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EAN : 9782381340265
330 pages
Marchialy (11/03/2021)
4.05/5   70 notes
Résumé :
L'incroyable épopée d'un Australien pour restituer un crâne aborigène à sa tribu : un chemin de connaissances, d'ouverture et de rédemption.

John Danalis a grandi avec un crâne aborigène dans son salon. C'est seulement à 40 ans qu'il comprend l'horreur de la situation. Emporté par l'élan de sa prise de conscience, John décide de tout mettre en oeuvre pour restituer Mary - puisque c'est ainsi que le crâne a été affectueusement renommé - à son peuple. P... >Voir plus
Que lire après L'appel du cacatoès noirVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (37) Voir plus Ajouter une critique
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Le périple d'un crâne…De la prise de conscience au réalisme magique…

« Les morts ont des droits. Ils ont le droit d'être couchés dans leur dernière demeure et de reposer en pays, dans leur propre pays, de façon à pouvoir entrer dans le monde des esprits et devenir un avec leur mère, la Terre ».

John est un australien, un homme blanc dans la quarantaine, qui décide après quelques petits boulots de retourner à l'Université et de prendre un cursus de littérature indigène, c'est-à-dire aborigène dans le cas de l'Australie. Une littérature qui évoque les aborigènes avant l'invasion européenne de l'Australie.
Au cours d'une journée de cours, en classe, lors d'un échange entre les étudiants et le professeur, John lâche une véritable bombe. Sur un ton léger et presque légèrement fier, il explique que sa famille, ses parents plus exactement, ont un crâne d'aborigène depuis des décennies qui décore les étagères de la bibliothèque. La famille l'a surnommé Mary, même si l'étude du crâne par un ami de la famille a pu mettre en valeur qu'il s'agissait du crâne d'un homme mort de syphilis. Cette confession choque tout le monde au point de lui faire prendre conscience de l'horreur morale de la situation, au point de le questionner et de lui faire éprouver honte et culpabilité.
Il décide ainsi de restituer Mary à son peuple, les wamba wamba dont l'animal totem est le cacatoès. Cette restitution sera source de multiples échanges avec les descendants des aborigènes, source d'un cheminement intérieur, d'un véritable apprentissage, de réflexions et d'un voyage. Il rencontrera la culture originelle de son pays qu'il a toujours côtoyée de très loin, avec une forme d'indifférence, plongé depuis l'enfance, sans en prendre conscience, dans un bain de préjugés et de clichés. Petit à petit, il décide de comprendre Mary, son histoire, sa façon de vivre et découvre ainsi toute la complexité de sa culture.

« Sur le plan émotionnel aussi, ce puzzle à la fois surprend et déconcerte la compréhension du monde occidental : l'une de ses pièces peut être lourde de désespoir mais retournez-là et il y a là assez de rire et de joie pour soulever le ciel ».

J'ai appris un certain nombre de choses dans ce livre qui lève le voile sur les atrocités commises par les européens, décimant ainsi tout un peuple. Finalement cette histoire est universelle, c'est celle de tous les peuples envahis, tués, décimés. J'ai pris conscience de la problématique des dépouilles de toutes ces personnes exterminées, dont les squelettes sont éparpillés entre des collectionneurs, des antiquaires, des musées, dormant au fond de cartons et de sacs en plastique dans des caves et des cachots du monde entier. John est tout en humilité dans cette découverte, il reconnait son ignorance, se remet constamment en question, il en est d'ailleurs touchant et attendrissant.
Mais j'ai trouvé qu'il y avait un véritable déséquilibre entre la première partie du récit, passionnante, dans laquelle décision est prise de restituer le crâne et la restitution proprement dite ; et la seconde partie du récit, bien moins subtile, où nous voyons ce qui se passe ensuite, entre la déprime de John qui sent qu'il a toujours eu un lien particulier avec ce crâne et le réalisme magique que l'auteur développe pour faire sentir à quel point ça y est, grâce à son acte, il peut sentir le coeur battant et sans âge de la terre, comme les aborigènes, voyant au-delà du vernis déposé par les européens. Cette façon de « voir à travers l'illusion, de ressentir les choses telles qu'elles sont réellement », cette façon de devenir celui qui communique avec un cacatoès noir, n'est pas convaincante, voire est assez surfaite. Sans doute la fin est-elle trop pétrie de bons sentiments.
De même voir le père de John passer d'un homme bougon, réactionnaire, borné, raciste, à un quasi militant ouvert et généreux n'est guère plausible. Cela manque de subtilité, le manichéisme et les bons sentiments de cette fin m'ont laissé tout au bord du récit et m'ont même par moment agacée.

Au final nous avons là un récit bien écrit, un livre très riche sur la culture aborigène – et rien que pour cela il vaut le détour - mais dont la fin, pétrie de bons sentiments et très manichéenne, manque de subtilité à mon goût. Pourtant, j'aurais voulu aimer totalement ce livre autant que j'aime sa couverture que je trouve vraiment très belle. Il m'est d'avis que ce livre plairait beaucoup à un public adolescent ou jeune adulte. Car c'est somme toute une belle histoire, riche d'enseignements.

« C'est moi qui devrais faire des excuses à ces gens pour tout ce que je leur ai pris, et c'est eux qui me remercient en disant qu'ils me sont redevables ».



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Ouvrage reçu lors d'une opération Masse critiques privilégiée, je tiens tout d'abord à remercier babelio ainsi que les éditions Marchialy pour l'envoi de ce magnifique ouvrage, qui l'est autant bien sur la forme avec sa couverture haute en couleurs que sur le fonds extrêmement profond et qui m'a beaucoup touchée.

Ici, le lecteur se plonge dans les us et coutumes et surtout les horribles massacres, déracinements et autre que le peuple aborigène a subi tout au long des siècles. John Danalis, enclin à devenir professeur et bien que père de deux fillettes a rejoint les bancs de l'université et c'est au contact de l'une de ses professeures, en littérature aborigène qu'il va découvrir l'histoire de ce peuple, auquel il va s'attacher, d'autant plus que son père possédait dans le salon de son enfance, un crâne aborigène qui les a accompagnés, lui et son frère, tout au long de son enfance. Alors, plus par justice pour ce peuple que par pure folie, John va décider de restituer ce dernier à ses ancêtres. Commence alors, après de longues démarches administratives, la restitution de ce crâne, dénommé Mary, bien qu'il s'agisse d'un crâne d'homme, mais cela, notre protagoniste ne l'apprendra que plus tard à la tribu des Wamba Wamba. D'abord décrié par ces dernier et face à l'offuscation de certains d'entre eux qu'un homme de couleur blanche ait pu grandir avec le crâne de l'un d'entre eux dans son salon sans que cela ne lui pose de problèmes de consciences jusqu'à présent, c'est tout un monde nouveau qui s'ouvre alors pour notre héros qui va apprendre, tout comme le lecteur, le passé mais aussi le présent et l'avenir plus qu'incertain pour toutes ces tribus de l'Australie d'aujourd'hui.

Un roman profond, extrêmement bien écrit, sans jugement mais avec simplement l'énonciation de faits historiques concernant l'épopée de ces tribus. Un texte envoûtant qui ne laisse pas le lecteur indifférent et en ce qui me concerne, j'ai bel et bien envie de pousser mes recherches et de découvrir L Histoire ou les histoires de ces tribus à qui l'on a tout pris, jusqu'à leur propre identité ! A découvrir et à faire découvrir !
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Une lecture aussi vive que la couverture très réussie des éditions Marchialy…jaquette frappant le regard , comme son contenu !

Une découverte salutaire…battant en brèche « nos racismes ordinaires »…dilués sournoisement dans nos quotidiens…

Un ouvrage dénué de pédanterie qui nous raconte l'histoire d'un australien moyen…qui va faire tout un chemin de remise en question de son éducation et d'idées toutes faites inculquées comme « ordinaires », « normales »….
Une sorte d'autofiction : l'auteur reprend tardivement ses études pour enfin devenir « enseignant ». Il choisit « La Littérature indigène », et plus exclusivement la littérature aborigène… Il ne connaît rien à leur vie, leur civilisation, bien qu'il se targue d'avoir grandi avec un crâne aborigène dans son salon, crâne rapporté par son père, vétérinaire dans le bush.

Pour épater les autres étudiants, il raconte cette histoire… Il s'en mordra les doigts, ayant « la honte de sa vie »,constatant que cela ne fait rire personne, réalisant qu'il véhicule à son tour, les idées et blagues stupidement racistes, entendues dans son milieu privilégié de « blanc »….

Il se remet en question, prend conscience des souffrances tragiques et du mépris absolu supportés par les aborigènes. Il décidera de rendre le crâne appelé affectueusement « Mary » , par sa famille, à son peuple et se plongera dans l'histoire de son pays, l'Australie… élargira ainsi sa vision de « L'Autre » différent, et là en l'occurrence, « L'Aborigène ». Une vraie révolution dans son existence...

Nous assistons à ses recherches, ses questionnements, les changements qui s'opèrent dans son appréhension du monde…
« J'ai appris qu'il était acceptable de s'émerveiller de l'Aborigène dans son milieu naturel-de préférence dans le coin le plus reculé d'un désert lointain- (...)

À l'image du kangourou - emblème à l'état sauvage, mais indésirable dans notre pâturage -, le contact avec le monde aborigène avait tendance à perturber notre idée de l'ordre des choses. Les indigènes ébranlaient les clôtures bien ordonnées de notre logique : ils bousculaient nos esprits empiriques. Car leur esprit collectif ressemblait à un mystérieux entrepôt regorgeant de ce que le monde moderne considérait comme un galimatias de superstitions et de connaissances superflues. C'est seulement maintenant que nous nous éveillons à la compréhension que cet entrepôt vieux de 60 000 ans contient des réponses aux questions que nous avons à peine commencé à nous poser. Et les gardiens de cet entrepôt possédaient une joyeuse aptitude à vivre dans l'instant qui nous déroutait et nous agaçait diablement. Mais évidemment, notre plus grosse "bête noire"...c'était la couleur de leur peau. (p. 21)”….

Tout un périple mouvementé pour “rapatrier” dans les rituels aborigènes, le crâne de « Mary » dans « sa » terre d'origine. Ce que réussira à faire John Danalis, objectif qu'il atteindra et dans lequel il entraînera son père, pourtant récalcitrant, au début de l'entreprise. ..

Une lecture vivifiante qui secoue toutes les certitudes et met à mal les conditionnements tenaces dans lesquels nous grandissons, et à partir desquels, nous agissons le plus souvent, sans réfléchir plus avant…

Un vrai réquisitoire d'autant plus efficace qu'il est dénué d'agressivité, que le narrateur- auteur, se met lui-même en accusation devant ses préjugés et les images fausses inculquées au fil de sa scolarité et des enseignements « prémâchés », ainsi que par son milieu de « blanc », de classe moyenne…
Réquisitoire indirect sur tous les abus injustifiables de tous les Colonisateurs, méprisant la culture , les traditions, les usages des « colonisés » allant jusqu'à éradiquer, rejeter, détruire…faisant disparaître des arts de vivre et des savoir-faire irremplaçables… Pour illustrer ce propos essentiel traité dans ce livre, je me permets de transcrire l'extrait suivant…

"T'es au courant des écorces qui ont été amenées d'Angleterre, Gary t'en a déjà parlé ? (...)
"Ouais, je me souviens d'avoir lu quelque chose là-dessus. Vous avez intenté une action en justice contre le British Museum et le musée de Melbourne pour tenter de les garder ici, en Australie.
-C'est ça."
Jason était ravi que je sois au courant.
"Bon, imagine, elles arrivent pour une exposition, prêtées par le British Museum, et pour nous, c'est le choc ! On ne savait même pas que ce type de gravure sur écorce faisait partie de notre patrimoine. Parce que, après nous avoir tous chassés de notre terre, nous les Koori, ils ont abattu tous les grands vieux arbres, y compris ceux qui étaient gravés. Ces écorces sont les dernières qui restent au monde.Tous, on ignorait qu'on savait faire ça, c'était un savoir perdu. Et bon, soudain, voilà que les jeunes se mettent à étudier ces écorces de très près, à essayer de lire les symboles, à essayer de retrouver quels outils ils utilisaient, et du jour au lendemain, nous voilà tous en train de graver des écorces comme des fous, on a fait une exposition, on retrouvait nos racines !"
J'ai regardé Jason et vu que la lumière était revenue dans ses yeux. Nous sommes restés quelques minutes en silence; on en dit parfois tellement plus en se taisant. « (p. 198)

Ce texte est d'autant plus réussi qu'il éveille l'envie de se documenter en profondeur sur la population aborigène et son histoire…sur l'histoire Australienne. Après cette narration de qualité, communicative , je reprends un autre roman débuté, cette fois, d'une auteure issue de la communauté aborigène wiradjuri, Tara June Winch, « La Récolte »[éditions Gaïa 2020 ]
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L'auteur, John Danalis, vient d'avoir 40 ans. Cet Australien, marié et père de deux petites filles, ne sait pas trop quoi faire de sa vie, et il se décide alors pour des études de littérature aborigène. Un jour en classe, pour se montrer intéressant, il raconte innocemment qu'il a passé son enfance avec un crâne aborigène trônant sur une étagère du salon, un crâne affectueusement surnommé Mary. Pendant qu'il parle, les yeux de ses condisciples s'ouvrent comme des soucoupes, et les protestations scandalisées ne tardent pas à fuser. C'est à ce moment précis que John prend tout à coup conscience qu'il est Blanc et que sa race ne représente qu'une partie de la population australienne, "l'Autre" partie étant constituée des Aborigènes, peuple natif colonisé, dépossédé, opprimé, violenté et en grande partie anéanti sauvagement par les Blancs au cours des siècles. John réalise aussi à ce moment que le crâne de Mary n'est pas qu'un objet de décoration original, mais qu'il n'est rien moins qu'une partie des restes d'un être humain que les siens n'ont pu récupérer ni enterrer comme il se doit. Débordant de honte et de culpabilité, John veut faire amende honorable et restituer le crâne au clan de Mary. Il se lance dans des recherches pour retrouver le lieu de naissance de Mary, passe des heures sur internet et au téléphone et rencontre des Aborigènes investis dans ces "restitutions" d'ossements éparpillés par centaines à travers le monde, dans les collections des musées ou de particuliers. John découvre ainsi l'Autre Australie. Un choc des cultures qui le bouleverse et l'oblige à déconstruire préjugés et clichés, et à relire l'histoire de son pays avec d'autres lunettes.

Entendons-nous, John et sa famille ne sont pas racistes. Ils savent vaguement que les colons ont malmené les Aborigènes et qu'ils sont mis à l'écart de la société, mais n'ont pas la moindre idée des souffrances que ce peuple a subies, des discriminations qu'il subit encore. Jusque là, ils ont vécu à côté d'eux sans vraiment les voir, sans s'y intéresser, sans se poser de questions à leur sujet, sans se scandaliser de leur position d'infériorité et sans en avoir mauvaise conscience. John et ses semblables vivent dans un monde parallèle à celui des Aborigènes, dans un entre-soi satisfaisant qui n'éprouve pas le besoin de fréquenter "l'Autre".

Vu de l'extérieur, c'est surprenant, et intéressant d'observer cette soudaine prise de conscience. John est attendrissant dans sa bonne volonté à vouloir réparer le passé, dans ses gaffes et ses impairs, sa façon de prendre les choses à coeur avec une réelle sincérité et de se croire investi d'une mission de rédemption. La première partie du livre est cocasse et touchante, la scène de restitution du crâne est carrément émouvante, avec le juste équilibre entre lyrisme et sobriété. La suite, avec la déprime de John et le pèlerinage sur la tombe de Mary, est moins convaincante, et l'ensemble a une fâcheuse tendance à accumuler les clichés : tous les Aborigènes sont formidables, John, piqué de mysticisme, se convainc, a posteriori, qu'il "a toujours su" qu'il avait un lien particulier avec Mary et que c'était son destin de remplir cette mission, les journalistes sont des vautours et les psychiatres des agents à la solde des Big Pharma, la transformation du père de John de conservateur rigide en quasi-militant ouvert d'esprit est instantanée, et les cacatoès noirs qu'on croyait éteints dans la région réapparaissent soudain.

C'est bien écrit, agréable à lire et instructif sur les traditions aborigènes, une gentille histoire un peu trop sucrée, pleine de bons sentiments et de bonnes intentions, d'humilité et de générosité.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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John Danalis, dans son instabilité professionnelle, décide, à l'aube de la quarantaine, de reprendre des études pour devenir enseignant. Dans son cursus universitaire, il choisit l'option littérature indigène. Tout au fond de lui subsiste, latente, une honte vis-à-vis de l'ignorance et du rejet orchestrés par son monde blanc envers les Aborigènes de ce pays acquis par la force. Une connaissance limitée à quelques clichés, des rapports inexistants sous peine d'être rejeté par sa race et une volonté de les tenir à l'écart, le plus loin possible, résument l'attitude des siens envers les autochtones.
Lorsqu'il explique, en classe, qu'il a vécu 40 ans avec un crâne aborigène dans le salon parental, un crâne qui fut baptisé Mary mais qui se révéla finalement être celui d'un homme, il suscite incrédulité, horreur, dégoût. Il réalise alors que dans sa famille, l'Aborigène est au même stade que le kangourou ; un emblème indésirable.
Hanté par le regard des autres, il se décide à rechercher le crâne qu'il avait fait cacher afin de ne pas effrayer ses propres filles. L'ayant retrouvé, un sentiment brumeux se profile ; celui de ramener Mary chez lui, sur sa terre. Au nom de la dignité des morts, il réussit à convaincre son père de la nécessité de cette restitution.

Lors de la rédaction de ce récit, la honte refait surface alors qu'il se doit de poser sur le papier tous les stéréotypes affreusement et injustement négatifs que les siens attribuaient à ce peuple noir, dans leurs conversations, dans les films d'alors, lourds de préjugés de toutes sortes, dans d'ignobles blagues racistes.
C'est pour lui, subitement, à l'image d'une déflagration, la douloureuse mise en lumière du racisme. Les informations qu'il avait sur ce peuple indigène se cantonnaient à consolider la peur qu'il fallait en avoir, donc la haine, en ne montrant que leur côté coléreux face à l'injustice dont ils étaient bel et bien victimes dans leur propre pays.

La cérémonie de restitution de Mary est émouvante et ne peut qu'ébranler la pauvreté de notre monde moderne face à une si belle et totale humanité. Comment ne pas ressentir de la honte et du dégoût face à l'occultation, sans aucun scrupule, de l'importance que revêt pour ce peuple le fait que leurs ancêtres doivent demeurer au pays ? le colonisateur désire la terre pour satisfaire sa soif de conquêtes mais n'y éprouve aucun attachement profond comme ce peuple bien plus proche de la nature.
Au-delà de la cérémonie pour réparer cette profanation des restes de personnes qui avaient autant le droit, si ce n'est plus, de reposer dignement dans leurs terres, c'est un fil lancé entre deux peuples dont les premières interactions furent immédiatement haineuses, racistes.
L'auteur a désiré aller plus loin, a voulu creuser dans l'histoire de cette colonisation. Ce fut le constat de l'abomination du vol de bébés aborigènes pendant des décennies, des sites funéraires mis à nus pour effectuer des travaux d'irrigation ou de voirie, des dépouilles stockées dans des cartons poussiéreux remisés dans d'innombrables musées sous prétexte de recherches inexistantes, de la destruction des arbres qui constituaient l'habitat du cacatoès noir d'où la raréfaction de cet oiseau…
Il déplore la facilité de mettre des étiquettes sur des hommes, des coutumes, sans creuser plus avant dans leurs motivations bien plus belles, plus humaines et plus respectueuses que bon nombre de nos comportements dits civilisés. C'est finalement la pauvreté de notre vie qui éclatera aux yeux de John Danalis. L'homme blanc est fort pour juger que sa culture est celle qui doit être appliquée, tout en écrasant et profanant celle des autres.

On respire dans ce récit les senteurs de myrte citronné et d'eucalyptus, tout en cherchant des yeux les plumes rouges du cacatoès noir qui nous pousse son cri de défi « Karak, Karak ! » Cet oiseau agira comme messager, guidera notre narrateur pour lui ouvrir les portes de ce monde aborigène qui le bouleversera jusqu'à l'extrême.
Ce récit suscite aussi une profonde réflexion sur l'absence de rites et de totems étroitement liés à la nature de notre civilisation qui pourraient pourtant apporter une plus belle harmonie de vie et surtout un respect plus profitable à la terre qui nous héberge.
Il y a des passages particulièrement chargés d'émotions, dans l'évolution de l'opinion du père, dans le soulagement manifesté par la mère, mais aussi dans la simplicité et la générosité des Aborigènes contemporains. Ils font monter la larme à l'oeil.

C'est un récit d'une très grande franchise, empli d'humilité. Je remercie vivement Babelio pour cette proposition de Masse Critique privilégiée ainsi que les Editions Marchialy pour leur magnifique ouvrage édité avec un si grand soin.
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critiques presse (1)
LaCroix
16 avril 2021
John Danalis nous livre un incroyable récit : celui d’un Australien décidé à restituer un crâne aborigène à sa tribu. Un voyage vers une culture qui lui est méconnue, vers d’autres manières de penser, croire, vivre.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Les images négatives véhiculées par notre langue remontent à des siècles : noire est la nuit, noire est mon âme, noir de charbon, fureur noire, cœur noir. Pour un garçon blanc élevé dans la sécurité des banlieues pavillonnaires des années 1970, « noir » évoquait les tambours de guerre indigènes dans les films de Tarzan du samedi après-midi. Il signifiait marmites cannibales, femmes missionnaires blanches violées, lances transperçant le dos sans méfiance de nobles explorateurs. Il signifiait vaudou, têtes réduites, sorciers et armées inépuisables de guerriers zoulous fanatiques. Enfant, j’ai été pourchassé le long des pistes de brousse de mon imagination par tous les clichés noirs possibles et imaginables : un Frankenstein négroïde cousu à grands points au double fil de Hollywood et des Boy’s Own Annuals, ces magazines d’aventures destinés aux jeunes garçons. Africains, Caribéens, insulaires du détroit de Torres et Aborigènes australiens : tous étaient passés au goudron du même pinceau satanique. Le noir restait noir, et même – m’avait-on prévenu – sous un costume de ville ou une blouse de médecin se tenait un lanceur de sagaie prêt à bondir ! Alors que je tape ces souvenirs sur mon clavier d’ordinateur, je frémis devant le caractère monstrueusement offensant de ces stéréotypes. En fait, j’ai du mal à croire que je suis réellement en train d’écrire ça.
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J'ai appris qu'il était acceptable de s'émerveiller de l'Aborigène dans son milieu naturel-de préférence dans le coin le plus reculé d'un désert lointain- (...)

À l'image du kangourou - emblème à l'état sauvage, mais indésirable dans notre pâturage -, le contact avec le monde aborigène avait tendance à perturber notre idée de l'ordre des choses. Les indigènes ébranlaient les clôtures bien ordonnées de notre logique : ils bousculaient nos esprits empiriques. Car leur esprit collectif ressemblait à un mystérieux entrepôt regorgeant de ce que le monde moderne considérait comme un galimatias de superstitions et de connaissances superflues. C'est seulement maintenant que nous nous éveillons à la compréhension que cet entrepôt vieux de 60 000 ans contient des réponses aux questions que nous avons à peine commencé à nous poser. Et les gardiens de cet entrepôt possédaient une joyeuse aptitude à vivre dans l'instant qui nous déroutait et nous agaçait diablement. Mais évidemment, notre plus grosse "bête noire"...c'était la couleur de leur peau. (p. 21)
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"t'es au courant des écorces qui ont été amenées d'Angleterre, Gary t'en a déjà parlé ? (...)
"Ouais, je me souviens d'avoir lu quelque chose là-dessus. Vous avez intenté une action en justice contre le British Museum et le musée de Melbourne pour tenter de les garder ici, en Australie.
-C'est ça."
Jason était ravi que je sois au courant.
"Bon, imagine, elles arrivent pour une exposition, prêtées par le British Museum, et pour nous, c'est le choc ! On ne savait même pas que ce type de gravure sur écorce faisait partie de notre patrimoine. Parce que, après nous avoir tous chassés de notre terre, nous les Koori, ils ont abattu tous les grands vieux arbres, y compris ceux qui étaient gravés. Ces écorces sont les dernières qui restent au monde.Tous, on ignorait qu'on savait faire ça, c'était un savoir perdu. Et bon, soudain, voilà que les jeunes se mettent à étudier ces écorces de très près, à essayer de lire les symboles, à essayer de retrouver quels outils ils utilisaient, et du jour au lendemain, nous voilà tous en train de graver des écorces comme des fous, on a fait une exposition, on retrouvait nos racines !"
J'ai regardé Jason et vu que la lumière était revenue dans ses yeux. Nous sommes restés quelques minutes en silence; on en dit parfois tellement plus en se taisant. (p. 198)
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Nous avons décollé, laissant derrière nous la côte verte pour franchir la Cordillère australienne et rejoindre les vastes plaines brunes de l’ouest du Queensland. À une altitude de 5 000 pieds, les cours d’eau tortueux et les taches formées par la végétation en pointillé ressemblaient aux peintures aborigènes que ma grand-mère m’avait montrées dans des livres. Il me paraît encore incroyable que ces gens rivés à la terre aient pu peindre le paysage comme vu par un aigle planant sur les plus hauts courants ascendants.
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Avez-vous déjà lâché une phrase dans une conversation et, une nanoseconde plus tard, regretté de ne pas avoir fermé votre clapet ? Eh bien, voilà comment mon secret de famille a été éventé. Et une fois exposé, il est resté là, aux yeux de tous, comme une méduse bleue phosphorescente échouée après une marée géante, coincée entre l’éclat du soleil et celui du sable, regrettant de ne pouvoir retourner se fondre en tremblotant dans l’océan et disparaître à nouveau furtivement dans les profondeurs abyssales des secrets.
(Incipit)
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"L'appel du cacatoes noir" de John Danalis chroniqué par Marianne
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