Alexandre Nacht, dont on sait bien qu'il s'appelle en fait
Patrick Declerck, sait depuis 8 ans qu'il a une tumeur cérébral, à potentiel évolutif lent, mais susceptible de se cancériser. Là, étape cruciale, il est dans sa chambre d'hôpital et attend pour demain la chirurgie qui a été finalement décidée et va lui ouvrir le
crâne. Une chirurgie en pleine conscience, pour qu'il puisse aider le chirurgien dans sa progression, avec un risque vital ou majeur de 3%.
Et donc, il est seul dans la nuit, voulant vivre pleinement ce qui est peut-être ses dernières heures. Et pour lui, vivre pleinement c'est écrire et penser. Mais bien sûr, le lecteur le sait, et l'écrivain en train d'écrire aussi, il survivra. du moins pour le moment. Depuis le début, il
crâne. Et se regarde
crâner, sans se duper, dans un effort soutenu depuis ces années. Par un choix des armes que sont le cynisme, le contrôle, la provocation, même, plutôt que les larmes et l'auto-apitoiement.Il voit ce qu'il y a de dérisoire dans cette
crânerie, qu'il s'attache à moquer elle aussi : elle masque sans cacher, ne rend pas meilleur, ni plus fort; elle est juste un moyen de continuer lucidement, en payant le moins possible.
Dans cette nuit effrayante tout à la fois interminable et trop brève, Nacht vaque de pensées sombres en évocations farceuses, de réflexion philosophique en blague de potache. Il s'enfile la lecture d'Hamlet, tient le compte des femmes avec qui il a couché, va du sordide au joyeux, se laisse sans savoir guider par son esprit vagabond. Sans savoir? Si, en sachant très bien qu'il veut bien mourir, peut-être, mais décemment. Et quand il le faut, toute cette dysporie cède la place à l'action, et là, il n'est plus question de tergiverser.
Et donc, il en est revient. L'histoire n'est pas finie. La tumeur est toujours là, tapie, et si Nacht a remporté cette première victoire, elle le guette et le nargue. Et Nacht bien sûr, homme d'écriture, se doit de raconter, de remercier ces médecin qui l'ont impressionné par leur "inimaginable respect" autant que par leur performance technique, d'offrir ce récit dérisoire et primordial,cette farce tragique, à la connaissance et à la réflexions des autres hommes, qui tout comme lui, mourront un jour, quelle importance? Puissent-ils en rire.