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Osamu Dazaï (Autre)Ralph-F McCarthy (Autre)Didier Chiche (Traducteur)
EAN : 9782809715293
320 pages
Editions Picquier (07/01/2021)
3.9/5   68 notes
Résumé :

On peut lire ces récits, tous nourris de la vie de l’auteur, comme autant de croquis, de “choses vues”, comme autant de photographies que l’on disposerait dans un album si l’on veut découvrir un homme ; mais il faut les relire pour découvrir un écrivain, pour entendre cette “petite musique”, ce curieux mélange de véhémence, d’humour et de familiarité qui, dans un même r&#... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Connaissez-vous DAZAI Osamu (1909-1948), l'enfant terrible des lettres japonaises ? L'écrivain à la vie dissolue, qui se met à nu dans chacun de ses livres ?

Cette anthologie chronologique de dix-huit nouvelles à la première personne, « certaines étant plus fictives que d'autres"; précise Didier Chiche dans son introduction, permet de donner cent vues du personnage. L'introduction puis les préfaces pour chacune des nouvelles aident à se repérer dans la vie pour le moins chaotique de l'artiste et donnent également des précisions d'ordre culturel.
Osamu a fait de ses tourments, de ses faiblesses, de ses excès, de son dégoût de lui-même, de son désespoir incommensurable, la matière de ses livres. Il se dédouble sans arrêt, du début à la fin de sa vie. Il vous prend d'abord par la manche, vous guide chaleureusement dans sa vie comme dans ses voyages. Il fait de vous son confident, avec auto-dérision, simplicité et drôlerie. Et puis il vous assène des vérités terribles.
L' écriture de Dazaï a bien sûr évolué au fil des ans mais on la reconnaît. Elle a l'air prise sur le vif alors qu'elle est totalement maîtrisée, moderne, riche d'effets et va bien au-delà du récit-confession.
Osamu écrit sur les contradictions du Japon, sa bien-pensance et sa dureté mais aussi sur son désarroi et son humiliation et puis sur sa beauté de toute éternité. Son Japon multi-faces, est raconté dans la formidable nouvelle éponyme. le Fuji c'est Dazaï, quand il devient populaire. Iconique, stéréotypé, laid, vaniteux mais si on fait l'effort de bien le regarder, finalement beau et digne.
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J'ai passé de nombreuses semaines avec ce recueil d'Osamu Dazai. Mauvais signe ? Pas du tout ! Ici, c'était bien pour prendre le temps de déguster chacun des textes. Je ne reviendrai pas sur le contenu de chacun d'entre eux, tellement je me suis évertué à mettre en ligne de multiples citations. En fait, je n'en avais jamais mis autant tirées d'une même oeuvre. Sans être forcément toutes de pures perles littéraires, elles ont le mérite de dévoiler et reconstituer tel un puzzle la personnalité et le destin de cet écrivain finalement assez peu connu en France, et pourtant aujourd'hui très cher au coeur des japonais.

En effet, à travers ces récits, Dazai nous livre tout simplement ses mémoires : une rencontre, un moment dans sa vie, un état d'esprit, lui offrent autant de prétextes à se raconter. Pour saisir d'un trait sa vie particulièrement agitée et tragique, le récit « Huit tableaux de Tôkyô » est sans doute le plus éloquent et complet. Pour faire court, celui qui est né Shûji Tsushima, au sein d'une famille bourgeoise à la nombreuse fratrie, s'est très vite inscrit en rebelle contre son milieu, y compris politiquement, étant attiré par les idées communistes. Il rêve d'une carrière littéraire sans totalement s'en donner les moyens, faute de persévérance et surtout en raison d'un caractère fantasque, mêlant un fort égocentrisme et un manque de confiance en lui chronique. Amoureux des drogues, et de la bouteille, où il engloutit le peu d'argent qu'il gagne, il vit trop souvent grâce à l'aide financière d'un de ses frères. Il en profite, mais très endetté, il se sent coupable et bon à rien. Pourtant, il possède bien un talent littéraire naturel, qu'il gâche trop souvent. Il est obligé de bouger au moment de la guerre, deux habitations successives ayant été détruites par les bombardements. D'abord marié à une ancienne prostituée, il est trompé plusieurs fois, et finit par se séparer de cette femme qui finalement aura sans doute le plus marqué sa vie sentimentale. Il se remariera…Et après deux tentatives de suicide infructueuses plus tôt dans sa vie, il finira à la quarantaine par y parvenir, accompagné d'une jeune maîtresse. Car entre ses fréquents moments de dépression, le bougre est aussi un cabotin qui aime séduire. Une personnalité à la fois autocentrée et masochiste, qui se révèle au fil des pages à la fois agaçante et finalement très attachante, car lucide, mais un poil naïf avec les femmes, et non dénué d'humour et d'auto-dérision. Un adolescent ! Sa mort prématurée laisse à son oeuvre un goût d'inachevé et des regrets. Elle est riche de nombreuses nouvelles, mais force est de constater que ses deux romans phares, La déchéance d'un homme et Soleil couchant, ont été écrits dans les toutes dernières années de sa vie…alors même que, dans l'intuition qu'il ne vivrait pas vieux (il pense très souvent au suicide), il intitulera précisément son premier recueil de nouvelles bien structuré, publié en 1936, « Mes dernières années ». Cent vues du Mont Fuji est une oeuvre clé pour comprendre le parcours de vie de cet étonnant artiste.

Un mot sur le style, qui selon moi est la marque d'un écrivain populaire qui ne sacrifie pas la qualité : à une dominante faite de simplicité, qui flirte parfois avec la platitude, se mêlent de nombreux passages de très haute tenue littéraire. La traduction influant évidemment sur l'impression laissée au lecteur français, il est difficile de dire si cette apparence d'une certaine inconstance en est le résultat où si c'est une caractéristique de la version nippone. C'est probablement le cas, ce qui traduirait l'instabilité de l'auteur dans sa personnalité même.

Un écrivain à découvrir sans faute en ce qu'il s'inscrit parmi les géants de la littérature japonaise du XXème siècle, et parce qu'il est une icône pour une partie de la jeune génération de Japonais.
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Les récits présentés dans cette anthologie sont tous autobiographiques. Dazai s'y met en scène, non sans malice, en se jouant des conventions et des apparences, sans fard, en étant brillant et drôle, mais aussi, le plus souvent, sarcastique et cruel, écrasé, après avoir mené une vie des plus dissolues, sous le poids de ses fautes et obsédé par la mort. Dazai devrait sans doute repousser le lecteur, tant il s'est abandonné à son pessimisme, à ses passions et ses vices. Or, il semble qu'il puisse aussi l'attirer comme un aimant, sans doute parce qu'il a mis dans son oeuvre autant de lui même, avec cette irrévérence et sincérité qui le caractérisaient.
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Tout d'abord, je vous propose une courte introduction sur l'auteur. Osamu Dazai est un auteur japonais incontournable de la première partie du XXème siècle. Ses écrits sont caractéristiques du style littéraire Watakushi shōsetsu, c'est à dire qu'ils sont rédigés à la première personne et comportent de nombreux éléments autobiographiques.
D'un point de vue plus personnel, c'est un auteur tourmenté qui est connu pour ses excès (alcools, drogues, femmes) et pour ses tentatives de suicides (la dernière ne fut pas qu'une tentative).

Les éditions Philippe Picquier ont choisi de réunir dans ce roman plusieurs nouvelles écrites par Osamu Dazai à des moments-clé de sa vie. Chaque texte est précédé d'une présentation de l'éditeur nous expliquant le contexte de celui-ci.
Ce choix me semble judicieux pour ce livre, car il renforce l'aspect biographique et dramatique de l'oeuvre.

Dramatique, c'est bien le mot pour décrire ce que l'on ressent à la lecture du livre. Les textes sont souvent noirs et pessimistes mais portés par une plume agile et poétique.

« On a dépassé la mi-septembre. Mon yakata immaculé n'est déjà plus de saison, et j'ai le sentiment que sa blancheur tranche sur les couleurs du soir avec un éclat trop brutal : mon chagrin n'en est que plus intense, et je prends la vie en horreur. le vent, dont le souffle vient rider l'étang de Shinobazu, est tiède et chargé d'odeurs d'égouts. Les lotus, que l'on a laissé croître sans prendre soin d'eux, commencent à pourrir : hideux tableau - ce sont autant d'images cadavériques ; et les promeneurs du soir affluent, le visage stupide et l'air épuisé : spectacle de fin du monde. »

Au début du livre, l'auteur ne m'était clairement pas sympathique. Il apparaît comme un jeune homme issu d'une famille riche avec un ego surdimensionné et qui de plus s'évertue à foutre sa vie en l'air...
Mais rapidement, on commence à comprendre son cheminement et sa souffrance. C'est un être fascinant, un homme qui cherche désespérément son chemin.


« Immobile, je pleurais. J'eus l'agréable sensation que mes larmes faisaient fondre cette frénétique raideur qui m'habitait.
Oui, j'avais perdu - et tant mieux : il le fallait. La victoire de ces êtres illuminera la route que je suivrai demain.»

Dans cette quête d'identité, on sent par moments qu'il s'apaise. Son écriture devient plus légère et il joue alors avec ses lecteurs.

« Lecteur, écoute moi : si tu es avec ta bien-aimée et qu'elle éclate de rire, tu peux t'en féliciter. Ne le lui reproche surtout pas : la signification de ce rire, c'est tout simplement qu'avec toi, elle se sent parfaitement en confiance et que ce sentiment la submerge.»

Il retombe cependant bien rapidement dans la frustration, la peur et le dégoût de lui-même. Ce cheminement est parfaitement rendu par ce livre, où l'on découvre la vie de l'auteur par le prisme déformant de ses textes. La fiction se mélange à la réalité, les faits sont déformés mais au travers de son style et de ses écrits l'auteur se met à nu. Il nous fait partager ses sentiments, nous fait entrevoir sa solitude.

« Qu'on veuille bien me pardonner. Je suis allé trop loin. Devant la vie, je n'ai pas à me comporter en accusateur ni en juge. Je n'ai pas qualité pour condamner mes semblables. Je suis un enfant du mal. Je suis maudit. J'ai commis sans doute cinquante ou cent fois plus de péchés que vous. C'est un fait : à l'heure présente encore, je suis en train de faire le mal. J'ai beau être vigilant, c'est peine perdue : il ne se passe pas de jour que je ne fasse le mal.»

Pour conclure, Cent vues du mont Fuji est le livre fort et poignant d'un auteur tourmenté dans une période chaotique. Un livre indispensable pour qui veut découvrir les grands auteurs japonais.

Note : 8/10

Pour lire mes chroniques :
Lien : http://www.les-mondes-imagin..
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Très belle lecture, avec de faux airs de "facilité". on ne peut pas parler de ce livre sans aborder la vie de son auteur; Osamu Dazai, car c'est de lui qu'il s'agit dans cette série de nouvelles plus ou moins courtes. Dazai est né au sein d'une famille privilégiée du Japon, il a trois frères aînés,et je ne sais plus combien de soeurs, deux je crois,et ce n'est pas anodin d'en avoir oublié le nombre , il n'en parle quasiment jamais, contrairement à ses frères.Le père meurt assez tôt dans la vie de cette famille influente, et c'est au frère aîné, âgé alors d'environ vingt ans, de s'occuper de la famille. Dès le début, Dazai montre des signes de "turbulences". Il est l'enfant terrible au coeur tendre, incapable d'exprimer ses émotions, mort de timidité avec tout le monde, la tête pleine de rêve et de projets, mais aussi de dégoût envers tout le monde et de "malaise" quant à ses origines. Il balance sans arrêt entre l'absolue certitude de son génie, et le désespoir complet devant sa "nullité", entre le mépris pour ce que pensent les autres -écrivains ou non- de son oeuvre, et le désir secret, douloureux d'avoir leur approbation. Alors il se comporte honteusement, s'endette, boit, ne finit pas ses études alors qu'il la promis tant de fois- et sincèrement- à son frère afin que celui ci continue de l'aider financièrement. Et quand rien ne va (c'est à dire presque tout le temps), que la douleur l'envahit, il tente de se suicider, plusieurs fois, seul ou accompagné, et se rate à chaque fois , (mais pas celle qui l'accompagne), jusqu'à cette dernière tentative. Sans oublier les maladies, la toxicomanie, la guerre. Cent vues du mont Fuji parle de tout ça, sans détour, simplement, très simplement, avec un style qui semble être l'évidence même de l'écriture, directe, mais tout en profondeur et sincérité. Les descriptions sont limpides, lumineuses. Les nouvelles sont tantôt drôles, tantôt touchantes, et d'autres fois douloureuses (avec l'impression de voir le Tombeau des Lucioles). Et c'est toujours Dazai qui se lamente, se plaint, promet de faire des efforts, avoue ses torts, mais reprend ses vieilles habitudes....et pas une fois il n'est condamnable, parcequ'il souffre, profondément, et c'est superbement retranscrit dans ce livre, donnant envie de voir ce que ça donne avec une oeuvre de fiction.
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Citations et extraits (58) Voir plus Ajouter une citation
Et l'un des enfants m'a regardé et a dit :
- On s'regarde et on peut pas s'empêcher d'rigoler !
Il s'est mis à rire ─ et moi aussi.
Dans le ciel dansent des anges ; et quand Dieu a décidé de les priver de leurs ailes, ils tombent tout doucement, comme des parachutes, un peu partout sur la terre. C'est comme cela que nous avons atterri, moi dans le nord, sur la neige, vous dans le sud, au milieu d'une orangeraie, et ces enfants dans le parc d'Ueno ; mais c'est bien la seule différence qu'il y ait entre nous. Chers enfants, vous allez grandir ! Ne vous souciez surtout pas de votre apparence ; ne fumez pas ; ne buvez que dans les grandes occasions, et puis...le jour où vous rencontrerez une timide jeune fille ─ élégante, mais pas trop ! ─ aimez-la, d'un amour qui dure !

P.S.
Quelques jours plus tard, le journaliste est venu m'apporter les photos. Celle sur laquelle on nous voit rire, l'enfant et moi ; et aussi une autre, qui représente une scène tout à fait curieuse : je suis accroupi devant ces enfants sans logis et je tiens les pieds de l'un d'entre eux. Si plus tard, la photo est publiée dans une revue, je vois venir les critiques : "Ce Dazai ! Quel cabotin ! C'est écoeurant ! Voilà qu'il se prend pour le Christ en train de laver les pieds de ses disciples, comme dans le récit de l'Evangile selon Saint Jean !" C'est le genre de malentendu auquel je m'attends : je prendrai donc les devants pour m'expliquer. Comme ces enfants marchent pieds nus, j'étais simplement curieux de voir dans quel état pouvaient être leurs plantes de pieds.
Encore autre chose ─ quelque chose d'amusant cette fois. Quand les deux photos sont arrivées, j'ai appelé ma femme.
- Regarde : les clochards d'Ueno ! lui ai-je expliqué.
Et elle m'a répondu, avec tout son sérieux :
- Ah bon ? Ils sont comme ça ?
Elle observait attentivement une photo ; et soudain, j'ai vu quelle partie elle regardait : surpris, je lui ai dit :
- Mais !...Qu'est-ce que tu regardes ? Ça, c'est moi, ton mari ! Les clochards, ce sont ceux-là, à côté !
Ma femme est vraiment d'un sérieux !...Ce n'est pas le genre à plaisanter ! Sans doute m'avait-elle vraiment pris pour un clochard.

Extrait de "Narcissisme et cigarettes"
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J'ai le sentiment d'avoir mené jusqu'à ce jour un combat solitaire. Il me paraît de toute façon promis à l'échec, et l'inquiétude qui m'habite est devenue insupportable. Cependant, je ne peux plus, à l'heure qu'il est, me retourner vers ceux que je n'ai pas cessé de mépriser jusqu'à ce jour, et leur dire : "Recevez-moi comme l'un des vôtres ; je regrette mon comportement." Tout ce que je puis donc faire, c'est bien de continuer ma lutte, tout en buvant mon mauvais vin.
Ma lutte. Pour la définir d'un mot, ce fut toujours la lutte contre l'ordre ancien. La lutte contre les attitudes affectées et conventionnelles. La lutte contre le mensonge des apparences. La lutte contre la petitesse et contre les petits esprits.
Je puis en faire serment devant Jéhovah : à cette lutte j'ai tout sacrifié ─ tout ce que j'avais. Et me voilà maintenant tout seul, incapable de me passer de ma bouteille, et finalement près de succomber.
Le parti des vieillards est celui de la méchanceté. Il faut les voir aligner, sans la moindre honte, toutes leurs platitudes sur la littérature et sur l'art, cela pour écraser les jeunes pousses qui cherchent désespérément à éclore : criminels parfaitement inconscients de leur crime ! De quoi vous rendre perplexe ! Vous pourrez toujours essayer de les faire avancer ou reculer : ils ne bougeront pas ! Pour eux, tout ce qui compte, c'est l'argent : ce qu'ils veulent, c'est la "réussite" qui comblera d'aise leurs femmes et leurs enfants, et dans ce but, ils forment des coteries, se distribuent à tout venant des éloges et, resserrant ainsi les liens qui les unissent les uns aux autres, persécutent les esprits indépendants.
Me voilà donc près de succomber.

Extrait de "Narcissisme et cigarettes"
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Tous les jours, passé midi, alors que livré à moi-même je poursuivais ma besogne, j'entendais un choeur de jeunes femmes. Je posais ma plume et tendais l'oreille. Séparée de la pension par une petite rue, il y avait une soierie. C'étaient les ouvrières qui chantaient en travaillant. Parmi toutes ces voix, il y en avait une qui se distinguait ; elle guidait l'ensemble : le chant d'un rossignol au milieu des caquètements d'une basse-cour ! Quelle voix remarquable ! pensais-je alors. Que ne pouvais-je escalader le mur entourant l'usine pour jeter un coup d'oeil à l'intérieur et voir celle à qui pouvait bien appartenir cette voix ! Il y a ici un homme, un pauvre homme, que votre voix, chaque jour, oui, chaque jour, aide à vivre ─ à quel point ? Vous ne l'imaginez pas ! Vous n'en avez pas idée. Vous ne savez pas quelle vaillance vous m'avez insufflée, et comme vous avez su me soutenir dans mon travail ! Je veux, de tout mon coeur, vous dire ma gratitude ! Voilà ce que j'aurais aimé écrire à cette femme, sur un petit papier que je lui aurais jeté par le trou que faisait la fenêtre de l'usine.
Mais si je mettais ce projet à exécution, la surprise qu'elle pourrait en éprouver risquerait de lui couper la voix ! Et de cela, il n'était pas question ! Que l'expression de ma gratitude pût, comme par un choc en retour, troubler cette voix qui faisait le bien sans le savoir ! Ce serait un crime. J'étais seul : seul avec mes scrupules, qui me torturaient.
Etais-je tombé amoureux ? Peut-être.

Extrait du récit "I can speak"
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J'ai finalement décidé, toutes les fois que je croisais un chien, d'arborer un grand sourire, pour bien lui signifier que je n'avais nulle intention de lui faire du mal. Et le soir, comme mon sourire ne se voyait peut-être pas, je fredonnais innocemment des berceuses, pour montrer que j'étais un humain tout à fait bienveillant. J'ai l'impression que cette stratégie a plus ou moins porté ses fruits. Aucun chien ne m'a encore sauté dessus.... .. Ma propre lâcheté me dégoûte....
Dans mon impuissance à analyser la psychologie canine, et préoccupé comme je l'étais de me concilier les bonnes grâces de tous les chiens que je croisais sur mon chemin - sans penser aux conséquences de mes actes -, je suis arrivé à un résultat qui m'a surpris : ils se sont mis à m'aimer
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Mais petit à petit, je sortis de ma léthargie. Je rédigeai mon "testament" : Souvenirs, un texte de cent pages. Officiellement, ma première oeuvre. Je voulais, sans rien embellir, raconter tout le mal que j'avais commis depuis mon enfance. C'était à l'automne, j'avais vingt-quatre ans. Je restais assis chez moi, à contempler le jardin envahi d'herbes folles ─ et sans la moindre envie de sourire. A nouveau, je voulais mourir. "Affectation", que toute mon attitude ? Soit. Je croyais vraiment à mon personnage. Pour moi, la vie était un drame. Ou plutôt, le drame était la vie même. Je ne servais plus à personne. Mon unique bien, H., portait une souillure. Rien, non, rien ne me donnait envie de vivre. Comme si j'eusse appartenu à un peuple promis à l'extermination, je me sentais voué au néant et je m'y étais résigné. Le rôle que m'avait assigné l'époque, je devais le jouer fidèlement : rôle triste et sans dignité de l'éternel perdant.

Extrait de "Huit tableaux de Tôkyô"
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Vidéo de Osamu Dazaï
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