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EAN : 9782290362341
224 pages
J'ai lu (09/02/2022)
3.46/5   79 notes
Résumé :
« Le manuel de l’esclavage, c’est un peu la Convention de Genève du djihadisme, écrite par une génération qui croit vivre dans l’Arabie du viie siècle tout en regardant Game of Thrones, où les scènes de bordels servent d’intermèdes aux décapitations… Esclave de douze maîtres, vendue et revendue de Qaraqosh en Irak à Raqqa en Syrie, l’histoire de Marie dessine la géographie de l’État islamique. Et sa théologie : tous les péchés des hommes se sont incarnés dans son co... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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La quatrième de couverture annonce que Sara Daniel est journaliste et Benoît Kanabus est chercheur, sans davantage de précision. de ce fait, j'ai été gênée tout au long de livre par le statut du « je » narrateur qui n'est jamais clairement défini, pas même par une note en début ou en fin d'ouvrage.

L'autre point qui m'a beaucoup gênée, surtout au départ, est le choix d'une écriture très travaillée, très littéraire. Cela m'a donné une impression de lyrisme que j'ai trouvée inadaptée au propos. En lisant une enquête ou un témoignage, j'attends plutôt des faits objectifs, et des commentaires d'impression du/de la journaliste (ce que j'ai pu trouver, si mes souvenirs sont fidèles, dans « les Passeurs de livres de Daraya » de Delphine Minoui – même si le lyrisme n'en est sans doute pas totalement exempt).

J'ai apprécié l'élargissement opéré par les auteurs concernant leur thème. le titre annonce le témoignage d'une femme (chrétienne) qui a été l'esclave sexuelle de Daesh, mais les auteurs expliquent assez largement le contexte de la situation des Chrétiens en Irak depuis, en particulier, l'intervention des Etats-Unis dans les années 1990, évoquant même par intermède des contes ou mythes plus ou moins bibliques pour illustrer la présence très ancienne de cette population dans cette zone géographique. Sont dressés les portraits de quelques membres de Daesh ou des opportunistes voyant des moyens de se faire de l'argent en les servant (gestion de biens spoliés, proxénétisme officiel etc.). Bien entendu nous est racontée l'histoire de Marie, la « putain » du titre, et de sa famille, avant, pendant et après cet épisode noir de sa vie qui a duré deux ans, où elle a été revendue de multiples fois et a été transbahutée dans tout le califat. Les auteurs entrecoupent ces étapes par le témoignage de ce qu'ils ont eux-mêmes vu et vécu dans les lieux où Marie se trouvait, élargissant le contexte de sa situation. Cette multiplicité d'éclairages est organisée de façon assez complexe selon moi (aller-retour entre les époques et les thèmes plusieurs fois) et a eu tendance parfois à me perdre, j'ai par moment eu du mal à suivre le fil conducteur même si chaque partie est globalement intéressante.

La fin de l'ouvrage liste des réflexions bibliographiques et des notes mentionnant des témoignages parus dans d'autres ouvrages qui ont inspiré des dialogues écrits dans celui-ci. Ce dernier point, en plus du « je » non défini, du lyrisme lié à l'écriture et de la structure narrative éclatée, rajoute à mon malaise concernant le statut de cette oeuvre : dans quelle mesure est-il documentaire, dans quelle mesure est-il de la fiction ? J'ai le sentiment d'un statut hybride qui me semble un peu desservir le propos n'en étant pas averti, même si, évidemment, on apprend beaucoup de choses sur ce sujet poignant et ces réalités décrites de façon très documentée qui sont absolument épouvantables.
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Que personne ne hurle et me taxe de sans-coeur : la mauvaise note est pour l'écriture et le style et non pas pour le témoignage, bien sûr.
Certes, ce type de témoignage n'est pas unique, il y en a d'autres, d'autres femmes et d'autres guerres ou même ceux des récits d'esclaves yézidies durant la même période, mais ce témoignage est essentiel : pour celle qui a subi tout ça, pour que ça ne soit pas nié, pour qu'elle puisse peu à peu l'appréhender et le dépasser ou plutôt (ré)apprendre de nouveau à vivre (avec) et se reconstruire, pour que tous ceux qui ont participé à ça de près ou de loin ne se sentent jamais à l'abri de la condamnation, n'oublient jamais leur crime et en aient honte toute leur vie, pour que cela ne disparaisse pas dans L Histoire ...
Le témoignage de Marie montre toute l'horreur des hommes qui pervertissent une religion pour satisfaire leur bassesse et laisser s'exprimer au grand jour leur pire caractère. On voit bien la diversité des origines et des motivations d'engagement de ces hommes qui sous couvert d'une cause religieuse finalement ne travaillent que pour eux-mêmes et profitent de la situation pour leur intérêt personnel.
Ce que je regrette et qui explique ma note basse, ce sont les choix narratifs de l'autrice. le style est (très) lourd : trop de choses dans certaines phrases, et parfois le ton adopté est complètement décalé par rapport à la gravité des faits racontés : les élans "poétiques/lyriques" et les phrases trop lourdes et longues desservent le témoignage. de plus, il est interrompu par des interludes à la première personne de l'autrice qui succèdent sans transition au récit à la troisième personne de "Marie", interludes qui n'apportent à mon sens pas toujours grand chose ou diluent le témoignage avec un côté guide-touristique- reportage de guerre: c'est parfois intéressant et enrichissant mais ça tombe comme une cheveu sur la soupe à un moment où le récit de Marie est "intense". Enfin, il y a les grandes envolées sur (ou plutôt contre !) Dieu que je trouve déplacées; le pompon est pour, comme le souligne l'autrice elle-même (mais elle fait quand même), le lien fait entre la Shoah et ce qui est arrivé en prenant comme trait d'union l'inertie divine: cela me semble déplacé et même irrespectueux des religions et des croyants. Ce n'est pas parce que une minorité pervertit le message qu'il faut tout condamner : la religion, la foi etc. le parcours religieux de Marie est d'ailleurs ignoré ou légèrement moqué, l'autrice (athée ? anticléricale ? désabusée en tout cas au niveau religieux) préfère insister sur le code de l'esclavage que Marie utilise pour tenter de se protéger. L'ensemble finit par être confus : on ne sait plus trop ce qu'on lit !
En bref : un témoignage sans fard sur les horreurs de l'Etat islamique, hélas noyé au milieu des interludes antireligieux, les digressions en mode parfois guide historico-touristique et le reportage de guerre, un témoignage fort desservi par un style lourd et maladroit, trop lyrique par rapport aux faits racontés.
(NB : que les auteurs me pardonnent, cette critique n'engage que moi)
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C'est un témoignage très dur et émouvant que je viens de lire dernièrement.
Les deux auteurs et enquêteurs Sara Daniel et Benoît Kanabus, ont fait une impressionnante collecte de témoignages. Ils ont écrit un livre remarquable qui traite de l'esclavage. Et en particulier celui de l'esclavage sexuel pratiqué par l'État islamique dans différents pays d'Orient.
Merci à ces deux auteurs qui ont mis de la forme et du style à la rédaction de leur livre, pour ne pas nous livrer un témoignage trop brut et trop âpre, même si cette histoire vécue soit des plus bouleversantes.

C'est l'histoire de Marie (un pseudo donné), une chrétienne et fille du sacristain d'une église quelque part en Irak, qui a vécu un enfer. Elle fut vendue comme esclave sexuelle à plusieurs djihadistes. Des illuminés qui veuillent rétablir « le Califat ».
Et il est vrai qu'avec sa chevelure blonde, Marie fût la convoitise de tous ces barbares en rut.

Marie a donc passé deux ans, enfermée dans des chambres parfois insalubres, isolée du monde. Sa seule utilité était de satisfaire les besoins sexuels et les pulsions violentes de ses différents maîtres névrosés.
Marie fut donc maltraitée, battue, martyrisée, torturée et violée.

Bien sûr ce n'est que la version de Marie, qu'un témoignage parmi tant d'autres femmes, mais en le recoupant avec d'autres témoignages, nous sommes horrifiés par toute cette violence et cette horreur. le récit devient terriblement crédible.
Les auteurs qui ont choisi une chrétienne, parlent aussi du sort de tous ces chrétiens qui vivent en pays musulmans. Des chrétiens qu'on pille, qu'on assassine et massacre, devant l'indifférence la plus complète de l'Occident.
Mais chut… !
Ce trafic sexuel et ce trafic d'humains ne sont pas malheureusement destinés pour les seuls chrétiens. Des femmes, des hommes et des enfants d'origine divers, vivent aujourd'hui ce martyre à travers le monde.
Les guerres ont toujours été sales, car elles ont toujours drainé, des exactions, des règlements de comptes, des meurtres impunis, des viols en tout genre.
Le plus effrayant pour moi, c'est de savoir que les ravisseurs de Marie, ses cogneurs et ses violeurs se révèlent être d'un sadisme inouï. Alors que tous ces hommes se vantent d'être « des purs » en suivant rigoureusement le vrai enseignement de leur Prophète.

J'ignore si Marie se remettra de son malheur et de ses immenses blessures.
Aujourd'hui, des chirurgiens s'affairent à lui réparer le corps, l'oeil, la jambe et surtout ses organes génitaux.
Aujourd'hui, j'ai mal pour Marie et pour bien d'autres jeunes femmes aussi.
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Inutile de ressasser ce qui s'est déjà dit ailleurs à propos du récit que nous livrent Benoît Kanabus et Sara Daniel dans "La putain du califat".
Autant prévenir: si j'avais quelques représentations de l'esclavage sexuel véhiculés par un certain imaginaire collectif (via le cinéma et la littérature noire, notamment) et par des bribes d'histoires "vraies" relatées ça et là sur la Toile notamment, je n'imaginais pas lire un jour pareil témoignage, porté conjointement par un philosophe belge qui a vécu l'expérience de l'Irak, et par une journaliste française spécialiste du Moyen Orient.
Je tiens à saluer le tour de force des auteurs: dans un texte extrêmement soigné, parfaitement informé, ils nous présentent ce qui m'est apparu comme étant le long, lancinant et parfois désespéré cri de Marie, chrétienne, vendue et échangée comme esclave sexuelle par (et de) l'État islamique, abusée, maltraitée, durant deux années, jusqu'à vivre la douloureuse expérience de la mise à l'écart par ses proches...
Le choix d'écriture assumé par B. Kanabus et S. Daniel est résolument littéraire. Cette apparente "fictionnalisation" du parcours de Marie a permis au lecteur que je suis de prendre une certaine distance, et rend au témoignage une épaisseur qui dépasse de loin la simple relation des faits.
C'est aussi ce geste littéraire qui permet aux auteurs de se positionner par rapport aux exactions de l'État islamique, en questionnant le réel, mais en laissant aussi le lecteur libre de penser un certain rapport au religieux, au pouvoir, à la femme.
Qui, aujourd'hui, à l'Ouest, oserait se lever pour offrir aux "Marie" une vie libre et pour poursuivre de manière systématique ces hommes (et femmes aussi) qui se sont livrés (et se livrent) à une telle entreprise de déshumanisation?
Un récit glaçant, mais essentiel.
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J'ai kiffé, le fait que ce soit comme une espèce d'interview ou on se positionne du point de vue de la journaliste. ainsi, quel aussi nous émet ces questionnement vise à vie de cet entretien aussi.

Nous remettre le contexte géopolitique de cet zone, et pourquoi les chrétien sont-ils persécute. Mais ce sujet ne fait pas assez de bruits, on nous parle des yezedie. Les chrétienne sont considéré comme rare.

J'ai apprécié le livre, assez violent mais elle laisse un voile pudique sur les agissement. elle ne nous détaille pas les violes, les coups.

elle nous signale qu'il en a eu sans rentré trop dans l'intimité de Marie, je ne pense pas qu'elle aurait voulu que sont témoignage soit récit de cette manière.

Marie est très réaliste et mature ce qui lui est arrivé sans jamais éprouvé de haine pour ces agresseurs ou même les membres de sa famille qui ont été odieux avec elle. elle les comprends, c'est énervant.

Elle revient de captivité, la première chose qu'on lui demande avec combien de partenaire as-tu eu des relations ?

Je suis heureuse qu'elle quitte l'Irak, mais on sent que c'est une femme détruite qui se sent seule, désespérément seule. J'espère qu'elle sortira de cette mouvance et rencontrera le prince qu'elle cherche tant.
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critiques presse (1)
Bibliobs
04 janvier 2021
Dans « la Putain du califat », qui paraît le 6 janvier, notre journaliste Sara Daniel raconte, avec Benoît Kanabus, la descente aux enfers d’une Irakienne qui, pendant deux ans, a été prisonnière à Mossoul et Raqqa.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Un air froid et métallique masque ce matin l’odeur des abats et des égouts. La rumeur des voitures qui empruntent au loin la route de Qaraqosh s’est tue. On n’entend pas non plus les vieilles chuchoter le secret des autres devant l’épicerie, ni le cri de la volaille de basse-cour dont la puanteur m’avait fait vomir. Un ciel de cristal rare a dévoré la plaine et les bruits ; il neige à Khidir.

Retranché derrière ses murs au sommet d’un tell, le monastère Saint-Behnam domine avec plus d’insolence que d’habitude le village dissous dans une brume laiteuse. Il n’a pas toujours eu l’aspect d’une forteresse : il a fallu pour ça qu’un architecte de l’époque de Saddam Hussein lui inflige une carapace de béton. Le père de Marie avait conservé dans une boîte à chaussures des photographies du monastère du temps de son propre père. Cette boîte s’est perdue pendant la guerre, m’a-t-elle dit, la dernière ou une autre, en même temps que les chaussures de ceux qui sautaient sur les mines. J’imagine que cette collection devait ressembler aux planches publiées par l’archéologue allemand Conrad Preusser dans les dernières années de l’Empire ottoman, ou par le diplomate britannique Harry Charles Luke. J’ai aussi retrouvé un panorama hallucinatoire de Gertrude Bell, cette amie de Lawrence d’Arabie qui tenait le crayon lorsque les Anglais tracèrent les frontières de l’Irak quelques années plus tard. Je devrais l’envoyer à Marie. Les murs étaient alors enduits d’une chaux amande se mélangeant au paysage de collines basses qui donnent un peu de vie à la plaine de Ninive. Le mausolée de Behnam et Sarah dévoilait de longues briques dont on devinait à peine la couleur rose sous les vents de sable collés. Ce matin le béton qui a couvert cette pureté primitive est recouvert de neige, et le monastère est presque beau à nouveau.
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"Tempête du désert", c'est d'ailleurs de nom que les Américains ont donné à leur guerre. George Bush père a appelé les Kurdes du Nord et les chiites du Sud à se soulever contre Saddam. Seulement il n'a pas tardé à comprendre que le pays risquait d'éclater sous l'effet des insurrections ethniques et confessionnelles qu'il était en train d'encourager.
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C’est ainsi : dans les légendes chrétiennes, les femmes sont des saintes qui meurent encornées par des taureaux ou ravagées par des lions dans des arènes, éventrées par des barbares ou égorgées par leur père, mais elles ne sont jamais violées et malheureuses, et elles ne demandent jamais qu’on les aime et qu’on les protège
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.... son histoire, dessinait la géographie de l'État islamique. Et sa théologie : tous les péchés des hommes se sont incarnés dans son corps de femme
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"La tête de la femme, c'est la vulve de son vagin", dit l'imam Abou Ishaq al-Houini
(p. 158)
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Video de Sara Daniel (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sara Daniel
Des chars volés à l'armée russe, des civils soulevant des mines à la main ou fabriquant des cocktails Molotov… Dans la presse, le courage des Ukrainiens laisse humbles ceux qui sont loin de la guerre. Mais pourquoi a-t-on besoin de se dire qu'ils sont courageux ? Est-ce tout ce qu'ils nous reste quand nous sommes impuissants ? Faut-il une guerre pour devenir courageux ?
Pour répondre à ces question Guillaume Erner reçoit le philosophe Marc Crépon, le grand reporter Sara Daniel et l'historien Nicolas Offenstadt.
#ukraine #conflit #franceculture _____________
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