Quand on a beaucoup lu, c'est qu'on lit par amour. On commence par être amoureux des personnages ; on le devient de l'auteur ; on l'est enfin de la littérature.
On peut lire pour apprendre. C'est un motif très contestable, du moins quand il s'agit de fiction.
“Un des signes des temps barbares est que l’ignorance n’a plus de honte. ”
Quand on lit énormément dans son jeune âge, je crois que c'est pour devenir écrivain et, si ça n'est pas réalisé, le grand lecteur devient un écrivain rentré. Il l'oublie à la longue, continue à lire, et c'est très beau s'il n'est pas amer. J'ai rencontré beaucoup moins de grands lecteurs amers de n'avoir pas écrit que de petits écrivains amers de n'être pas lus.
Un livre fermé, ça existe, mais ça ne vit pas. C'est un parallélépipède rectangle, probablement couvert de poussière, et vide comme une boîte peut être vide.
Ma seule véritable indignation, (au fond), était de devoir m'ennuyer autant à la messe. Heureusement, ma grand-mère maternelle, fort pieuse, m'avait offert un couvre-missel en cuir. J'y dissimulais une Chartreuse de Parme que je lisais avec une passion qui émouvait les dames de l'église.
Lire est déraisonnable. Il y a des choses bien plus importantes, disent les importants. C'est vrai. Et, le sachant, nous continuons en sifflotant ces lectures qui nous privent de la gloriole et de la fortunette.
Le charme de la littérature est souvent créé par le lecteur en état d’enfance. Beaucoup y restent. Ce sont ceux qui transforment les romans en best-sellers. Et les femmes restées des gamines rêvant d’amour mènent à 300 000 des nunucheries qui pansent la douleur d’avoir pour mari un goujat qui mange les coudes sur la table, et les hommes restés des adolescents à idées quittent les émissions de foot sur TF1 pour les romans d’anticipation écrits par des cons apocalyptiques.
Les grands lecteurs sont des monstres. Inoffensifs d'ailleurs, quoique jusqu'à un certain point, celui où ils revendiqueraient du prestige et cesseraient de faire les modestes. Qu'ils n'oublient pas qu'ils sont minoritaires. Un livre qui a du succès en France, c'est mettons, 100 000 exemplaires. Il reste 63 900 000 Français qui ne lisent pas.
“On a injurié le travail en appelant "civilisation du travail" le système affreux qui régit le monde moderne, ce salariat universel qui semble une forme adoucie de l’esclavage. On aurait dû appeler ça la civilisation du labeur.”