Eva est le deuxième opus des aventures de Lorenzo Falco, cet agent des services secrets de la République espagnole passé sous Franco, à l'époque de la guerre civile. Passé trouble, amateur de costumes bien taillés, de femmes (mariées ou pas, peu importe), de cigarettes et d'alcool, il a tout pour devenir le prochain James Bond. Ceux qui ont lu le premier tome se rappelleront que la mission précédente de Falco ne fut pas couronnée de succès (il d
evait libérer Primo de Rivera des communistes) mais cela ne semble pas avoir démonté la confiance de ses supérieurs. Lors de cette mission, il s'enticha d'
Eva, une autre agente qui s'avéra travailler pour l'ennemi avant de prendre le large. L'utilisation de son prénom pour le titre de ce deuxième opus laisse présager son retour et une place prépondérante…. Au plus grand plaisir des lecteurs.
Toutefois, ce n'est pas en Espagne mais plutôt au Maroc que l'aventure nous transporte. En effet, le Mount Castle, un cargo républicain transportant trente tonnes d'or de la Banque d'Espagne (à destination de l'URSS) a dû se réfugier à Tanger. Falco est dépêché là-bas pour convaincre son capitaine de changer de camp, sinon de s'emparer du butin. J'aime bien ces romans d'espionnage modernes aux intrigues innovantes, qui s'éloignent des autres, plus traditionnels, qui se limitaient à empêcher un mégalomane de tenter de prendre le contrôle du monde (à défaut de le détruire).
Ce que j'apprécie, dans
Eva, c'est toute l'attention portée aux détails, que ce soit pour restituer l'époque (ce que
Pérez-Reverte avait réussi dans le tome précédent) ou pour décrire Tanger, le port, les cabarets, bref, ce décor digne des films comme Casablanca. Mais aussi ses habitants. « Sur la place, au débouché de la rue, il y avait beaucoup de monde : passants et oisifs, marchands ambulants, Juifs barbus, Marocains coiffés d'un turban, en djellaba, d'autres au fez rouge avec costume et cravate, assis au milieu d'une foule d'Européens des deux sexes dans les cafés bondés, d
evant un ciel encore violacé sur lequel se découpaient les édifices. » (p. 125)
Un autre élément que j'apprécie, c'est la place faite aux femmes. Outre
Eva, on retrouve une ancienne connaissance de Falco. « À cinquante-quatre ans, Moïra Nikolaos, Grecque de Smyrne, demeurait attrayante. Ils s'étaient connus en 1922 d
evant la ville incendiée par les Turcs. Falco, accoudé au bastingage du Magdala, l'avait vue quitter une barge de réfugiés et monter à bord malgré un bras bandé, qui allait s'infecter et qu'elle finirait par perdre, pendant que des milliers de ses compatriotes étaient violés, torturés et assassinés à terre. » (p. 118). J'adore la façon dont l'auteur parvient à rendre spécial chaque personnage. Quelques lignes et on arrive à se faire une tête de chacun. Et ces descriptions permettent d'en apprendre également sur le protagoniste et d'ajouter à l'atmosphère.
J'ai hâte de lire le prochain tome, et j'espère qu'
Arturo Pérez-Reverte en écrira plusieurs autres par la suite