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sur 213 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Roman-enquête passionnant qui montre toutes les implications de la construction de la Grande Arche et permet de mesurer la complexité d'un projet architectural tel que celui-là sur le plan technique, la mise en oeuvre du chantier, et toutes les luttes d'influence qui viennent s'agglutiner autour des enjeux qu'entraîne son envergure.
Si la mise en oeuvre du projet et les contraintes de la construction de ce monument vont être une suite de défis, l'écriture de Laurence Cossé en relève un autre car, nous dit-elle, avec l'humour qui se retrouve tout au long de ce roman-enquête :
"La littérature fait courir des risques dont l'auteur n'avait pas idée avant de s'y lancer, sans quoi il aurait préféré l'ethnographie ou le saut à la perche.(...)
Je savais que l'approximation et la précarité gouvernent les amours humaines, les relations sociales, les pouvoirs quels qu'ils soient, les entreprises artistiques, la préparation des entremets, les illuminations religieuses, mais je croyais qu'il existait dans l'univers un ordre de réalité frère, immuable , en un mot sûr, qui précisément était la technique. Tout ce qui est béton, marbre ou acier me semblait être du solide. Et je découvre en travaillant la différence entre précontrainte (du béton) et postmodernité que l'incertain règne là comme ailleurs." p 191

Ce pourrait n'être qu'une comédie grinçante, illustrant le cynique affrontement des pouvoirs politiques et les luttes d'intérêt, dans le choix des décisions concernant les projets qui se sont succédés au cours des trente années écoulées entre les premières interrogations des années soixante, pour combler le trou de la Défense, et l'inauguration de la Grande Arche lors des commémorations du bicentenaire de la révolution française.

Mais ce fut aussi le drame d'un homme, l'architecte danois Johan Otto von Spreckelsen, dont le projet est retenu le 25 mai 1983, suite au concours international lancé au début de la présidence de Mitterrand.
Laurence Cossé remarque à propos de la nuit de voyage en train de Spreckelsen qui rejoint Paris après avoir appris que son projet était retenu : "Peut-être la nuit qui suivit a-t-elle été la plus heureuse de la vie de Spreckelsen. Y a-t-il gloire plus pure que celle qui couronne un inconnu sans ambition autre qu'artistique, non pas au terme d'une intrigue, ou d'une lutte de pouvoir ou de quelque autre stratégie sociale, mais à l'issue d'un concours anonyme, en reconnaissance de la force et de la beauté d'une oeuvre d'art ? Y a-t-il joie plus claire ?"
La joie première va vite être obscurcie par une suite de malentendus et d'incompréhensions qui aboutiront à la démission de Spreckelsen.
Cet homme exigeant et intègre, cet artiste, ce poète, va devoir s'incliner après s'être épuisé à tenter de contourner les exigences budgétaires et les contraintes techniques pour préserver l'âme de son oeuvre. Il ne s'attendait pas à tous les obstacles qui allaient surgir, croyant naïvement que la faveur et le soutien amical d'un président de la République que ce projet passionnait, lui en garantissait l'aboutissement.
Même si le résultat n'est pas celui dont rêvait son initiateur l'Arche est là, elle existe et vit.
Les pages magnifiques du chapitre 25 du roman en témoignent :
"Faire à pied ces huit kilomètres entre le Louvre et La Défense , un jour de grand beau temps et tôt le matin, avant que n'enfle la circulation, est l'approche de l'Arche à la fois la plus simple et celle qui, loin de la dévoiler un peu plus chaque mètre, conformément à une loi de progression linéaire, en fait entrevoir par à-coups ce qui l'apparente au mirage, la légèreté, le mystère, la grâce, la vie. On la voit disparaître lentement à l'horizon, comme le soleil au couchant, à ceci près que la luminosité est constante, puis en émerger d'un coup, à l'Etoile, tableau de ciel sur fond de ciel, et croître formidablement en taille, en blancheur, en splendeur .
Ce mouvement superbe, cette lente plongée et cette soudaine émergence, Johan Otto von Spreckelsen ne l'a jamais observé. Parmi tous les marcheurs qui avancent vers l'Arche, parmi les passants qui s'arrêtent à sa vue, puisse l'un ou l'autre, un instant, avoir une pensée pour celui qui n'aura pas vu la Forme très pure dont il avait eu la vision."

Je remercie les éditions Gallimard et Babelio pour la lecture de ce livre qui m'a fait découvrir, entre autres, toutes les méandres que peut suivre un projet architectural jusqu'à son aboutissement. Une aventure passionnante !!!
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Je l'aperçois tous les matins en allant travailler. Grande, belle, immaculée. Elle m'impressionne.
Alors je fais une pause dans ma lecture, je lève les yeux et je la regarde par la vitre du RER.
C'est l'Arche.
Ses 110 mètres de haut, ses arrêtes éclatantes, ses lignes pures, son imposante volée de marches où je me suis assis si souvent. Et pourtant je ne savais rien d'elle. Je n'y voyais qu'un monument emblématique du célèbre quartier d'affaires de l'ouest parisien, mais j'ignorais tout de son histoire, du grand concours international d'architecture de 1982 qui a vu naître le projet fou d'un cube géant et ajouré. Je n'avais jamais entendu parler des hommes qui l'ont érigé, ni de leurs accrochages et de leurs divergences d'idées, ni des tractations politiques et des diverses péripéties techniques qui ont agité ce chantier titanesque entre 1985 et 1989...

Même le génial Johan Otto von Spreckelsen - dit Spreck -, l'architecte fantasque et idéaliste à l'origine de l'Arche, m'était totalement inconnu.
Heureusement sont arrivés Laurence Cossé et son ouvrage passionnant ! Ce fut un régal de revivre avec elle cette incroyable aventure qui, je m'en suis rendu compte, dépasse largement le simple cadre un peu rasoir de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire.
Derrière le cube se cachent non seulement de fascinantes réflexions sur l'art, le processus de création, la vision d'un homme tout entier au service de son oeuvre, mais aussi des notions de physique et de géométrie, des défis techniques, des contraintes économiques, des pressions politiques, de coups bas et des conflits d'égo.
L'histoire de l'Arche embrasse donc celle de toute une époque, celle de la France mitterrandienne des années 80, celle des grands projets (Opéra Bastille, parc de la Villette, pyramide du Louvre, ...), du bicentenaire de la révolution et du G7 à Paris.

Les angles d'attaque sont multiples, et j'étais loin de m'imaginer en entamant ma lecture que Laurence Cossé parviendrait à aiguiser ainsi ma curiosité sur des fronts si divers. Il faut dire que sa plume est alerte, fine, intelligente : elle pourrait aborder n'importe quel sujet et le rendre captivant !

S'il ne fallait retenir qu'une seule figure de cette vaste enquête, ce serait sans conteste celle de Spreck, si attachante et si originale.
Voilà un véritable esthète de l'architecture, un perfectionniste venu tout droit du Danemark (avec toujours aux pieds ses mêmes sabots traditionnels !) où il menait jusqu'alors une carrière tout à fait modeste (juste la construction de quatre petites églises à son actif), qui n'a jamais touché un ordinateur et qui ignore tout ou presque de la technique. Spreck ne s'intéresse qu'au sens, à la symbolique, à la beauté du Cube et à ses proportions parfaites, à sa blancheur et au vide qu'il enchâsse.
Forcément, et malgré l'appui inconditionnel d'un François Mitterrand bien décidé à faire bâtir son arc de triomphe, cet homme d'idéal se heurte en France à bien des déconvenues. Il ne comprend rien à la lourdeur du système bureaucratique français, porte un regard éberlué sur la complexité des démarches administratives et sur notre "peu de sens du contrat" ("Nous avons du mal à le croire, nous autres Français qui nous voyons rationalistes, organisés et pour tout dire très intelligents, mais aux yeux de beaucoup de nos voisins nous sommes des passionnels, des idéologues, des phraseurs, des agités, des individualistes, enfin des gens peu sûrs").
En 1987, las des modifications incessantes apportées au cahier des charges, Spreck finit même par considérer les adjoints qu'on lui a plus ou moins imposés comme des traîtres ayant dénaturé son oeuvre : il jette l'éponge, rentre au Danemark et meurt dans l'anonymat deux ans avant l'inauguration de son Arche. L'article qui lui est consacré sur wikipédia (puisque c'est ainsi qu'on mesure aujourd'hui la renommée d'un homme...) est ridiculement succinct : heureusement que Laurence Cossé était là pour rendre justice à ce créateur atypique, allant même jusqu'à lui prêter un destin christique ("Une vie dans l'ombre. Puis trois années de vie publique. Un chemin de croix et la mort").

Mais voilà que je m'étale encore (combien d'entre vous sont encore là à l'entame de ce cinquième paragraphe ? ☺) alors je passe en vitesse et dans le désordre sur tout ce qui reste à découvrir dans "La Grande Arche" :
... un éclairage intéressant sur les habitudes professionnelles dans les entreprises scandinaves, et plus spécifiquement sur la société danoise (une société du consensus, marquée par le protestantisme et l'éthique du juste milieu : que de contrastes avec ce que nous connaissons en France !)
... des scènes étonnantes vécues dans les couloirs de l'Élysée, les rêves de grandeur de Mitterrand, les opinions divergentes de Chirac, les gabegies financières et le tour de vis budgétaire de Juppé, les changements de cap à répétition après les élections législatives de 1986 et l'entrée en cohabitation,
... des considérations esthétiques, les raisons qui ont déterminé le choix des matériaux, la conception des ascenseurs panoramiques et les mille aléas d'un chantier colossal (imaginez : trois hectares et demi de marbre et deux hectare et demi de verre, cent cinquante mille tonne de béton, treize mille tonnes de métaux divers, pour un ensemble de trois cent mille tonnes !), ainsi que de jolies formules articulées autour de mots tels que pureté, puissance, ouverture, audace, liberté,
... enfin un historique plus terre-à-terre et un peu confus, qui m'a moins intéressé, sur les multiples administrations, sociétés privées, consortiums, holdings aux acronymes abscons et autres associations plus ou moins fumeuses qui se sont succédé entre les murs du portique géant, sans que l'on parvienne jamais à comprendre à quoi le bâtiment était initialement destiné (un Centre international de la Communication ? "Entre 1982 et 1986, la fine fleur de la force au pouvoir en France va chercher à comprendre ce qu'elle a pu vouloir dire là. Centre d'abord, Carrefour ensuite, ASCOM, puis CIC, puis CICOM, changeant de président et de directeur aussi souvent que de nom, mais toujours avec un budget considérable, l'ectoplasme prendra des formes successives, aussi creuses les unes que les autres, avant d'être piétiné par un nouveau gouvernement. La suite sera plutôt pire puisque, après deux ou trois crapuleux simulacres, rien ne remplacera la baudruche et que L Arche, conçue pour héberger un au lieu de rencontre et de compréhension universelles, demeurera à moitié vide")
... et tant d'autres surprises encore !

Une chose est sûre : demain matin dans mon train de banlieue, quand je distinguerai au loin la silhouette de l'Arche, je verrai d'un autre oeil ce curieux assemblage de verre, de béton, de marbre et d'acier. J'aurai alors une pensée pour Johan Otto von Spreckelsen, lui qui "dans son carré monumental, a en quelques sorte encadré la perspective, comme s'il voulait afficher la notion même de dessin urbain et sa grandeur à travers les siècles."
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En choisissant ce livre dans la Masse critique de Babelio, je ne savais pas trop à quoi m'attendre, et encore aujourd'hui après l'avoir lu, je ne sais pas si la qualification de roman est la plus appropriée, mais en tout cas, quelle belle découverte !
Je remercie donc vivement les éditions Gallimard pour cet envoi.

Ce livre décrit le projet de construction de l'Arche de la Défense, sous tous ses aspects en partant du concours initial jusqu'au dévoiement d'une partie du projet, en passant par les différentes étapes de sa réalisation. Il fait aussi la part belle à la description de la personnalité des architectes, avec bien sûr la figure de Spreckelsen, mais pour ma part j'ai aussi eu une certaine sympathie pour Andreu.

Je ne suis pas particulièrement férue d'architecture, mais j'ai trouvé ce livre absolument passionnant. Je l'ai dévoré comme un polar. J'ai notamment beaucoup aimé la description des dessous politiques de ce chantier.

J'ai aussi particulièrement apprécié l'écriture et l'humour de Laurence Cossé, qui rendent la lecture particulièrement agréable et vivante.

Enfin, une mention spéciale pour la couverture de l'édition Folio que je trouve particulièrement réussie avec cette photo en noir et blanc de la perspective historique, et le carré rouge à l'emplacement de l'Arche.

Pour conclure, je pense que ce livre, sur un sujet qui pourrait paraître un peu pointu de prime abord, peut plaire à beaucoup de lecteurs et je sors de cette lecture conquise avec la volonté de le faire découvrir autour de moi.
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Laurence Cossé fait partie de mes auteurs préférés, c'est dire si j'avais hâte de découvrir ce livre, sans en avoir lu la 4ème de couverture.

Ici, l'auteur raconte l'historique de la Grande Arche de la Défense. Quelle épopée politico-architecturale ! Tout commence le 25 mai 1983. Johan Otto von Spreckelsen, a gagné le concours d'architecture pour le projet colossal « Tête de la Défense ». le problème c'est qu'il n'a été confronté, ni au gigantisme, ni aux moeurs françaises et qu'il ira de déconvenues en déconvenues. Passer de l'artisanat (construction d'églises) à l'industriel et la haute technologie échelle XXXL ne s'improvise pas. Il l'apprendra à ses dépens. « A la Défense, il est écrasé. Il va être écrasé. Son oeuvre menace de l'écraser. » Cet homme qui parait un peu rigide fera mettre, au sens littéral du terme, Mitterrand à genoux ! Imaginez la scène et la moue médusée de son entourage.
Un bouquin captivant. Laurence Cossé a travaillé son sujet. Je sens, derrière ses phrases, des monceaux d'archives décryptées, des montagnes, infranchissables pour moi, de données techniques déchiffrées. « La littérature fait courir des risques dont l'auteur n'avait pas idée avant de s'y lancer, sans quoi il aurait préféré l'ethnographie ou le saut à la perche. Les efforts de documentation auxquels j'ai dû m'astreindre pour écrire sans trop d'inepties les paragraphes précédents ont réduit en poussière un des piliers de mon équilibre psychique »
Laurence Cossé a su mettre les doigts là où ça fait mal ; Les manoeuvres économico-politiciennes, l'ambition démesurée de certains comme le « faucon pèlerin ». L'incompréhension grandissante entre Johan Otto von Spreckelsen, tout bâti de la rigueur scandinave et la maîtrise d'oeuvre française à plusieurs têtes qui avance, recule, … Toutes ces chicaneries, les modifications des plans, des matériaux ont eu raison de l'architecte qui a démissionné. Il est vrai que, dès départ, les dés étaient pipés : on ne marie par l'eau et le feu.
L'aventure n'est pourtant pas terminée. Les veilleurs que sont Lion, Dauge et Subileau, présents dès les débuts, veillent sur la pérennité de l'édifice. Subileau le dit « Ce bâtiment est maudit. On a engendré un monstre. C'est un monument d'une sérénité absolue mais il reste marqué par son enfantement terrible. Il a été laissé en déshérence ». Quant à Andreu, il « est le premier à le regretter, l'édifice en tant qu'édifice reste un monument vide : c'est un ouvrage remarquable mais sans fonction forte ni sens. « Un objet pur, quoi ». »

Laurence Cossé est arrivée à faire de cette aventure une véritable saga, un roman à suspens. La Grande Arche n'est absolument pas roborative malgré le sujet. de petites piques ironiques, caustiques, des digressions littéraires, étymologiques (par exemple sur l'arc) ou ethnologiques (le faucon pèlerin) émaillent le livre.
« Si l'Arche est ce qu'elle est, cette Port »e de Paris si puissante et si singulière, c'est que Spreckelsen était inexpérimenté, déraisonnable, non conforme et d'une folle présomption. Les concours ouverts créaient des appels d'air, des appels de neuf, de risque. Ils donnaient sa chance à Icare ». Ainsi se termine le livre. Cette époque n'existe plus, les nouveaux projets sont avant tout faisables et sécuritaires, le rêve n'est plus primordial. Changement d'époque !
Mais tout n'est pas terminé pour l'Arche de la Défense. Espérons que des slogans publicitaires ne viendront pas abîmer ce beau monument et que la restauration pourra se faire sans l'abîmer.

Un grand Laurence Cossé, un coup de coeur pour moi.

J'ai eu le paisir de lire ce livre grâce à l'opération Masse Critique de Babelio, que je remercie vraiment, ainsi que les éditions Gallimard

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Grand coup de coeur. Un architecte scandinave qui avait à son actif juste quelques abribus au design hyper soigné s'emploie à ériger la pyramide de Khéops. J'exagère à peine.

L'occasion pour Laurence Cossé de raconter une ‘épopée politico-architecturale' (dit une autre lectrice, zazy)… ou ‘une grosse affaire publique et patrimoniale' où se déploient les ombres et lumières de l'époque mittérrandienne.

Un roman vrai, un texte à tiroirs, un livre grand public sur un sujet qui, sans la verve de la romancière, aurait intéressé uniquement les pros de l'urbanisme et de l'architecture. Il y a des bons et des méchants et l'architecte meurt à la fin. Non, il n'a pas été poussé dans le trou béant des fondations.

Si vous voulez voir les quatre projets primés au concours international de 1983, c'est ici.
http://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/grande-arche-de-la-defense-quels-etaient-les-autres-finalistes-15-07-2019-8117406.php
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Voici l'histoire d'un monument qui fait maintenant partie intégrante de Paris, un récit qui tient plus du document que du roman mais qui se dévore comme un roman passionnant.

A son arrivée au pouvoir en 1981, François Mitterrand reprend à son compte le projet du quartier de la Défense.
A l'automne 1982, le gouvernement lance un concours international Tête-Défense dans ce quartier de tours.
Tout est démesuré dans ce projet qui deviendra La grande Arche : 15 800 m2 de surface, un bâtiment d'une hauteur illimitée qui sera supposé abriter un Centre international de la Communication.
Le monument devra être digne de la perspective historique Concorde-Arc de Triomphe et s'intégrer de facon cohérente dans le quartier d'affaires de la Défense, il devra apporter de la cohérence à l'ensemble de tours disparates déjà construites.

"Le cube", projet de l'architecte danois Spreckelsen est retenu parmi 424 dossiers venant de 41 pays différents. le lauréat est un parfait inconnu, il n'a construit que sa maison et 4 églises au Danemark...
Le projet retenu sur esquisse est un cube de 100 m d'arête, avec un nuage de verre à l'intérieur du cube, c'est un projet qui met en valeur la notion de vide, 3 hectares et demi de marbre sont prévus pour les façades et les sols...

Chacun est conscient que construire ce qui est encore nommé le cube avant de devenir la Grande Arche va relever du défi... Mais nous sommes à une époque de frénésie de grands chantiers où rien ne parait impossible, une période où l'argent coule à flot pour la culture...

Ce récit met en évidence l'inconséquence de certaines décisions politiques, le pouvoir exorbitant du président de la République...

L'histoire peut se résumer ainsi : un projet lancé sur un programme nébuleux, le bâtiment étant supposé abriter un Centre de la Communication dont personne ne connait vraiment les missions, le choix d'un architecte visionnaire dépassé par son oeuvre, un architecte artiste mais pas du tout technicien qui n'apprécie pas la personnalité des français et n'écoute pas les avis des experts, un homme méticuleux, perfectionniste qui veut tout maitriser, une maitrise d'ouvrage à plusieurs têtes sans chef, une rigueur économique qui implique que l'Etat ne va bientôt plus financer que le tiers du projet avec la nécessité de trouver des investisseurs privés pour occuper les bureaux alors qu'il n'était pas prévu au départ que des entreprises s'installent dans le batiment.

La construction de ce monument qui relève du défi technique débute en juillet 1985 mais en mars 86, la cohabitation provoque un séisme, la Grande Arche fait les frais des coupes budgétaires tout l'équilibre financier est remis en cause, commence alors une bataille politique féroce. le projet est privatisé, sa destinée change car il va devenir exclusivement un immeuble de bureaux.

Ce récit est très vivant et très documenté, Laurence Cossé a rencontré les principaux protagonistes de cette affaire et des collègues de Sperck au Danemark et a analysé le fonctionnement de la société danoise pour mieux comprendre les difficultés que les équipes danoises et françaises ont rencontré pour travailler ensemble. Des tensions ont en effet vite surgi car les usages sont très différents en France et au Danemark et les lourdeurs administratives françaises et les changements de décision permanents ont vite agacé l'architecte.
L'auteur en profite pour faire une jolie description de l'esprit français...

Un récit qui nous fait pénétrer dans le monde des architectes et des bâtisseurs et que j'ai trouvé captivant alors que je ne suis pas une passionnée du sujet.

Une écriture fluide, un texte contenant juste assez d'explications techniques très claires, un livre qu'on referme en ayant l'impression d'avoir appris beaucoup de choses. Sélectionné pour le prix Orange du livre, ce livre aurait mérité, selon moi, qu'on parle plus de lui.

Bravo à Laurence Cossé d'avoir accompli la prouesse de rendre aussi passionnant un récit qui aurait pu être très technique !



Lien : http://leslivresdejoelle.blo..
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Je me suis très vite demandé en quoi ce roman était une fiction. Après avoir regardé la vidéo « Un livre, un jour », les choses ont été claires. Laurence Cossé dit à propos de ce texte « Tout est vrai, il y a certainement des erreurs mais je les corrigerai si on me les signale », « C'est un roman par la forme, c'est un roman politique », elle explique que la politique est éminemment romanesque.
J'ai aimé le portrait, le destin de cet Icare des temps modernes : Spreckelsen.
J'ai été intéressée par l'écart culturel France / Danemark, au point d'avoir envie de découvrir Copenhague.
La guerre des nerfs des chefs sur le chantier fait écho à celle que l'on retrouve dans le système Victoria d'Eric Reinhardt.
J'aimerai trouver Homage to humanity de Dan Tschernia sous-titré en français…
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Une fois n'est pas coutume, les chroniqueurs du Masque et la Plume étaient unanimes à saluer la parution du dernier livre de Laurence Cossé! Une question semblait toutefois les diviser : savoir s'il s'agissait ou non d'un roman.
C'est que la matière même de ce texte est tellement rocambolesque qu'il suffisait d'en faire le simple récit - encore fallait-il tout le talent de l'auteur - pour offrir au lecteur ébahi l'incroyable odyssée qu'est l'histoire de la Grande Arche de la Défense !

Avec l'Opéra Bastille, la Pyramide du Louvre, l'aménagement du parc de la Villette ou la Très Grande Bibliothèque, ce monument fait partie des grands travaux voulus par François Mitterrand pour laisser sur la Ville lumière l'empreinte tangible de son « règne ». le projet d'aménagement de cette zone avait cependant été initié du temps de Georges Pompidou. Mais quant à définir la forme architecturale du bâtiment à venir, la polémique était si vive, s'agissant de savoir s'il devait s'inscrire ou non dans la perspective définie par la Concorde et l'Arc de Triomphe, que ni ce président ni son successeur ne parvinrent à le réaliser. Il fallut l'implacable volonté de Mitterrand et l'apparition d'un architecte poète pour que l'édifice voit enfin le jour.
Aujourd'hui, lorsqu'on voit ce bâtiment, on n'imagine pas l'hallucinante histoire qui est la sienne. D'abord parce sa forme est d'une simplicité biblique. Un cube, ni plus ni moins. C'est d'ailleurs ainsi que le nommait son créateur, le Danois Spreckelsen : c'était son Cube. Mais les choses les plus élémentaires sont souvent les plus difficiles à maîtriser. Cette Arche, comme on la nomme à présent, constitue en fait une véritable prouesse technique. Sa construction fut une succession de défis que s'efforcèrent de relever ingénieurs et entrepreneurs. Avec plus ou moins de bonheur...

Le livre de Laurence Cossé, remarquablement documenté, est le fruit de plusieurs années de recherches et de travail. Mais jamais on n'a l'impression de lire une ennuyeuse synthèse historique. D'abord parce que cet auteur possède un véritable talent de narration et un sens de la formule tout à fait incisif. Ensuite parce que les héros de cette épopée sont des personnages absolument hors du commun.
Nul besoin de présenter Mitterrand. Il apparaît ici tel qu'en lui-même : un sphinx déjà rompu à l'exercice du pouvoir, entouré d'une cour prompte à exécuter le moindre de ses désirs...
Celui que l'on connaît moins, en revanche, c'est Johan Otto von Spreckelsen, dit Spreck. C'est pourtant l'architecte danois qui remporta le concours international qui avait été organisé, alors même qu'il n'avait jusqu'alors construit qu'une maison et quatre églises...

Spreck avait dessiné un rêve. Il fallait désormais le bâtir...
Lui furent adjoints les services d'un architecte français, Andreu, pragmatique et expérimenté, qui devait conduire les travaux et trouver les réponses techniques aux improbables défis posés par le projet de Spreck.

A lire ce roman, on se demande comment la Grande Arche a pu voir enfin le jour et par quel miracle elle tient encore debout ! Contraintes techniques, conflits de personnalités et d'intérêts, changement de gouvernement, dépassements et restrictions budgétaires... tout s'est conjugué pour empêcher que le rêve ne s'accomplisse. Spreckelsen en est mort, il a refusé de signer son oeuvre, mais l'Arche est là et elle compte désormais parmi les grands monuments parisiens...

Si le livre de Laurence Cossé est passionnant, c'est qu'il dévoile tout l'envers du décor : enjeux de pouvoir - on se croirait chez les Médicis! -, retournements économiques et politiques, pressions financières, enfin - et peut-être surtout - le hiatus qui peut exister entre une expression artistique et sa mise en oeuvre concrète, avec tout ce que cela implique en termes de contraintes techniques et de coûts...

L'autre attrait du livre - et non des moindres - est la mise en lumière de ce qu'on pourrait nommer « l'esprit français ». En effet, le Danois Spreckelsen ne comprit jamais le fonctionnement de ce pays qui lui avait réservé un accueil triomphal, mais ne lui sembla jamais respecter son oeuvre. Avec finesse, humour et ironie parfois, Laurence Cossé souligne le fossé qui sépare deux cultures. Elle fait ainsi un portrait de notre peuple, sans complaisance mais sans aigreur, avec même, m'a-t-il semblé, une pointe de tendresse.

Un récit très riche, donc, très instructif, qui a la saveur d'une grande épopée. Un vrai plaisir de lecture dont vous auriez bien tort de vous priver !
Lien : http://delphine-olympe.blogs..
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Histoire passionnante d'un monument et de ses créateurs.
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Proposé par ma bibliothèque dans le cadre de l'atelier de lecture organisé sur le thème de « la ville contemporaine », j'ai choisi ce livre car j'avais adoré un précédent ouvrage de Laurence Cossé intitulé « Le mobilier national ».
Consacré à la construction de la Grande Arche de la Défense, ce livre est qualifié de roman et après la lecture de ses 355 pages, j'aimerais beaucoup pouvoir demander à l'auteure ce qui ressort de son imagination et ce qui est avéré. Mais je pense plutôt que l'histoire qu'il raconte est un roman à part entière avec un thème, l'Architecture, un contexte politico-financier, celui des années 80, un récit, celui de la genèse et du déroulement du chantier extraordinaire que fut celui de la Grande Arche, des personnages, l'Architecte, les Politiques retords et florentins, les Promoteurs et les grands commis de l'Etat français et un drame, la mort du génie qui, d'un trait de plume, dessina ce qui demeure un des plus magnifiques des gestes architecturaux qui soient mais qui ne supporta pas que son oeuvre soit dénaturée.
D'une plume alerte, Laurence Cossé dresse le portrait des nombreux acteurs de cette épopée, les relations tendues entre les différents protagonistes en mettant l'accent sur les complications sans fin que suscitèrent les différences culturelles entre danois et français, entre rigorisme scandinave et désinvolture hexagonale. Elle retrace l'enchainement des événements, du choix par François Mitterand du projet à la mise en musique de celui-ci. Les suffrages lors du concours s'étaient portés sur le dossier soumis par Johan Otto von Spreckelsen, architecte danois inconnu qui n'avait jusque-là construit que 4 églises au Danemark et n'avait ni les connaissances techniques ni les épaules assez larges pour mener à bien un projet aussi splendide qu'ambitieux. Ce que le bâtiment devait contenir était flou et le restera jusqu'à la fin. Les enjeux politiques se téléscopant avec les ambitions et les égos des uns et des autres, les embuches furent légion du choix des revêtements sur lequel s'arcboutait von Spreckelsen au dessin des bâtiments dans lesquels la Grande Arche devait s'inscrire en passant par les ascenseurs et le voile censé représenter les nuages tendu entre les deux côtés. Les acteurs de l'affaire sont évoqués avec empathie pour certains et mépris pour d'autres.
Par miracle, le bâtiment fut terminé pour son inauguration prévue lors des célébrations de la Révolution Française et demeure tout à fait exceptionnel.
Si vous ne vous intéressez pas à l'histoire de l'architecture, ça ne fait rien, précipitez-vous quand même sur ce livre en tous points captivant et qui se lit comme un... roman !
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