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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce roman, paru en 1895, est considéré aux Etats-Unis comme un chef d'oeuvre, un roman pionnier qui a influencé toute une littérature classée « récits de guerre ». Il nous plonge en pleine guerre de Sécession, en 1863, lors de la bataille de Chancellorsville en Virginie, remportée par les Sudistes de Lee.

En 2019, il n'a rien perdu de sa force et m'a surpris par sa modernité. Plutôt que raconter la guerre en enchaînant les combats comme autant de morceaux de bravoure, Stephen Crane choisit de centrer son récit sur le point de vue d'un simple soldat, d'un jeune recrue ordinaire de 18 ans, Henry Fleming enrôlé volontaire dans un régiment nordiste. Tout est vu à travers son regard, le lecteur est plongé direct dans sa tête qui bouillonne d'émotions : ses espoirs naïfs de gloire avant de partir au front, ses interrogations sur le courage dont il sera capable de faire montre ou pas, son désespoir lorsque ses camarades meurent, sa honte d'avoir déserté, ce regain de courage irrationnel qui lui donne des ailes lorsqu'une blessure à la tête dans sa fuite le fait passer pour un héros, l'ivresse de l'héroïsme jusqu'à la perte de ses illusions finale. de cette grande acuité psychologique, nait une empathie totale à son égard.
Des émotions, mais aussi des sensations. On la vit, cette bataille, aux côtés de Henry. On entend, on voit le fracas des combats et on comprend ce qui meut ces soldats morts de trouille qui malgré tout y vont :

« Il fut soudain totalement libéré d'inquiétude à son propre égard et perdit de vue tout destin menaçant. Il n'était plus un homme mais un élément d'un tout. Il eut le sentiment que cette chose dont il faisait partie – un régiment, une armée, une cause ou un pays – était confrontée à une crise. Il était fondu à l'intérieur d'une personnalité collective dominée par un désir unique. Durant un bon moment, il n'aurait pu fuir davantage qu'un auriculaire ne peut se rebeller contre une main. (…) Il commença immédiatement à éprouver les effets de l'atmosphère guerrière : une transpiration brûlante, la sensation que ses globes oculaires allaient se fendre comme des pierres surchauffées. Un rugissement cuisant emplissait ses oreilles. »
Au-delà des ces descriptions très perspicaces et réalistes de la guerre, ce qui est également très moderne dans ce roman, c'est la mise en scène, cinématographique avant l'heure : l'écriture est en mouvement, plans larges, plans séquences, gros plans avec toujours une nature omniprésente et singulièrement présente dans ce récit de guerre. La portée en devient universelle.

« Quand une autre nuit survint, les colonnes de soldats, changées en lignes violettes, traversèrent successivement sur deux ponts flottants. Un feu aveuglant vinifiait les eaux du fleuve. Ses rayons, qui jouaient sur les masses mouvantes des troupes, faisaient jaillir d'ici et là de brefs reflets argent ou d'or. Sur l'autre rive, une succession de collines ombres et mystérieuses ondulaient sur fond du ciel. Les voix des insectes nocturnes chantaient solennellement. »

Un récit de guerre fort et intense tout autant qu'un récit psychologique initiatique original.

Paru dans d'autres traductions sous les noms de " La Conquête du courage " ou " L'Insigne du courage". L'Insigne rouge du courage est la traduction littérale du titre originel " The Red badge of courage".
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J'aime les Editions Gallmeister qui sont une maison d'édition dédiée à la littérature nord-américaine. Ma bibliothèque en est bien pourvue et ses livres sont reconnaissables grâce au logo « patte de loup » et je dois avouer que je dois plus d'une belle découverte à cette maison d'édition. Ceux qui me connaissent pourront le confirmer rien qu'en citant Craig Johnson qui est un de mes auteurs favoris.
Stephen Crane était pour moi il y a encore peu de temps un auteur parfaitement inconnu. Né juste après la guerre de Sécession, cet auteur américain est décédé avant même d'avoir atteint ses trente ans. Avant cela, il s'était fait son nom dans le monde de la littérature avec entre autre « l »insigne rouge du courage », un roman court qui nous transporte en pleine guerre de Sécession.
Un jeune soldat, Henry Flemming, engagé volontaire du côté des nordistes va se retrouver aux premières loges de la guerre. A juste dix-sept ans, ce jeune garçon va se retrouver en proie au doute face à ses futures réactions quand il sera au coeur de la bataille. Il sera bientôt fixé et finalement, comme tant d'autres, il fuira pour sauver sa vie. de retour dans son régiment, une blessure lui permettra d'éviter la honte et le déshonneur.
Soyons clairs : nous sommes sur un champ de bataille du début à la fin de cette histoire :on respire l'odeur de la poudre, on entend les canons tonner sans interruption, les cris des soldats blessés, on ne distingue pas grand-chose à travers les volutes de fumée et on sent le désarroi de ces soldats qui ne semblent pas trop savoir et comprendre ce que leurs supérieurs attendent véritablement d'eux.
Un réquisitoire édifiant et sans concessions contre l'absurdité de la guerre.
Rappelons que ce conflit a été le plus meurtrier dans l'histoire des Etats-Unis.

En conclusion, encore un gros merci à P., qui m'a offert ce livre, cela fut une très belle découverte !

Challenge A travers L Histoire 2021
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Roman du 19e siècle dans la liste des meilleurs livres américains, la Guerre de Sécession vécue par « Le jeune soldat », comme l'appelle l'auteur.

Un garçon qui décide de répondre à l'appel, de partir à la guerre, même si sa mère n'est pas d'accord. Dans le camp de soldat, pendant la période d'inactivité, il est rongé par le doute. Sera-t-il vraiment capable de réagir sur le champ de bataille? Va-t-il s'enfuir ou être courageux? Sera-t-il vraiment capable de tuer un homme?

Avec ses compagnons d'armes, on suit les soldats qui marchent, qui avancent ou reculent, vont où on les envoie sans comprendre la logique. Et qui en viennent aussi à remettre en question la logique de la guerre. D'autant plus que cette horrible guerre n'est pas contre un ennemi extérieur, mais contre leurs compatriotes.

En plus des tourments intérieurs du soldat, le roman qui comporte son lot de suspens : « le jeune soldat » sera-t-il tué? Sera-t-il blessé et portera-t-il ainsi l'insigne rouge du courage?

Une introduction qui situe la ligne du temps et une postface qui rappelle l'importance de cette oeuvre écrite pas un auteur décédé à 28 ans.
Un roman du 19e siècle qu'on pourrait croire démodé mais, malheureusement, la guerre est encore d'actualité…
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En bon dénicheur de pépites, les éditions Gallmeister n'ont pas leur pareil pour porter à la lumière ces classiques américains oubliés ou peu connus de ce côté de l'Atlantique.

Dans ce registre, bonne pioche en core une fois avec ce récit de guerre à hauteur d'homme, traité sous l'angle étonnamment moderne en 1895 d'une mise en scène volontairement peu explicite: tout juste apprend-on que c'est la guerre de Sécession dont il s'agit; pas d'indication de date, de lieu, de perspective globale de la scène de bataille. Juste un presqu'homme de dix sept engagé par romantisme juvénile, découvrant l'armée, l'attente, le feu, la furie de l'affrontement et qui, face au diable rouge de la guerre, affronte et dépasse ses peurs et ses limites et devient un homme.

La portée universelle de ce court roman de guerre n'a pas échappé aux contemporains de Stephen Crane ni aux générations suivantes qui y ont trouvé jusqu'à la guerre du Vietnam l'essence du combat guerrier dans sa brutalité et son absurdité autant que l'exaltation qu'elle génère. On a donc rien à perdre à le découvrir.
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A-t-on tout dit, tout lu, sur la guerre ? Peut-être. Pas sûr…

Dans L'insigne rouge du courage, écrit en 1895 par Stephen Crane – et ici traduit par Pierre Bondil et Johanne le Ray – la guerre de sécession fratricide n'est que le décor prétexte à une interrogation poussée sur le courage et la peur, l'honneur et l'opprobre, la raison et le paraître.

C'est au pied du mur qu'on voit le maçon parait-il… C'est en tout cas arrivé au front que le jeune Henry Fleming va réellement perdre les idéaux qui l'avaient poussé à s'engager pour aller défendre le Nord, contre l'avis de sa mère. Comme un caméraman qui filmerait à l'épaule au plus près des combats, Crane place Henry et le lecteur au coeur des offensives de lignes, boucheries humaines destinées à conquérir au mieux une colline, parfois quelques mètres seulement.

Mais là où Crane excelle, c'est dans la description des phases d'attente ou intermédiaires entre les assauts : successions d'insupportables gamberges morales pour Henry confronté à la peur et à la fuite lors de son premier assaut ; puis au remords face à cette blessure accidentelle reçue en fuyant, devenue insigne rouge du courage et « marque de gloire » de tout combattant. Las de s'interroger, Henry va aller de l'avant et se transformer bien plus qu'il ne l'aurait cru.

Alors a-t-on tout dit, tout lu, sur la guerre ? Probablement. Mais ce qui frappe ici, vingt ans avant les récits de Junger ou Dorgelès, cinquante ans avant ceux de Vercors, Kessel ou Clostermann, sans oublier plus tard Steinbeck, Peacock ou O'Brien et j'en passe, c'est la constance dans ces récits de l'absurdité totale des situations morales dans lesquelles sont placés des générations entières de jeunesses impréparées. Et comment pourrait-on l'être ?

Si comme moi vous aimez les récits de guerre, L'insigne rouge du courage est un incontournable du genre.
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Je suis tombé un peu par hasard sur ce roman historique sur la guerre de sécession qui s'est révélé être en fait un classique américain, et ce fut une très bonne surprise, au moins pour la première moitié.
Stephen Crane (encore un de ces auteurs du 19e fauché très prématurément par la tuberculose) décrivait tellement bien, ce me semble, les sentiments de cet adolescent volontaire au milieu des affres de la guerre civile que je me suis demandé un moment s'il n'en était pas lui-même un vétéran. En fait non, puisqu'il est né en 1870 ou 71, mais il fut reporter de guerre sur d'autres conflits, ce qui explique peut-être cela.
Et c'est en fait la principale force de ce roman : la vie intérieure du personnage principal, et toutes les idées saugrenues mais parfaitement vraisemblables qui lui passent par la tête pour se donner du courage, mais aussi (très souvent) pour se chercher des excuses de ne pas en avoir eu.
Par contre, le côté microscopique du point de vue fait que ça commence sérieusement à s'essouffler à partir de la moitié, alors que ce n'est pourtant pas très long.
Une expérience de lecture que je ne regrette pas, malgré tout, d'autant que ce livre du domaine public est en téléchargement gratuit, dans une traduction très correcte, mais hélas - et c'est regrettable - pas exempte de fautes d'orthographe, de grammaire et de concordance des temps.
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[ Voyage en enfer]

La plupart des romans sur la guerre font des plans larges qui tentent de saisir la situation d'un conflit dans son ensemble. Stephen Crane lui a choisi de filmer en plan rapproché. Il suit le soldat.
Que pense-t-il? Que ressent-il? Que vit-il?
A travers un seul individu, Crâne montre la ligne ténue qui existe entre le courage et la lâcheté.

Comme dans « Shiloh» de Shelby Foote (qui doit je pense beaucoup à Crane), le soldat se débat dans un chaos surréaliste qui provoque un torrent de réflexions intérieures en synchronicité dramatique avec le tourbillon de la bataille.

Le pouvoir de ce roman de guerre n'est pas vraiment dans l'histoire, mais dans la façon dont elle est rendue.
Le stratagème de Crane consistant à n'utiliser que très rarement les noms des soldats et préférant parler du « jeune soldat », du « grand soldat », du « soldat à la voix forte », est redoutable d'efficacité pour souligner le fait qu'ils ne sont que des pions dans un jeu mortel initié par d'autres.

Il y aurait aussi beaucoup à dire sur l'écriture de Crane. Une écriture « à l'ancienne » qui fait de ce roman une lecture parfois exigeante mais de toute beauté.
Un grand classique américain remarquable de réalisme.

Nouvelle traduction par Pierre Bondil et Johanne le Ray
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Stephen Crane (1871-1900) est un écrivain, poète et journaliste américain. En 1892, il commence sa carrière à New York comme journaliste indépendant. Devenu reporter correspondant pour le New York Tribune, il est renvoyé du journal qui n'a pas apprécié son compte rendu d'une manifestation ouvrière. Il travaille à partir de 1895 comme correspondant pour plusieurs journaux et couvre différents conflits, notamment au Mexique. En 1896, alors qu'il se rend à Cuba, le bateau coule et, après 36 heures de naufrage, trois survivants parviennent à atteindre les côtes de la Floride. Crane s'inspirera de cette aventure pour un roman. En 1899, déjà malade, il s'installe avec sa compagne en Angleterre dans le Sussex où il fait la connaissance de Henry James et surtout de Joseph Conrad qu'il rencontre plusieurs fois. Stephen Crane meurt de la tuberculose en Allemagne. Il est enterré au cimetière d'Evergreen à Hillside, New Jersey.
L'Insigne rouge du courage (The Red Badge of Courage), roman de 1895, paru sous divers autres titres précédemment, vient d'être réédité dans une collection de poche.
Durant la Guerre de Sécession. Henry Fleming, un jeune gars de dix-sept ans, s'engage dans l'armée Nordiste avec des rêves de gloire et d'exploits (« …il sentait s'épanouir en lui la force de réaliser d'immenses exploits guerriers »). Bien vite son enthousiasme va flancher, assailli par les doutes et les questions. Dès le premier combat, il s'enfuit et s'en voudra de sa lâcheté mais la confusion générale va lui être favorable : blessé à la tête par l'un de ses camarades, cet insigne rouge du courage, lui assure une envergure qu'il s'ignorait ; dès lors, il devient un soldat exemplaire…
Ce qui frappe le lecteur en premier lieu, c'est l'anonymat, l'absence de références précises ou historiques permettant de situer le récit. Jamais les termes, guerre de Sécession, Nordistes, Sudistes, Confédérés etc. ne sont cités, seuls sont évoqués les uniformes bleus, de même on ne saura jamais de quelle bataille il s'agit. Les curieux en trouveront les réponses sur Internet, par des spécialistes du conflit se basant sur de rares indices pris dans le texte. Mais si Stephen Crane a choisi ce mode de narration, c'est tout simplement pour la bonne raison que cela n'a aucune importance à ses yeux : ce n'est pas un roman historique, ni même de guerre, mais au contraire un roman psychologique avec un jeune homme se confrontant à ses propres doutes, ses contradictions face au danger mortel et ses réactions quand il devra affronter la mort en face. Ce qui nous donne une fable à la portée générale.
Nous suivons donc Henry – toujours ou presque nommé « le jeune » dans le texte – dans ses soubresauts psychologiques, sa joie fanfaronne quand il s'engage, sa déception profonde quand il flanche face à l'ennemi, son désarroi devant le sentiment de bazar ambiant et d'ordres contradictoires ; les hauts et les bas se succèdent, puis viendra le temps de la rage, moteur de son héroïsme, et le bilan final « Il avait frôlé la mort toute puissante et découvert qu'après tout, ce n'était que la mort toute puissante. Il était un homme. »
Un très bon roman, d'une très belle écriture moderne (traduction ?) qui peut être lu par tous, même des âmes sensibles…
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Il m'a fallu du temps pour véritablement entrer dans ce roman. La faute au style d'écriture particulier et à son personnage principal auquel je n'avais pendant longtemps, pas d'attachement particulier. Cependant une fois ces obstacles dépassés, le roman se révèle passionnant. On plonge en pleine guerre de Sécession, dans un régiment fictif, le 200e de New York (en réalité « seulement » 194 régiments new yorkais seront créés et tous ne seront pas levés), accompagnant le jeune Henry Flemming à la veille de sa première bataille. Comme le jeune Fréderic Gluntz dans le Hussard de Perez-Reverte, ce dernier est plongé dans l'inceritutude et l'appréhension. Sera-t-il à la hauteur ? Comment se comportera-t-il au feu ? On ne tarde pas à connaitre la réponse. Après un premier engagement ou il tient son rang, il s'enfuit à toute jambe devant la contre-attaque ennemie.
Il s'égare sur le champ de bataille et se blesse accidentellement au cours de sa fuite. Il revient honteux, persuadé que tous savent qu'il est un lâche. Cet épisode va entrainer de grand changements dans sa mentalité et son comportement.
Ici, pas de grande stratégie ou de tactique, on voit la bataille à hauteur d'homme: tout est confus, les informations sont partielles et ne permettent pas d'avoir un tableau d'ensemble si bien qu'on ne sait pas qui, des Fédéraux ou des Confédérés a l'avantage, autrement que localement.
Le livre est très immersif, et malgré le style rempli de (trop) nombreuses métaphores, on embarque aux côtés d'Henry sur le champ de bataille, ressentant l'appréhension, la terreur, le courage, l'excitation…
Les personnages ne sont qu'une poignée, le plus souvent rapidement esquissés et Henry lui-même est mis constamment à distance par l'auteur car on le désigne pas le plus souvent prénom mais en l'appelant « le jeune soldat », mais au fur et a mesure des pages, dans les épreuves qu'ils traversent, on arrive peu à peu à s'attacher à eux.
Un roman marquant d'un grand réalisme et d'une grande force.
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Stephen Crane n'a pas connu la Guerre de Sécession. Il a écrit ce livre en 1895, vingt ans après l'issue du conflit. Son récit semble à la fois très réaliste et à la fois écrit avec un certain recul, constituant une réflexion sur la guerre et les mécanismes qui la régissent.
Le très jeune héros, Henry Fleming, se porte volontaire pour combattre dans les rangs nordistes, à à peine dix sept ans. Personne ne peut le faire changer d'avis, tant l'appel vers l'héroïsme domine le jeune homme. Il veut connaître autre chose que la vie dans la ferme de sa mère, morose et stéréotypée. Que cela puisse lui coûter la vie ne l'effleure qu'à peine.
Très vite, Henry, souvent juste appelé “le jeune soldat”, est confronté à l'âpreté et à la violence des batailles. C'est là aussi que le lecteur est lui-même plongé dans les nimbes de des combats et de leur ambiance brumeuse et menaçante. Volontairement, Crane néglige de nommer les éléments avec précision. Pour désigner les armées respectives, il se contente d'évoquer les “soldats en bleu" ou ceux “en uniforme gris”. C'est cependant de cette façon que les hommes reconnaissent les leurs ou l'ennemi redouté et Crane nous le fait comprendre de cette manière... Les compagnons de Henry ne sont pas nommés non plus: il y a le soldat qui parle fort, le soldat en haillons, mais rarement un patronyme... La description des échauffourées est également confuse et dans un premier temps, on le reproche à l'auteur.
Pourquoi tant d'approximation, demanderez-vous. C'est que lors de cette guerre, les choses se déroulaient ainsi: on ne savait pas toujours les noms de ses camarades, on ne savait pas toujours où on se trouvait réellement sur le champ de bataille, et pire, après un affrontement , toujours extrêmement violent et meurtrier, on ignorait si on l'avait remporté ou non... Stephen Crane nous fait partager ce flou par l'intensité de son écriture. Pour lui, l'importance n'est pas de nous démontrer qui est fort ou faible, qui gagne et qui perd. Ce “manque de rigueur” dans les descriptions, justement, nous détourne de ces réflexions: ce qu'importe Crane, c'est l'horreur de cette guerre et le dénuement moral de ceux qui se trouvent les pieds dans la boue sur le champ de bataille...
Cette guerre, tous les soldats la vivent en ayant la trouille au ventre. Les officiers lancent ordres et contre ordres dont une confusion totale, les soldats font figures de simples figurants dans un conflit dont l'objet finit par leur échapper, pour autant qu'un gars de l'Iowa savait qu'un péquenot du Tennessee vivait en exploitant les esclaves noirs...
Notre “jeune soldat” n'échappera pas au désarroi et il est très vite assailli par une panique qui le paralyse complètement. Il se résout à fuir le combat en désertant et se retrouve au milieu d'un camp à l'arrière, où sont soignés les blessés. Là, il est gagné par la honte et retourne au combat, imaginant que la seule voie vers l'héroïsme, c'est de recevoir une blessure grave: l'insigne rouge du courage. Je ne dévoilerai pas la suite...
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