées par les médias, qu'il s'agisse de la télévision dans les années 50, d'intérêt ou des réseaux sociaux aujourd'hui. (110)
La communauté éducative se dit alors [après les attentats de janvier 2015] dépassée pour aborder ce sujet avec [les plus jeunes], notamment en raison d'usages différents de ces nouvelles technologies. Dans ce contexte sous pression, sous le regard des pouvoirs publics en attente de résultats tangibles, les professionnel.le.s ont dû manœuvrer à l'aveugle. (80)
Dès 1995, soit au tout début du web, le mouvement mexicain zapatiste représenté par le sous-commandant Marcos avait déjà développé, depuis les forêts du Chiapas, une stratégie de communication basée sur leur site et des listes de discussion pour faire connaître leur cause au monde entier, donnant naissance à la notion de médiactiviste. (28)
Sans les mettre de côté, nous estimons que les fake news et théories conspirationnistes doivent être intégrées à des réflexions plus larges sur l'évolution de la presse et la manière dont l'éducation aux médias peut devenir un levier d'émancipation individuelle et collective. (167)