Dans une lettre à Léon Yeatman, Marcel Proust évoque son séjour en Bretagne : « Je ne connais rien de la Bretagne. J’ai été si malade à Belle-Isle-en-Mer que je suis injuste pour ce pays célèbre et d’ailleurs admirable, mais il faudrait des tempêtes, je crois ? J’adore au contraire Beg-Meil qui d’ailleurs n’est qu’un clos de pommiers versant vers une baie lente. Ce n’est pas une chose à aller voir, mais où il est exquis de vivre. Si vous allez un soir de Beg-Meil à Concarneau, vos rames éparpilleront sur l'eau l’éblouissante et morte toutes les couleurs du soleil. »
Les marins parlaient peu en travaillant, à cause du vent, de pipes et des chiques ; aussi à cause de leur habitude de silence. Le samedi soir, dans les deux ou trois cabarets de l'île, ils criaient et chantaient et faisaient, à coups de poing et de sabots, du bruit pour toute la semaine.
Rythmée par la visite du mareyeur de Brest qui venait deux fois par mois acheter les homards et les langoustes, la relève du phare d'ArMen tous les dix jours, le bateau-courrier chaque semaine, la vie îlienne était si lente et si grave qu'elle avait un goût d'éternité.
Odette de Puigaudeau- Grandeur des îles - 1945