Aujourd'hui je vous écris quelques lignes à propos d'un coup de coeur littéraire: Augustin Cupșa, „
Marile bucurii și marile tristeți” (2013)
Même dans nos vies les mieux remplies, il y a des blancs, nous dit l'auteur, à l'instar de cette couverture que j'aime tant. Il y a, en effet, toujours, quelque chose qui échappe à notre communication et qui nous isole tout comme seuls ils sont également ces autres avec lesquels nous semblons partager «les plus grandes joies et les plus grandes tristesses».
Venant de moi, cela ne semble peut-être pas trop clair, mais en lisant les 11 nouvelles de Augustin Cupșa, ce constat est limpide: ça coule de source, ça va de soi et la délicatesse littéraire y est éblouissante. Oui, l'auteur nous parle de cette condition fondamentale qui est la nôtre: la solitude dans laquelle nous nous retrouvons constamment. Mais il le fait d'une manière très gracieuse eu égard à la gravité du sujet.
L'ensemble est à la fois très vivant et très littéraire, voire poétique, et c'est là tout l'art de l'écrivain. J'ai lu ces nouvelles dans le désordre. En commençant, par «Une figure un peu ancienne» (il y a un jeu de mots, car un des personnages joue un mauvais tour, „o figură cam veche”) avec la figure emblématique de Orveni, bibliothécaire et avec le pouvoir du livre comme personnage à part entière: il peut nous assurer, comme le font les psychiatres, que «la vie a cependant un sens», pour peu que nous soyons patients et disposés à le «chercher» (p. 77). C'est explicite, mais surtout tristement beau dans l'implicite, dans le non-dit.
J'ai poursuivi avec ma nouvelle préférée, l'histoire de Daria («Qu'adviendra-t-il à ma mort», p. 27-44), la postière qui depuis huit ans distribue consciencieusement de bonnes et de mauvaises nouvelles et qui fait la rencontre joyeuse(?) de Otilia Dumitrașcu, 90 ans. Comment bien souhaiter «joyeux anniversaire» à cet âge-là, quand le roumain veut qu'il s'agisse de souhaiter encore de nombreuses années à vivre? Et d'ailleurs comment traduire la spécificité du „La mulți ani” (Ad multos annos)!
Neuf autres textes pour constituer ce livre subtil et riche qui nous parle si bien de nos vies ordinaires pour en extraire la «substantifique moelle» de bonheur. Les mots retrouvent leur force expressive et les blancs acquièrent du sens.