Cécile/
Benjamin Constant
Cinq ans après
Adolphe, en 1811,
Benjamin Constant écrit l'aventure de
Cécile. L'héroïne de ce récit est sa seconde femme, Charlotte de Hardenberg, qu'il appelle
Cécile de Walterbourg.
D'emblée l'auteur nous dit qu'elle deviendra sa femme et à la lecture de ce récit on peut se demander comment ce mariage a pu se faire.
Il l'a rencontrée en 1793 à la cour de Brunswick. Constant a 26 ans. Il est marié alors à une allemande, Wilhelmine. Dans le même temps, Charlotte-
Cécile est mariée elle aussi à un mari volage. La rencontre est une sorte de coup de foudre et ils décident d'un commun accord de divorcer. Mais Constant est inconstant ! Et lors d'un voyage à Lausanne il a vite fait d'oublier
Cécile.
Tout au long du récit, il va s'agir d'un chassé croisé avec rencontres suivies de séparations et vice versa. D'autant plus que Constant est lié aussi à
Madame de Staël (Madame de Malbée dans le récit) et qu'il a du mal à la quitter pour
Cécile.
Constant est un être nonchalant et désinvolte quand il n'est pas cynique. Son meilleur secours est l'attente…
Il va retrouver
Cécile en 1804 à Paris après une séparation de onze années ; malgré un mari jaloux, elle devient sa maîtresse et les allers et retours de Constant reprennent de plus belle.
« L'image de notre bonheur futur attendrit
Cécile. Je la voyais s'enivrer de ses paroles, et les miennes et mes caresses achevèrent de la troubler. Enfin elle fut à moi, autant de surprise que d'entrainement, sans avoir songé à la résistance, parce qu'elle ne se doutait pas de l'attaque. »
Une correspondance suivie s'établit entre les amants :
« Elle m'écrivait des lettres tellement tristes que je me laissais entrainer et, une fois en sa présence, je reprenais un ton de tendresse, un langage d'amour que je n'ai jamais su m'interdire avec les femmes, de sorte que je défaisais dans une seule visite tout le bien que mon absence avait pu lui faire. »
Et puis le qu'en dira-t-on n'est pas étranger au comportement de Constant. qui est un personnage public :
« L'opinion française m'effrayait beaucoup, cette opinion qui pardonne tous les vices, mais qui est inexorable sur les convenances et qui sait gré de l'hypocrisie comme d'une politesse qu'on lui rend. »
Mais le bonheur prédomine en cette liaison en pointillé :
« le sentiment d'être seuls au milieu d'une foule immense, inconnus à tout le monde, à l'abri de tous les curieux, environnés de gens auxquels nous avions intérêt de nous cacher, et séparés d'eux par une barrière si faible, et pourtant invincible, cette manière d'exister uniquement l'un pour l'autre, à travers les flots de la multitude, nous semblait une union plus étroite, et remplissait nos coeurs de plaisir et d'amour. »
Cécile n'est pas seulement un document biographique d'un vif intérêt : c'est aussi un exercice de style qui reste en toute circonstance sobre, rapide et varié pour un chef d'oeuvre de narration.
Un vrai plaisir littéraire. Un vrai plaisir de lecture.