Oublié par le monothéisme qui débordait déjà de partout, Damascius erra d'empires à empires et accompagné des quelques derniers philosophes du monde antique.
Oeuvre des confins on y rencontre l'absolu par delà l'un, l'absolu comme sens de faire totalité qui habitera et dépassera chacun des autres principes, ouvrant étrangement alors à un idéalisme du chaos hésiodique.
Ce chaos, dans son dévoilement constituant, laisse proie à une suite de principes réenvisagés à l'aune d'une proposition révolutionnaire.
Cette proposition c'est que les formes sont les triades, c'est à dire que la forme c'est celui qui pense, et non plus l'idée qui est pensée, qui elle se résoud comme élément confondue à l'Un, gelée dans son génie.
Ouvrant la voie sans jamais être relu pourtant à l'idéalisme allemand, Damascius met fin au néoplatonisme en en accomplissant la mystique comme la raison pure.
Jamais la métaphysique ne sera allé aussi loin, croisant sujet et objet dans une proposition monstrueuse et spectaculaire de procession de dieux et d'apories sublimes.
La froideur de l'orchestration se croise à une humilité dangereuse et prompte, celle d'aller trop loin, et dont Damascius affleure la sensibilité infinie et comme toute confuse.
Le monde de l'intelligence dyadique devient un chaos processif, celui de l'Un un chaos irrésolu, et celui de la triade une pluralité infiniment ouverte.
La matière sensible alors, dans sa dialectique avec l'absolu, semble être le seul point traversable d'un système aussi vertigineux, et dont on regrette que le spectacle n'ait pas plus souvent été rejoué.
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Comment penser l'au-delà de tout ce qui d'une manière ou d'une autre peut-être pensé? Pourtant notre âme pressent qu'en dehors des limites de tout qui est fini, il y a cet abîme où elle se perd et dont elle ne peut rien faire sans se contredire aussitôt. Celui-là, ou mieux cela (ekeino), c'est peu de le déclarer indicible. La pensée fait plus ici que de sortir des limites du discours. Elle ose sortir du tout et, jetée hors d'elle-même et hors de tout, c'est le dehors absolu qu'elle affronte. [...] Elle fait l'expérience du renversement absolu de la pensée et du langage. Et, pour échapper au vertige, sitôt ce gouffre entrevu, elle revient en arrière. Elle sait que le rien ne peut être pensé. Elle sait aussi qu'il lui faut nécessairement l'admettre.
Entre l'un et le tout, ce qui n'est ni un ni tout est "chaos". Mais il faut entendre le chaos au sens hésiodique comme la béance de l'origine. Damascius est fasciné par cet abîme, et si nous cherchions quel est le thème qui revient le plus souvent dans le "traité des premiers principes", nous verrions que c'est celui du pluriel pur.
C'est à la limite de l'intelligibilité, au-delà ou en-deçà, qu'on entrevoit la pluralité pure.