Récit d'un "retour au pays natal", voici un livre de poète.
Vincenzo Consolo (1933-2012) dans ce voyage autour de la Sicile est pris entre deux tentations antagonistes : la nostalgie et la recherche de la beauté, conférée à "l'île aux trois pointes" par d'innombrables artistes, des architectes antiques aux écrivains et peintres de la tradition italienne, et la hantise de la laideur et du mal qui défigurent villes et côtes, tremblements de terre, raffineries infernales et polluantes, et surtout la "malavita", la mafia qui lui fera contourner Palerme, gangrenée par la pieuvre. Cette dualité est symbolisée dans le titre emprunté à
l'Odyssée, l'olivier, symbole de culture, de paix et d'harmonie, et l'oléastre, l'arbre sauvage, qui représente la violence, naturelle ou humaine, enracinée dans le terreau sicilien.
Le voyageur, désigné par la 3ème personne, accomplit donc un tour complet de la Trinacria, s'arrêtant à Catane sur les traces de Verga et de ses "Malavoglia", puis à Syracuse, où malgré la perfection de la cité d'Ortygie, il est hanté par le tableau cru et tourmenté du Caravage, dédié au martyre de Ste Lucie, patronne de la ville. Partout il recherche les beautés culturelles qu'a inspirées l'île, citant aussi bien
Homère et
Virgile qu'
August von Platen, un poète allemand venu mourir dans l'antique cité corinthienne. Particulièrement poignante est son évocation de la moderne Gela, défigurée par l'exploitation pétrolière et où sévit le meurtre,
tragédies qui renvoient à l'écho d'une antiquité déjà experte en parricides, avec le souvenir de
l'Orestie d'
Eschyle.
C'est à Gibellina, détruite par le séisme de 1968, puis étrangement reconstruite, que s'achèvera son parcours circulaire, renvoyant au premier chapitre dédié au départ hors de la Sicile.
Une superbe écriture, au vocabulaire rare et recherché, qui va du lamento à l'envolée poétique. On reste stupéfait par cette densité, cette richesse des références et de la réflexion, par cette dénonciation sans concession des maux actuels. Un texte court, mais d'une grande sensibilité et profondeur.
Lu en V.O.