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sur 723 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
CHEF D'OEUVRE !


Alors les amis, j'en ai lu des OLNI dans ma vie. Je les cultive, même. Mais des comme ça, jamais !


Débordant d'inspiration créatrice qu'on ne pensait peut-être pas possible en littérature, DANIELEWSKI prouve qu'on peut toujours créer de nouvelles DIMENSIONS littéraires. Un roman bâti comme une ILLUSION. Une prouesse.


### NOTE DE L'ÉDITEUR DE CETTE CRITIQUE : L'auteure supposée de la présente critique ayant été retrouvée morte la tête sur son clavier, un pot de verni violet renversé à côté d'elle et des griffures sur le parquet autour, nous avons récupéré ce fichier word sur lequel elle travaillait. Nous l'avons enrichi des notes et commentaires figurant sur des post-it que nous avons trouvé à côté, frénétiquement remplis d'une écriture qui, pourtant, ne semblait pas être la sienne. Ces apports et renvois seront signalé d'une [*].
Attention, certaines de ces notes n'étaient plus intégralement lisibles, comme si des griffes avaient lacéré le papier à certains endroits. Elles seront reproduites en l'état et signalée par des KKK.
Enfin, nous avons conservé la typographie et ce qui semblait être des coquilles, n'ayant pu demander à l'auteure si c'en était réellement… #


Le pitch commence comme un roman fantastique standard : Un photoreporter renommé, Navidson, sa femme Karen et ses deux enfants (Chad et DAISY) emménagent dans une MAISON… capricieuse. Un jour, une nouvelle PIECE apparaît qui crée la stupeur. Bientôt, un MUR se décale, une PORTE apparaît qui donne sur un COULOIR et, horreur suprême, celui-ci change de volume à mesure qu'on ME PÉNÈTRE… Pire encore, des GÉMISSEMENTS semblent provenir des PROFONDEURS de cette MAISON qui devient, très vite, LABYRINTHIQUE pour qui franchit certains SEUILS. [*]


[* le SURMOI veille au maintien des refoulements des pulsions dans le ça. KK est issu des apprentissages durant l'ENFANCE, période de dépendance de l'humain avant son autonomie. KK se forme avec l'intériorisation des interdits, et notamment le principal qui structure la vie humaine : l'interdit dKKKKKKKKK.]


Passé la surprise, et tous les efforts pour rationaliser la chose, Navidson l'aventurier organise une exploration avec des professionnels (alpinistes notamment), tandis que, derrière le sourire de FACADE qu'elle a façonné devant son MIROIR de poche lorsqu'elle était plus jeune, Karen SOMBRE dans la peur panique de découvrir ce que CACHE cette maison, et tente désespérément de convaincre le personnage de Navi de regarder ailleurs. Leur expédition est filmée et sera diffusée et visionnée dans un premier temps dans un cercle restreint, puis copieusement commentée, décryptée, tout le monde tentant de discerner le vrai du faux, de comprendre ce phénomène scientifique ou paranormal. La MAISON vient-elle d'une FAILLE spacio-temporelle ? Grandit-elle en fonction des peurs de ceux qui y pénètrent ? Est-ce un trucage ? Est-on dans un roman d'horreur, ou fantastique ou psychologique ? Ou bien plus encore ?? Toutes les théories sont envisageables en littérature, c'est cela qui est formidable et maintiendra votre curiosité.


Mais évidemment, « c'est là que les emmerdes ont commencé ».


Tout d'abord, en tant que lecteur futur HABITANT de cette maison DE feuilles, je vous conseille de la visiter sommairement avant de l'entamer. Familiarisez-vous avec sa STRUCTURE, ses différentes ENTRÉES, ses PIÈCES et ses ANNEXES au bout du couloir, heu en fin d'ouvrage. Car nombre de renvois vont sans arrêt tenter de vous faire PERDRE le FILs de votre lecture, afin de vous faire comprendre la désorientation des personnages. C'est la première magie de ce livre : l'expérience immersive. [*]


[* in : https://www.babelio.com/auteur/Mark-Z-Danielewski/9257/citations/2794066 ]


Ensuite, pour vous perdre ou vous aider un peu plus, et vous faire ressentir ce que c'est que d'explorer quelque chose d'EXPONENTIEL, ce livre comporte différents niveaux de lecture :


« Ceux qui explorent le labyrinthe, et dont le champ de vision est restreint et fragmenté, sont désorientés, tandis que ceux qui contemplent le labyrinthe, que ce soit en le surplombant ou l'étudiant sur plan, sont émerveillés par sa complexité. »


1/ Premièrement la description, dans un style très journalistique, de ce que montrent les vidéo des explorations. C'est grosso modo ce que vous ressentez en regardant le célèbre Projet Blair Witch.


2/ Puis les notes et commentaires qu'a pris Zampano, un vieillard aveugle (un aveugle qui mate un film et l'annote, sérieux ?), sur ce film. Il nous apporte de solides références culturelles et des RÉFEXIONS (!) sur le contenu du film, le message qu'il véhicule et, surtout, la vie de ses personnages. Mais ce vieillard est mort, ce qui nous amène au troisième niveau de lecture.


3/ Les notes et commentaires d'un jeune homme oscillant en permanence entre DÉLIRE psychotique et delirium tremens, ayant découvert les notes du vieil aveugle décédé, qu'il commente à son tour ! Son style est particulièrement PERCHÉ. Ses récits relèvent du vomi de pensée les lendemains de fête. Mais il nous met la puce à l'oreille, ce dénommé JOHNNY ERRAND, parce qu'on se demande en quoi son récit sert l'histoire. Pourquoi on nous raconte sa vie de fêtard, quel rapport avec une maison qui semble paranormale ? Nous ne pouvons décrocher nos yeux de sa loghorrée fascinante. Car ses incompréhensibles péripéties, d'apparence sans queue ni tête, finissent par laisser entrevoir une histoire dans l'histoire… Il est principalement cité en notes de bas de pages, mais celles-ci s'immiscent dans l'histoire principale et entre les gloses de Zampano, elles enflent jusqu'à prendre toute une partie des pages normales ; Son récit, c'est sûr, se mêle à l'histoire principale autant qu'elle nous en détourne. [*]


[* le ÇA KKKKKKKKK réservoir libidinal, le siège des pulsions (dans lesquelles vont puiser le surmoi et le moi). Une partie du ça est HÉRÉDITAIRE, innée, une autre partie est acquise, issue des REFOULEMENTS KKKKKKKKKK ]


Après je voulais vous raconter un truc mais, malheureusement, je me suis réveillée dans la voiture. le pare-brise était pété, comme moi, Chou avait disparu, sa ceinture était coupée, maculée de sang. Comme moi. Comme le monde ne cessait de tourner à tout vitesse avec le temps, j'ai cligné des yeux mais cette boule en moi ne disparaissait pas. Pour la faire disparaître, j'ai tendu le bras vers la boîte à gant où je planque toujours une fiole de Jack Daniel's, mais je ne trouvais qu'un couteau à cran d'arrêt ensanglanté et mes allumettes de chez DAYSINN et ce putain de MIROIR de poche, dans lequel je m'entraine chaque jour à faire croire que TOUT VA BIEN !!!!! Et là j'ai commencé à voir rouge, REDWOOD, des images de mon père se superposaient à tout ce merdier et tout les chats et chiens de mon enfance me léchaient les joues et la bouche, et cette odeur dégueulasse qui me retournait l'estomac, qui vient toujours de moi, sur moi, partout autour, alors j'ai pris une pilule jaune fluo qui m'a aidé à y voir clair, choppé mon Pelikan favori et pris des notes je ne sais plus où pour me rappeler ce que je voulais vous dire. Sauf que là tout de suite je m'en rappelle plus. ECG plat. BIIIIIIIIIIIP. [*]


[*] Les personnes atteintes de trouble de personnalités multiples ont plusieurs identités et des trous de mémoire sur les événements de tous les jours, les informations personnelles importantes et les événements traumatiques ou stressants, ainsi que beaucoup d'autres symptômes, y compris la dépression et l'anxiété. mrkrnje KKKKKK


4/ En plus de tout ça, vous trouverez comme annoncé, en fin d'ouvrage, en ANNEXES de cette MAISON-livre, un tas de PIÈCES comme un TRÉSOR, sensées avoir été découvertes par Zampano ou encore ajoutées par J.E.


Par un JEU incessant de renvois, ces PIÈCES font le lien entre les différents récits. Elles sont les pièces manquantes du PUZZLE pour lier les bouts que nous avons déjà assemblés. On y trouve : les LETTRES d'une mère internée dont la vie présente des similitudes avec un autre personnage des récits [*], ainsi que des possibles liens avec JE et de JE avec l'auteur lui-même ; des poèmes d'un mystérieux Pelikan, des textes à décoder, des photos, des images à regarder attentivement et d'autres moins, etc…


[* KKK MOI est l'agent de liaison entre les différents instances et le pôle de la réalité. Il se construit par adaptation au réel, et en instaurant des moyens de DÉFENSE pour éviter les sources de déplaisir issu du contact entre l'énergie pulsionnelle et la RÉALITÉ extérieure. ]


« Nous inventons tous des histoires pour nous protéger. » Eh ben laissez-moi vous dire que là, on tient une carapace en titane !


Ce qui nous amène à un point crucial de cette lecture : Comment faire la différence entre les informations importantes et les autres ? Rien de mieux qu'un mode d'emploi extrait du livre pour y répondre : Il s'applique à l'exploration du labyrinthe, mais comme on explore un labyrinthe de pensées, elle DEMEURE pertinente [*]. Sinon mon meilleur conseil : lisez comme vous voulez et ECLATEZ-VOUS !


[* in : https://www.babelio.com/auteur/Mark-Z-Danielewski/9257/citations/2791171 ]


L'ensemble est foisonnant et LES PERSONNALITÉS MULTIPLES. Les explications de Zampano sur le film semblent pouvoir aussi expliquer des bouts de la vie d'autres personnages comme Johnny où la mère internée. D'autres passages, notes, pièces semblent abscons… Mais plus on avance, plus des portes s'ouvrent entre les informations et un (ou des ?) schéma se profile… le point commun à tous les perso est-il la maison qui les a affectés ? Ou ce qui les lie est ailleurs, plus profond ? Dès lors, vous voudrez RÉSOUDRE L'ÉNIGME de la maison-labyrinthe, car l'auteur vous fera douter et vous questionner jusqu'à la fin : Roman PROTÉIFORME et MOUVANT, il s'adapte au DÉDALE de vos déductions pour devenir aussi énorme que la somme de vos suppositions, errances, voltes-faces et enjambées. En fil d'Ariane, mes post-it sur lesquels revenir en cas de doute sur le chemin à prendre. Car ce roman lui-même est CONSTRUIT comme un labyrinthe.


(Note à moi-même : Penser à retrouver un dénommé Chou…) (TROUVER COMMENT MASQUER CETTE ODEUUUUUR !!! ) (Et penser à CODER cette critique sinon ils vont ù$krn€$KRN$$@krn)


Pour que vous viviez l'expérience de sauter d'une pièce à l'autre, en ayant l'impression Que l'histoire que vous venez de lire est bien plUs grande que le nombre de pages que vous avez lu, l'auteur joue des pièces et annexes qu'il vous fait vIsiter au gré de ses notes de bas de page ; et pour vous faire emprunter un couloir puis revenir sur vos pas, vous perdre dans les méandres du labyrinthe comme ses personnages, pour lE vivre avec eux, il vouS renvoie à une note dans la marge qui se poursuiT page suivante, puis sur une dizaine de pages, achevant sur un autre renvoi à une note… que vous trouverez sur la colonne de droite de la page d'à côté, écrite à l'envers, si bien qu'une fois que vous avez tourné le livre pour la lire dans le bon sens, autant dire faire un demi tour pour revenir sur vos pas, vous poursuivez de pages en pages Jusqu'à revenir au paragraphe de l'histoire que vous aviez quitté avant la première note de bas de pagE.


???
(ceux qui se demandent pourquoi j'ai mis 3 ??? ont loupé quelque chose : revenez sur vos pas !!!)


Aussi, visuellement, la double page de la maison représente bien le plan du labyrinthe qu'il décrit : un couloir au milieu, des entrées à gauche et à droite qui donnent sur des passages plus ou moins secrets d'une efficacité douteuse, qui vous ramènent souvent à votre point de départ s'il ne parviennent pas à vous égarer entre temps ! Et parfois même des trouées spacio-temporelles au milieu, qui semblent vous faire avancer plus vite mais vous obligent toujours à reculer pour mieux sauter dans la suivante. Si, à un moment donné, par exemple autour des pages 140-150 de mémoire, vous vous retrouvez paumés, à ne plus savoir où vous en êtes à force de jongler entre les multiples entrées de cette lecture, vous repenserez à ce que j'essaye de vous expliquer. A ce moment-là, vous serez probablement exactement où l'auteur voulait vous amener [*].


[* in : https://www.babelio.com/auteur/Mark-Z-Danielewski/9257/citations/2794066 ]


Mais le génie de l'auteur n'est pas seulement d'accorder la forme au fond, ni d'être un puits de références, ni de savoir si bien changer de style en fonction des personnages. Son génie est d'arriver à jouer avec nous, en plaçant toutes les informations au bon endroit. Pire, il est lisible dans n'importe quel sens (mais je vous conseille de lire le livre en suivant ses indications, même s'il peut se lire aussi différemment, cf la critique de Chou_dOnee^^ [*]).


[* in : lien en fin de critique. ]


[Bon SANG mais QUI est Chou ??????????]


Au total, l'auteur s'inspire de beaucoup de choses, dont notamment :
. le LIEN HYPERTEXTE, ou le syndrome du Quai 9 trois quart : par le jeu des renvois après un mot, on tombe toujours sur une masse d'informations à digérer ; Cette impression est amplifiée par le fait que le mot maison soit toujours écrit en bleu, comme une surbrillance sur laquelle cliquer et derrière laquelle se cache un univers entier comme un monde parallèle ;
. le cinéma en général, et j'y ai retrouvé certains de mes films cultes et notamment, en masqué pour ne pas spoiler : qui m'ont tout de suite orientée vers une théorie - mais je soupçonne l'auteur d'avoir monté une histoire qui, comme la maison, s'adapte à toutes vos autres références (ainsi, comme le test de Rorschach, votre interprétation pourrait bien en dire plus sur vous que sur ce livre...), voire peut-être n'est pas vraiment faite pour qu'on résolve l'énigme :


« Le monde des adultes, toutefois, produit des devinettes d'une variété différente. Elles n'ont pas de réponses et sont souvent qualifiées d'énigmes ou de paradoxes. Mais la trace d'une formulation propre à la devinette corrompt ces questions et fait résonner l'écho de la leçon la plus fondamentale : il doit y avoir une réponse. de là naît le tourment. »


Navidson nous dit bien pourtant que la maison n'est que ce qu'elle est. Mais peut-on lui faire confiance quand tous les personnages nous suggèrent l'inverse (et que l'un des personnages de son histoire s'appelle DELIAL = DÉMENTI !!) ? Nos narrateurs sont aussi peu fiables les uns que les autres, alors lecteur de fantastique ou de thriller pscychologique : il y en pour tous les cerveaux ! Mais c'est tellement bien fait, et je me suis tellement amusée, que pour une fois, moi qui n'aime pas les fins ouvertes, je me disais que ce ne serait pas si grave si, à la fin, l'auteur préférait laisser le lecteur se convaincre d'une explication qui lui convient :


« Ce qu'on voit dépend de l'endroit où l'on se trouve, ce qui fait que, dans le même temps, les labyrinthes sont simples (il n'existe qu'une seule structure physique) et doubles : ils incorporent simultanément l'ordre et le désordre, la clarté la confusion, l'unité et la multiplicité, l'art et le chaos. Ils peuvent être perçus comme un chemin (un passage linéaire mais détourné vers un but) ou comme un motif (un dessin absolument symétrique)... Notre perception des labyrinthes est ainsi intrinsèquement instable : changez de perspective et le labyrinthe semblera changer. »


. c'est aussi un entre le livre dont vous êtes le héros, l'escape game, le rubik's cube et le super cluedo, mais les lecteurs qui n'aiment pas jouer en lisant s'y retrouveront en lisant simplement ;
. et puis des références culturelles et artistiques à gogo que je vous laisse traquer (regardez bien les images dans le livre !!!).


Loin de copier ce dont il s'inspire, DANIELEWKI transcende tout ça, créant une oeuvre à part-entière, unique et au-dessus de tout ce que j'ai lu jusqu'à présent. Ce bouquin a eSsuyé 32 refus avant d'être édité ; Mais c'est peut-être ce qui lui a donné son délicieux côté mille-feuilles ébouriffé aujourd'hui (ah non pardon, ça, c'est les post-it que j'ai collé un peu partout autour en le lisant…), et a contribué à la richesse de sa composition. D'abOrd publié sur internet, il a fait l'objet de plusieurs éditions depuis qui l'ont étoffé. Qui sait, à la prochaine édition on aura peut-être le double de pageS à explorer de nouveau, et on pourra réemployer notre lecture et notre interprétation !


Coup de coeur absolu pour ce roman - et c'est rare.


## L'éditeur tient à préciser qu'à part l'auteure de la critique, aucun animal n'a été maltraité durant les scènes décrites : les chiens et chats n'ont pas été battus ni égorgés, et Chou, le mari, n'a pas été trucidé à coups de couteau de pique-nique : Vous pouvez le retrouver sur la page de sa critique en suivant le lien ci dessous : il l'a écrite de l'ASILE où il est… INTERNE ! ##
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Ils m'ont fait pénétrer dans cette arrière-salle qui ressemblait à une vieille classe d'école désaffectée et qui puait l'humidité, la moisissure.
Ils étaient quatre. Ils ont allumé un feu dans l'âtre. Ils ont commencé à m'interroger.
- Votre nom ?
- Berni_29.
- C'est pas un nom, ça !
- Je tiens à garder l'anonymat.
- Profession ?
- J'écris des chroniques sur Babelio, mais de manière bénévole.
- C'est pas un métier, ça. Nous savons déjà cela. Nous vous suivons depuis plusieurs mois sur ce réseau, ce fameux groupuscule. Vos 617 critiques ont été examinées au peigne fin, elles sont subversives, même celles qui, soi-disant, s'adressent aux enfants. Celui qui m'interrogeait marqua un silence ridicule comme s'il voulait peser le poids d'une sentence implacable. Je ne voyais pas trop bien où il voulait en venir. Vous étiez en possession de ça quand nous vous avons arrêté. Pouvez-vous nous en parler ?
L'un de ses collègues s'est levé et a jeté sur la table devant moi ce livre La Maison des feuilles, d'un certain Mark Z. Danielewski.
- Vous avez cinq minutes pour nous faire un résumé de l'histoire de ce livre, de ce qu'il contient.
- L'histoire, les histoires c'est-à-dire les trois histoires ou bien ce qu'il recèle véritablement ? Ce n'est pareil. Je me mis à rire, d'un rire qu'ils ont sans doute jugé insolent. L'un d'eux agacé s'est levé de son siège pour me gifler.
- Ne jouez pas sur les mots.
- Mais justement, ce livre joue sur les mots, ou je dirai plus précisément : joue avec les mots. Celui qui m'avait giflé s'est encore levé. Son compère l'a retenu par l'épaule. Laisse tomber, Holloway ! On va plutôt examiner de près ce qu'il y a dans ce foutu bouquin qui semble si intéressant.
Ceci n'est pas pour vous, j'ai lancé goguenard.
Ils ont feint de ne pas m'entendre, ils ont ouvert le livre, ont commencé à balayer les pages, l'un d'eux s'est mis à retourner l'ouvrage dans tous les sens, il ne comprenait pas pourquoi le texte lui apparaissait ainsi avec des typographies différentes, des notes de bas de page qui prenaient parfois brusquement le dessus sur le texte principal, des textes à l'envers qui se lisaient en biais ou de bas en haut formant parfois une échelle qui invitait le lecteur à mettre le pied sur les premiers barreaux des phrases pour atteindre...
Mais c'est quoi ce truc ? Sa voix était devenue étrange, résonnait dans la pièce, c'est comme s'il parlait devant un antre béant qui renvoyait sa voix dans un écho distordu. Je ne sais pas ce qu'il lui a pris, il s'est mis à plonger la main dans l'une des pages qui s'ouvrait comme un gouffre, il a continué à tendre la main qui semblait happée et alors j'ai vu cette main disparaître, puis le bras tout entier, il criait il appelait à l'aide ses comparses, son corps vacillait et s'apprêtait à être avalé par les mots, englouti par la page, ses collègues ont crié. Hé Jed ! Ont tenté de le rattraper. Ils étaient trois à essayer de le retenir par le corps par les jambes, ils étaient de piètres pantins devant mon visage mutique. Alors le livre les a avalés tous les quatre, j'ai attendu de voir le pied du dernier disparaître complètement. Alors je me suis levé, j'ai refermé le roman sur eux comme une porte qu'on claque d'un coup. Je me suis approché de l'âtre ou brillaient encore quelques cendres. J'ai pensé à ces mots : Ash Tree Lane, le lieu où résidait cette maison. Et j'y ai jeté le livre. Il est devenu comme un brasier, il est devenu des cendres comme le reste. Alors je suis reparti. Vers d'autres horizons, d'autres rivages, d'autres livres sans doute mais c'est à peu près la même chose car les livres sont des rivages, des horizons impossibles, des brasiers aussi qui nous embrasent.
Si des tortionnaires n'ont pas réussi à me faire dire ce que j'en pensais, alors...
Plus tard les cendres se sont reformées autour d'un livre qui continuera son histoire, je le sais…

La Maison des feuilles est une oeuvre semblable à une matriochka.
On pourrait croire qu'il y a trois histoires dans ce livre : celle de Johnny un apprenti tatoueur qui découvre par hasard une thèse écrite par un vieil homme, un certain Zampanò. Cette thèse porte sur un film documentaire qui est la colonne vertébrale du récit, The Navidson Record.
Les pensées de Johnny figurent en bas de page, et très vite ses pensées débordent sur la thèse de Zampanò, jusqu'à devenir un récit parallèle intercalé qui nous fait souvent perdre le fil de là où nous en étions.
Et puis très vite nous sommes happés par le documentaire qui raconte la vie d'un couple presque ordinaire, Karen Green et Will Navidson et leurs deux enfants Chad et Daisy qui emménagent dans une vieille demeure datant de 1720, en Virginie. Un jour Will découvre par hasard une porte derrière un placard et cette porte donne sur un couloir étrange. C'est le début d'un vertige…
Tandis que commence une expédition pour explorer les antres de cette maison, nous voyons surgir les dessins des enfants Chad et Daisy qui montrent leur peur, ils sont peut-être les seuls êtres vivants de ce livre à être bien réels. Ils se terrent, sont oubliés dans les marges de ce livre.
« La marge, c'est ce qui fait tenir les pages ensemble. », disait Jean-Luc Godard.
Mais il y a une quatrième histoire, la nôtre, lorsque nous sommes en train de lire ce livre. Car ce livre n'est pas comme les autres.
Ce livre ressemble à une énigme par sa forme vertigineuse, ses mises en page, sa typographie changeante, évolutive… Il nous tient, nous prend à la gorge, il nous intrigue, nous séduit, nous résiste… Ce texte dans sa forme devient brusquement aussi vaste que ce que recèle ce couloir sans fin, sans fond. Il est façonné de mises en abymes effroyables qui ouvrent la boîte de Pandore et font entrer dans les pages des figures mythique comme le Minotaure, la baleine de Jonas…
Si l'on avance page après page, on sera perdu... Il faut lâcher prise, accepter d'être perdu, de trébucher…
Le texte se met physiquement à se transformer en ce qu'il raconte.
Je me suis demandé si cette lecture n'était pas un voyage dans les pures ténèbres de l'imaginaire et de la forme, au-delà de ce qui pourrait ne ressembler qu'à un livre. Au bout de quelques pages, j'ai reposé La Maison des feuilles sur ma table de chevet et je savais déjà que ce livre se livrait comme une clef vers un couloir dément qui me conduirait tout droit dans les méandres de ma propre psyché.
J'ai pris peur…
Oui, tout comme cette maison, ce livre est plus vaste à l'intérieur qu'à l'extérieur…
Oui, ce livre est un vrai labyrinthe ou chaque lecteur tentera de trouver sa sortie dans cette complexité qui vient porter le récit.
Mais il y a sans doute autant de façons de lire ce livre qu'il n'y a de lecteurs. Je vous en livre ici quelques-unes :
FAÇON BLAIR WITCH PROJET
- Ça va ?
- …
- Mais tu es où ?
- Là-bas, j'arrive…
- Merde, mais c'est qui alors, c'est qui là à côté de moi, tu es où ? Viens vite ! Putain mais c'est qui là si ce n'est pas toi, là….
FAÇON EDMOND ROSTAND
Descriptif : « C'est un antre ! … c'est une grotte ! … c'est un gouffre ! …
Que dis-je, c'est un gouffre ? … C'est un labyrinthe ! »
FAÇON LA DISPARITION PAR UN CERTAIN G.P.
Voilà un bouquin ahurissant ! Un roman ? Oui.
Quant à sa construction pour finir : imagination ? fiction ? Non, illusion !
Mais soyons clair, tout disparait à la fin, tout disparaît, la maison, nous tous, tout !
La maison fut un amas qui brûla, soudain…
FAÇON MAXIME LE FORESTIER
♫ C'est une maison des feuilles
Accrochée à nos psychés ♪
On y vient à pied, on ne frappe pas ♫
Ce qui vivent là furent avalés♪
FAÇON UN CERTAIN LECTEUR DE BABELIO SPÉCIALISTE DE TOLSTOÏ
Verba sub acumen stili subeant necesse est…
FAÇON CONSULTATION CHEZ LE PSY
- Vous me dites que lorsque vous avez quitté ce livre, vous avez eu l'impression d'être propulsé hors de l'utérus de votre mère.
- C'est cela Docteur.
- Était-ce une sensation douce ou violente ?
- Je ne sais pas Docteur, c'était la première fois.
- Et comment vous vous sentiez dedans.
- Bien, très bien même. Je n'ai qu'une envie, c'est d'y retourner.
FAÇON MISSION IMPOSSIBLE
Votre mission, Berni, si vous l'acceptez, sera de rédiger une critique de ce livre qui puisse être comprise de tous les lecteurs.
Il va de soi que si vous échouiez dans votre mission, vous ne seriez pas couvert par la communauté de Babelio.
Ce livre s'auto-détruira dans les cinq secondes. ♫ Ttt ttt ttt ttt ttt ttt ttt ttt ttt !!! ♫

Il s'agit dans ce livre non pas de célébrer un texte mais son cheminement labyrinthique, ses vertiges, ses limbes, ses fractales.
Au fur et à mesure que j'avançais dans les méandres de ce livre, j'ai eu peur de découvrir le dénouement rationnel qui viendrait sceller définitivement l'histoire comme une porte qui se referme sur le vide abyssal. Au fond, je n'avais qu'une seule peur, c'était de quitter cette lecture, car j'étais habité par ce livre…
La maison des feuilles n'est peut-être rien d'autre qu'une histoire d'amour mal comprise.
« Ne demande jamais ton chemin à quelqu'un qui le connaît, car tu ne pourrais pas t'égarer ! »
Nahman de Braslaw

Dans cette lecture commune, je remercie mes compagnons de route, Sandrine (HundredDreams), Doriane (Yaena), Nicola (NicolaK), Paul (El_Camaleon_Barbudo) et Jean-Michel (Michemuche). Sans eux, je me serais perdu à jamais dans les limbes de ce livre.
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Tout commence par une critique dithyrambique dans un magazine féminin. On annonce un « livre-culte », un livre hors du commun, un livre étrange, déroutant mais « cultissime » ! Et ça, ça nous interpelle !
Alors on va à la librairie, on le trouve dans les rayons, on le prend dans les mains et là, première constatation : il n'est pas comme les autres. Il est lourd, dense, et de forme presque carrée. On le feuillette pour mieux s'imprégner de son contenu et là, c'est la stupeur… On trouve différentes polices, des paragraphes non justifiés, des pages ne contenant qu'un mot au milieu, ou en bas, ou en haut, des mots en couleur bleue (ce n'est qu'à la lecture proprement dite que l'on constatera qu'il n'y a que le mot maison écrit en bleu, comme dans le titre), certaines pages ont même des textes écrits à l'envers, en miroir, des textes encadrés insérés au milieu d'un autre texte…. On se demande alors vraiment si on aura le courage de lire cette « chose ». Et puis on se dit que si les critiques l'ont qualifié de « culte » c'est probablement qu'il faut voir au-delà de l'apparence… Même si le contenant est un peu loufoque, voyons le contenu !
Donc, on l'achète et…..il reste deux mois sur la table de nuit car on n'ose pas l'affronter. Puis, un matin, (ou plutôt un soir), on se sent d'attaque et on ouvre « La maison des feuilles » et on comprend très vite, presque tout de suite, pourquoi tous l'ont couronné et encensé ! On se laisse prendre par sa magie, par sa puissance. Au bout d'à peine quelques pages, on sent déjà bien qu'à la fin de ce livre, on ne sera plus comme avant.
L'histoire qui est le fil conducteur de ce roman (car malgré tout il s'agit bien d'un roman), est très prenante, à la limite de l'angoisse et réveille en nous nos plus anciens cauchemars de maison hantée, de monstres qu'on devine mais qu'on ne voit jamais…Les passages angoissants sont savamment dosés et alternent avec des paragraphes parlant de tout autre chose : il faut mettre son esprit au diapason et ne pas perdre le fil !
Le chapitre sur les labyrinthes est extraordinairement bien construit : on croit se perdre dans les dédales du (ou plutôt des) texte, puis on retrouve une sortie, puis non, c'était une impasse, il faut se replonger dans les couloirs, dans les notes de bas de pages, dans les circonvolutions du livre : c'est un véritable labyrinthe mais aussi un véritable tour de force qu'a accompli là Danielewski et on ne peut éprouver qu'une admiration sans borne, teintée d'une pointe de jalousie, il faut bien l'admettre…Pourquoi n'a-t-on pas un tel génie ?
On comprend aussi qu'il lui ait fallu 12 ans pour l'écrire, et que le traducteur ait pris un tel plaisir à transcrire ce texte.
Il n'y a qu'un mot qui nous vienne à l'esprit, même s'il peut en choquer quelques uns : c'est jouissif !

Pour conclure, je conseille vivement cette expérience à tous ceux qui aiment VRAIMENT les livres !
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Flash spécial, que se passe t'il à Ash Tree Lane ? Notre journaliste michemuche est sur place, que se passe t'il muche ? -Il était à peu près 23heures quand des voisins de cette paisible localité de Virginie ont entendu des grondements venant de la maison de la famille Navidson. Ils ont aperçu des personnes sortant de la dite maison et ont appelé la police pensant avoir affaire à de vulgaires délinquants. -Pardon lieutenant que pouvez-vous dire au sujet cette affaire, -nous avons interpellé quatre personnes complètement bizarres, Caméléon, Yaena, Nicola, Berni, et hundred dream, on pense à une rave party qui aurait mal tourné, ils tiennent des propos complètement hors sol. Caméléon par exemple est tout vert, il convulse en disant sans cesse Delial Delial, ou Berni, je pense que c'est le cerveau du gang
- [ ] f =c/2[(n/L)2+(m/1)2 +(P/H)2]1/2 Hz . pour Yaena, Nicola et hundreddream leurs cas sont inquiétants, elles sont déshydratées et leurs températures corporelles sont descendues très bas ,nous sommes en juillet , et en plus toutes les trois cherchent des allumettes en criant à tue tête Jonnny Zampano ° 1même combat…..
°1
La maison des feuilles est labyrinthique, c'est une expérience dont certains ne reviendront pas, ou si ils reviennent leurs charges mentales sera tel qu'ils risquent de se perdre dans les couloirs de la maison. « Quand des propositions mathématiques se rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines ; quand elles sont certaines, elles ne se rapportent pas à la réalité. » Albert Einstein.
Voilà, j'ai terminé la maison des feuilles de Mark Z Danielewski, ce roman hors norme n'est pas facile, tellement dense, on avance dans le noir, à tâtons, il fait froid, on entend des bruits inquiétants , on cherche des indices .
Finalement je me suis laissé porter, la maison des feuilles c'est comme une baïne, elle vous emporte, on ne peut pas lutter, laissez vous porter et tout ce passera bien. Merci à Paul, Bernard , Doriane notre éclaireuse, Nicola et Sandrine pour cette lecture commune.
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C'est l'histoire d'une famille qui emménage dans une maison, y vit un cauchemar étrange, et filme le tout. En fait, c'est plutôt l'histoire d'un vieux qui a vu le film de la famille qui emménage dans une maison, y a vécu un cauchemar étrange et a filmé le tout, puis a lu toutes les analyses de ce film, a fait ses propres recherches et en a écrit des centaines de pages. Non, c'est pas ça, c'est l'histoire de Johnny, un type un peu fêtard, un peu paumé, à l'esprit torturé, qui tombe sur les notes du vieux qui a écrit au sujet du film de la famille qui a emménagé dans une maison, y a vécu un cauchemar étrange et a filmé le tout. Vous avez suivi ? Non ? C'est normal. « La maison des feuilles » est un roman impossible à résumer, à raconter. le genre de bouquin dont on ne sait pas dire ce qu'il raconte tout en le percevant, au fond de soi, dans le mystère de son propre cerveau reptilien. « La maison des feuilles » est un grand livre.

« La maison des feuilles » emprunte le schéma, déjà sinueux et exigeant, du récit enchâssé, mais celui-là ne ressemble en rien à ceux usant de ce motif narratif que j'ai pu lire avant. Rien de comparable avec « le manuscrit trouvé à Sarragosse » ou « Melmoth ». Les chefs-d'oeuvre précités sont des ouvrages déroutants et exigeants qui demandent au lecteur une implication et de la concentration, mais ces bouquins, tout en adoptant un schéma narratif complexe, racontaient une histoire (ou des histoires) finalement assez classiques dans lesquelles on pouvait retrouver les éléments du monomythe du voyage du héros cher à Campbell. « La maison des feuilles » me semble s'éloigner du monomythe et propose quelque chose de vraiment inédit, tant dans la forme que sur le fond. Je pense que chaque lecteur y verra une histoire différente selon sa personnalité et son vécu. Si le livre aborde, brillamment, une multitude de thèmes, notamment une réflexion passionnante sur l'image, celui qui la fait, celui qui en est le sujet, celui qui la regarde, le sujet principal de « la maison des feuilles » m'est apparu comme étant celui de la confrontation à ses démons intérieurs, à soi-même. Il y a un côté très psychanalytique dans le roman. Mais rien de clinique là-dedans. Malgré la froideur apparente du dispositif narratif, le bouquin s'adressait vraiment à moi. Ce n'est pas la psyché des personnages qui était analysée, disséqué, autopsiée sous la plume de Danielewski, c'était ma propre psyché. Je suis moi-même une hyper-sensible, une âme tourmentée, avec des traumas, des blessures intérieures, des fêlures. Je suis une personne en constante fuite de ses monstres intimes. Lire « la maison des feuilles », voir ses personnages se confronter à leurs démons intérieurs, m'a forcée à interrompre ma fuite. « La maison des feuilles » a placé ces monstres personnels que je fuis depuis très longtemps, devant moi et m'a forcée à les regarder, et ce faisant, à me regarder moi-même. Une expérience très personnelle, très intime, secouante, dérangeante, violente, presque intrusive mais passionnante.

Avec « la maison des feuilles », Danielewski a créé une oeuvre magistrale, exceptionnelle, totalement hors-norme, qui dépasse le cadre littéraire. Il y a trop de livres dont on a dit, de façon abusive, que c'était du jamais vu. Ici, le terme n'est pas galvaudé, vous n'avez jamais lu un livre comme « la maison des feuilles ». Les livres ont toujours un sujet propre à lui-même. le sujet de « la maison des feuilles » c'est son lecteur. En lisant « la maison des feuilles » on se lit soi-même. Ce n'est pas une expérience toujours agréable, elle est parfois même douloureuse mais c'est passionnant.
Finalement, si je devais dire ce que raconte « la maison des feuilles », je dirais que c'est l'histoire d'une personne trimballant pas mal de blessures intérieures qui lit l'histoire de Johnny, un type un peu fêtard, un peu paumé, à l'esprit torturé, qui tombe sur les notes d'un vieux qui a écrit au sujet du film de la famille qui a emménagé dans une maison, y a vécu un cauchemar étrange et a filmé le tout.
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Comment en suis-je venu à lire « La Maison des Feuilles » de Mark Z. Danielewski moi ? QUI n'avait aucune appétence pour ce genre de bouquin ! Tout d'abord ma chérie Onee en a eu envie. C'est normal, c'est elle la défricheuse de trucs bizarres (voir ma mise au supplice avec « Enig Marcheur »). Et pour éviter que je me débine, elle a commandé deux fois ce livre. Une fois pour elle, une fois pour moi. Comme je suis près de mes sous, je ne pouvais pas reculer, j'ai lu.


Mais je n'avais pas envie de paSser mon temps avec des notes de bas de pages tentaculaires, des digressions labyrinthiques, des annexes énigmatiques, etc. J'ai donc proposé à Onee que ma lectUre se ferait au premIer degré c'est-à-dire en liSant l'histoire principale d'un trait, tout de go. A la fin, soit j'aurai épuisé mes ressources de lecteur et mettrai fin à une ennuyeuse épreuve, soit JE continuerai en redémarrant la lecture exclusivement avec les bas de page et l'histoire parallèle qui s'y déroulait.


? Et c'est comme ça que j'ai été accaparé par ce livre.


Prenons tout d'abord mon premier degré de lecture. C'est un univers à la « Blair Witch Project ». Pour ceux qui sont nés après 1999, « le Blair Witch Project » est un film sensé être tiré d'une récupération de cassettes vidéos expliquant la disparition de jeunes vidéastes dans une forêt qu'on dit hantée. On voit les jeunes dans leur progression filmés par eux-mêmes, jusqu'à une scène finale assez flippante dans le sous-sol d'une maison.


Dans la Maison des Feuilles, on va suivre un brillant photoreporter, Will Navidson, qui filme tout ce qui va arriver d'étrange dans la maison où il emménage avec son épouse Karen et leurs deux enfants, Chad et Daisy. le couple bat un peu de l'aile. L'installation dans cette maison doit permettre de le ressouder. Mais ce n'est pas du tout ce qui va arriver. D'étranges portes s'ouvrent sur des couloirs, des vestibules et des escaliers sans fin, dans lesquels Navidson ne souhaite qu'une chose, partir en exploration, alors que Karen, elle, ne veut qu'une chose, qu'il n'y aille pas !


Un ami universitaire, des aventuriers, et le frère de Will vont venir à la rescousse. Les explorations vont prendre un tournant cauchemardesque et dramatique. L'ambiance dans laquelle nous sommes plongés est celle d'un film d'horreur des années 90 à petit budget vraiment angoissant. Les caméras suivent la descente aux enfers sans effets spectaculaires. Mais Will Navidson nous est présenté comme un génie du montage et de l'image.


Ceci n'est que le premier degré vous ais-je dit. Les cassettes vidéos semblent avoir été récupérées et on nous explique qu'elles ont été diffusées auprès du public sous le titre « le Navidson Record ». En outre, un film tourné par Karen uniquement aurait été ajouté aux aventures qui se sont passées dans la maison à proprement parlé. Et ce matériau cinématographique serait devenu une mine d'or pour tout un tas d'érudits et d'universitaires, qui en a fait un objet d'étude et de fascination.


A partir de là, on arrive au deuxième degré de lecture. Un vieil homme, nommé Zampano, aurait récupéré l'intégralité des films, et aurait compilé toutes les analyses savantes, en les annotant, en les critiquant et en les complétant. Mais ce travail l'aurait rendu fou.


Un jeune homme, Johnny Errand, tombe sur l'oeuvre du vieil homme juste après la mort suspecte de celui-ci. Son cadavre n'avait rien d'anormal, mais autour de lui, se trouvaient des traces de griffes de plusieurs centimètres de long, profondes d'un ou deux centimètres, faites tout récemment dans le parquet.


Et c'est à partir de là qu'on débouche sur le troisième niveau de lecture, celui qui retrace tant bien que mal l'histoire de Johnny Errand. Cette partie est écrite à la première personne. On se trouve donc dans la tête du personnage principal. Il est extrêmement brillant mais totalement déséquilibré. Son enfance aurait été plus que difficile. Sa mère aurait tenté de le tuer, et il aurait perdu son père dans un accident de voiture quelques années après l'internement de sa génitrice. Dans les familles d'accueil où il est ensuite passé, il n'aurait eu que des problèmes. Il aurait sombré dans la violence, celle qu'il faisait subir aux autres en se querellant sans cesse, et celle qu'il aurait subie, notamment de la part d'un tuteur ancien militaire sadique.


Les pages dans lesquelles nous suivons Johnny Errand sont entrecoupées des annotations et explications concernant le Navidson Record. Mais elles prennent un aspect de plus en plus psychédélique au fur et à mesure de bouffées délirantes qui assaillent le narrateur.


Puis arrive ce que j'appellerai le quatrième degré de lecture, à savoir les lettres écrites par celle qui est présentée comme la mère de Johnny Errand, alors qu'elle était internée. On se trouve clairement devant la prose d'une cinglée. Il y a même une lettre qu'il faut déchiffrer comme dans un message codé pour espions. Ici, heureusement que ma Onee Chérie avait abordé ce passage avant moi, car elle avait eu le courage de décrypter la lettre. J'ai donc compris bien des choses en découvrant le message caché.


J'ai trouvé que ce quatrième degré donnait un éclairage extrêmement intéressant pour l'intégralité du livre. J'ai eu l'impression que Mark Z. Danielewski nous conduisait dans l'esprit et l'histoire tourmentée d'un ou de plusieurs schizophrènes. Et c'est à partir de là que plusieurs hypothèses ont vu jour. Comme Onee finissait sa lecture quasiment en même temps que moi, nous avons comparé et discuté de nos diverses impressions, suggestions, et interprétations. Et chose merveilleuse, alors que nous n'avions pas du tout abordé la lecture de la même manière, nos conclusions se rejoignaient.


Ce livre est alambiqué et riche. Mon expérience en deux temps prouve qu'il peut cependant être abordé sans complexe comme un livre ordinaire. de magnifiques poèmes s'y trouvent et peuvent mettre être découverts et appréciés en eux-mêmes. Mais j'ai l'impression qu'il vaut mieux l'explorer en plongeant dans ses méandres tels qu'ils sont proposés page par page.


Mention spéciale à l'éditeur Monsieur Toussain Louverture. Cette deuxième édition, agrémentée de photos, composée de textes parfois dans tous les sens, est un OVNI littéraire. Il semblerait qu'on puisse s'attendre à une troisième édition, qui donnera encore une vision différente, voire d'une quatrième car le sujet est si vaste.


Et maintenant j'ai envie d'un polar très classique pour reposer mes pauvres neurones…du genre où une folle hystérique assassine son mari avec un couteau à beurre dans un véhicule accidenté, se macule de sang et de tripes avec des dénommés Jack et Daniels, des tahitiens arrivés du Tchad, qu'elle noie illico avant de jeter leurs corps dans un trou sans fond. JE ME DEMANDE SI PAR HASARD JE NE SERAIS PAS EN TRAIN DE MOURIR.

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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House of Leaves
Traduction : Claro

Réflexion que l'on peut qualifier d'abyssale sur les apparences et ce que nous percevons de la réalité aussi bien par l'oeil que par l'oreille, "La Maison des Feuilles" se présente sous l'aspect, assez innocent à première vue, de deux récits, le second surlignant le premier. de temps à autre, les notes de "l'Editeur" viennent éclairer ou assombrir le second texte.

C'est un vieillard étrange et retrouvé mort depuis peu dans une chambre qu'il avait pris soin de calfeutrer contre la lumière du jour et, de façon générale, contre l'extérieur, qui a rédigé le premier texte. Son nom était Zampano - comme le héros de "La Strada" de Fellini. Et son récit d'ailleurs concerne le cinéma puisqu'il n'y est question que du film réalisé par Will Navidson sur les aberrations spatiales qu'il a enregistrées au coeur de la maison qu'il venait d'acheter loin de New-York. Titre du film en question - devenu film-culte, nous l'assure Zampano : le "Navidson Record."

A la mort de Zampano, son "héritage", ce manuscrit biffé et raturé en tous sens, ce pavé énorme et où s'exprime toute l'érudition et la passion de celui qui l'a écrit, a atterri entre les mains de Johnny Errand, un trentenaire au roman familial assez corsé et qui, depuis un temps qui ne sera pas indiqué au lecteur, vivote comme il peut en travaillant pour un salon de tatouage. Quand il ne travaille pas, Johnny Errand le bien nommé ("La Maison des Feuilles" est bourrée de clins d'oeil du même type) fait la bringue et abuse de l'alcool et de toutes les substances, licites ou pas, qui permettent d'oublier la réalité - ou de la faire reculer, tout simplement. Et puis, bien sûr, il y a le sexe. Mais peu à peu, au fur et à mesure qu'il avance dans la lecture du manuscrit de Zampano, Johnny va remplacer tout ça par l'incroyable, la prodigieuse histoire du "Navidson Record".

Au début, le lecteur trouve inutiles et même carrément superflus les notes et apartés de Johnny. Jusqu'au moment où il se rend compte que, tout comme elle a permis à Zampano d'aller jusqu'au bout de lui-même, l'affaire du "Navidson Record" est destinée à faire atteindre à Johnny une nouvelle dimension de son être.

"La Maison des Feuilles" se vit comme une forme de voyage initiatique à travers bien des choses : d'abord la maison elle-même mais aussi la culture de l'image qui est la nôtre, l'imaginaire fantastique que nous nous sommes formé en visualisant toutes sortes de films d'horreur (ou plutôt en acceptant que soient mis en images les bons vieux mythes avec lesquels la littérature nous avait déjà fait faire connaissance ) et, encore plus profond, nos angoisses personnelles les plus profondes (l'image des parents, la sexualité, la Mort et, pire que la Mort, le Néant ...), le terrible sentiment de solitude qui nous accable d'autant plus pesamment que nous vivons en groupes de plus en plus importants, la quête de Dieu, de ce qu'il est, de ce qu'il n'est pas, de ce qu'il ne peut pas être (qui nous fait revenir à la quête de la vie intra-utérine, la maison des Navidson pouvant symboliser la matrice originelle), l'espoir, le désespoir, le ... la ...

D'une construction exemplaire, "La Maison des Feuilles" ne demande en fait à son lecteur que quelques minuscules efforts (s'adapter à son format, suivre les instructions qui nous recommandent de consulter l'annexe tant et non pas celle qui la précède chronologiquement, se poster devant la glace pour lire certains textes en écriture-miroir, mettre notre livre la tête en bas ou sur le côté pour suivre la progression du récit, etc ...) pour lui faire partager ses fabuleuses richesses - que les amateurs de livres et de cinéma devineront peut-être plus rapidement que les autres cependant.

En bonne logique, toute personne née dans les cinquante dernières années du XXème siècle devrait se sentir concernée par "La Maison des Feuilles" et y reconnaître l'essence même de ce siècle entièrement dominé par l'emballement des technologies, la précipitation des événements et le galop déchaîné des images s'annulant l'une l'autre avant de se réunifier pour former à nouveau, et dans la plus totale, la plus absolue des contradictions, une réalité à nouveau cohérente.

"La Maison des Feuilles", c'est moi, c'est vous, c'est votre voisin, c'est la fin d'un siècle qui allait trop vite et le début d'un autre qui prend la même direction, c'est une vision à la fois débridée et concise de la société où nous sommes nés et où nous mourrons, c'est toute notre culture occidentale ...

... et c'est aussi un roman fantastique, un film d'épouvante, une réflexion philosophique, un film mystique, un documentaire sur le rôle déterminant de l'image dans notre civilisation, une boîte de Pandore, une bibliothèque qui n'en finit pas, un escalier qui n'en finit pas ...

... et, plus simplement, un sacré bon roman. ;o)
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En préambule et pour les personnes ayant déjà lu le livre, je précise que j'ai lu la version où le mot maison est imprimé en bleu sur la page de couverture.

La maison des feuilles : roman mille-feuilles, roman atypique, roman dérangeant, roman… épuisant. Un vrai labyrinthe.
Comme la maison dont le récit principal tente de décrire le lieu dans le lieu, le récit dans le récit tente d'appuyer notre lecture ou de nous égarer selon les épisodes.
Alors il faut s'accrocher et pratiquer quelques gestes de gymnastique pour la nuque car oui vous allez vous retrouver la tête en bas, sur le côté voire même le corps planté devant un miroir pour déchiffrer certaines phrases. Si cela ne vous décourage pas je continue… Et je sens que je vais en baver à essayer de résumer….

Johnny Errand est un jeune homme un peu paumé qui vivote entre son boulot d'apprenti tatoueur et les sortis enivrées avec son pote. Un soir, il découvre un mauscrit chez Zampano, un vieil aveugle qui vient de mourir. le manuscrit se révèle être un essai sur un film « Le Navidson Record ».
Dès lors, le récit se transforme, l'histoire principale devient le script de ce film agrémenté des analyses de Zampano et en note de bas de pages, les commentaires et digressions de Johnny Errand sur sa propre vie.

Le Navidson Record est un reportage réalisé par un ancien photographe sur la reconstruction de sa relation avec sa famille dont le symbole est l'achat d'une maison. Sauf que dans cette maison, un couloir apparaît soudain qui donne sur un entrelacs de pièces. L'exploration de ce nouveau lieu se révèle bientôt impossible et le réalisateur doit faire appel à des explorateurs expérimentés. Cet autre monde défie la physique : ses dimensions ne peuvent tenir dans la maison, les pièces, couloirs et escaliers changent constamment de format.

La maison des feuilles est un roman à sensations. Mais au-delà de l'aspect fantastique et horrifique, la structure du récit est source de confusion. Au début je lisais le récit principal et les notes de bas de pages avant d'abandonner et de me concentrer uniquement sur le récit principal puis de reprendre le début du livre et de lire les notes de bas de page. Avec cette méthode ce sont bien deux récits différents qui apparaissent et je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure méthode hein ^^.

Quoiqu'il en soit et même si ma critique vous paraît confuse, après tout je reste dans le thème…, j'ai beaucoup aimé ce livre. D'abord parce qu'il m'a sorti de ma zone de confort : il faut réfléchir à comment lire et retrouver le texte dans le texte en rattachant les notes de bas de page (le récit de Johnny Errand) à l'analyse Zampano du Navidson Record. Je me suis laissée porter par les étrangetés sur le fond du récit mais aussi sa forme. J'ai tenu bon en suivant un des conseils donnés dans le récit : la meilleure façon de sortir d'un labyrinthe c'est de poser une main sur le mur et d'avancer sans jamais lâcher ce mur. J'ai donc fait plusieurs fois le tour du roman en découvrant de nouvelles choses à chaque fois.

Si vous êtes en quête d'originalité vous n'allez pas être déçus.
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Quel curieux objet, une magnifique idée pour se réapproprier le format physique du livre en le manipulant dans tout les sens. le plus drôle c'est qu'à la base il était disponible qu'en format numérique.

Mon édition est chez Points en version « 2 couleurs », pas de braille et les planches sont en noir&blanc. Je le fais rarement mais je tiens à remercier traducteurs et maisons d'éditions pour avoir acceptés de diffuser un ovni pareil.
Pour vous donner une idée, il y a parfois des citations dans d'autres langues, comme du Apollinaire en ce qui me semble être du vietnamien, une mise en page qui vous obligera à tourner le livre, texte classique, note sur 3 pages, parfois partition ou simple mot, images et même braille dans l'édition « couleurs ».
Ce livre ne se contente pas d'être original, il raconte aussi une histoire qui l'est tout autant. L'intrigue oscille entre la légende urbaine et du Lovecraft, donc oui, coup de coeur !

J'adore les mythes et légendes du passé et je garde la même passion pour les légendes urbaines modernes et autres creepypasta. Ce livre en a les codes, une vidéo étrange, un meurtre pas suffisamment étrange pour intéresser la police mais entouré de mystères. Les étranges vidéos de la famille Navidson, l'ambiance pesante, le pressentiment d'une catastrophe proche mais sans savoir ni d'où elle vient ni quand. Je ne sais pas si ça vient de mon habitude de lire des histoires de ce genres dans lesquelles tout en devient louche.

Tout est parfaitement ficelé pour perdre ses repères aux lecteurs. Vraies et fausses notes, références, mots soulignés, barrés ou en couleurs orientent la compréhension du texte. Comme chez H. P. Lovecraft on n'entre pas tout de suite dans l'horreur, en fait après relecture je me suis rendu compte que le danger est présent dès le départ mais qu'on en a conscience qu'une fois qu'on connait la menace. Par exemple page 26 premier coup de stress, une description demandant de ne pas lever les yeux de la page suffit à me faire peur. En général je lis de nuit et il y avait du vent ce soir-là, donc c'est vrai que ça joue sûrement une part importante de mon immersion.

Le personnage principal est la maison, à la limite Navidson avec ses films, mais tout part et à lieu à cause de cet endroit. Pour moi c'est un point positif de ne pas avoir trop de description des autres intervenants, ça me permet de m'y imaginer. Comme pour le danger qui y rôde, le fait de savoir qu'il y en a un sans en avoir les détails précis permet d'y transposer mes propres peurs.

J'ai écrit un peu moins de 5 pages pour cette critique, je pourrais en parler pendant des heures. Page 313 « le film s'arrête là », trop obsédé par ce que je venais de lire, la fine page me coupe l'index laissant s'échapper un peu de sang sur la tranche. C'est une de mes lectures que j'ai le plus apprécié ces 5 dernières années, elle m'a vraiment marquée et physiquement aussi.
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Un roman brillant.
Brillant, je pense que c'est le terme qui convient le mieux. Plus qu'un roman, j'ai eu le sentiment de lire l'exégèse du film de Davidson. Déjà : je n'ai pas le souvenir d'avoir utilisé le mot "exégèse" dans une critique de roman...
L'auteur nous offre ici une analyse du film réalisé par son personnage lors de l'exploration du phénomène qui survient chez lui, à savoir l'apparition d'un couloir mystérieux, qui devient pièce, puis s'agrandit jusqu'à devenir un labyrinthe noir dont il est parfois impossible de sortir. "Personnage", car oui, malgré l'approche scientifique, philosophique, ethnologique du film, cela reste de la fiction, même si parfois le lecteur perd cela de vue, de manière totalement volontaire de la part de l'auteur.
Vraies / fausses références, vocabulaire, annexes, notes de bas de pages, photos de fac similés, références bibliographiques et filmographiques, tout est fait pour nous manipuler, nous plonger dans l'illusion de la réalité. Créant ainsi une sorte de mise en abyme d'un concept qu'il développe autour de la manipulation, ou de ce que nous appellerions aujourd'hui les deep fake.
Dans le texte, prétendument retrouvé de Zampano, l'auteur développe des théories réellement scientifiques autour de l'écho, du suicide, de la perception de l'espace, du labyrinthe, pour mieux nous prendre dans ses filets. C'est absolument passionnant.
La forme du texte est là aussi pour ajouter à l'expérience totale du lecteur, une sorte de mimétisme de la forme par rapport au texte, de calligraphie poussée très loin : des listes interminables (documentaristes, architectes, constructions majeures au fil des siècles...), pages très denses ou pages avec quelques mots au milieu du vide, sens inversés, incrustation dans l'épaisseur (oui, je ne sais pas trop comment décrire ce procédé),... L'auteur a tout travaillé dans son texte, absolument tout.
Les apports de Johnny Errand amènent eux un souffle un peu plus fictionnel, qui permet de nous extraire de cette densité. Il y a tellement de niveau de lecture dans ce livre !
Oui, parfois j'ai sauter des passages. Mais ça n'enlève rien à l'oeuvre, et dans quelle mesure cela n'est pas calculé par l'auteur ?
Mention spéciale à Claro, le traducteur. Cet homme est absolument incroyable. Ce n'est pas la première fois que je lis un texte riche et complexe, traduit par lui. Un grand talent.
Et aussi, beau travail d'édition de la part de Monsieur Toussaint Louverture. Ils ont sublimé la première édition, déjà méritante attention, parue chez Denoël en 2003.
Bref, un OLNI fascinant.
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