Ce n’est pas le jour qui vient, c’est la nuit qui se retire.
Il y a des erreurs qui contiennent une autre vérité.
Il y a des créatures destinées les unes aux autres qui n’arrivent jamais à se rencontrer et qui se résignent à aimer une autre personne pour raccommoder l’absence. Elle sont sages.
Un arbre a besoin de deux choses : de substance sous terre, et de beauté extérieure. Ce sont des créatures concrètes mais poussées par une force d'élégance. La beauté qui leur est nécessaire c'est du vent, de la lumière, des grillons, des fourmis et une visée d'étoiles vers lesquelles pointer la formule des branches. Le moteur qui pousse la lymphe vers le haut dans les arbres, c'est la beauté, car seule la beauté dans la nature s'oppose à la gravité. Sans beauté l'arbre ne veut pas. C'est pourquoi je m'arrête à un endroit du champ et je lui demande : « ici tu veux ? » Je n'attends pas de réponse, de signe dans la main qui tient son tronc, mais j'aime dire un mot à l'arbre. Lui sent les bords, les horizons et cherche l'endroit exact pour pousser. Un arbre écoute les comètes, les planètes, les amas et les essaims. Il sent les tempêtes sur les soleil et les cigales sur lui avec une attention de veilleur. Un arbre est une alliance entre le proche et le lointain parfait.
Il y a des humilités qui grandissent un homme.
Je lis seulement des livres d'occasion.
Je les pose contre la corbeille à pain, je tourne une page d'un doigt et elle reste immobile. Comme ça, je mâche et je lis.
Les livres neufs sont impertinents, les feuilles ne se laissent pas tourner sagement, elles résistent et il faut appuyer pour qu'elles restent à plat. Les livres d'occasion ont le dos détendu, les pages, une fois lues, passent sans se soulever.
Ainsi, à midi, au bistrot, je m'assieds sur la même chaise, je demande de la soupe et du vin et je lis.
(incipit)
Je prends le livre ouvert à la pliure, je me remets à son rythme, à la respiration d'un autre qui raconte. Si moi aussi je suis un autre, c'est parce que les livres, plus que les années et les voyages, changent les hommes.
p. 118
Les livres neufs sont impertinents, les feuilles ne se laissent pas tourner sagement, elles résistent et il faut appuyer pour qu’elles restent à plat.
Les livres d’occasion ont le dos détendu, les pages, une fois lues, passent sans se soulever.
Nous apprenons des alphabets et nous ne savons pas lire les arbres. Les chênes sont des romans, les pins des grammaires, les vignes sont des psaumes, les plantes grimpantes des proverbes, les sapins sont des plaidoiries, les cyprès des accusations, le romarin est une chanson, le laurier une prophétie.
Moi je connais les vies qui durent un jour. Arriver jusqu'à la nuit, c'est déjà mourir vieux.