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EAN : 9782070126996
160 pages
Gallimard (10/03/2016)
3.79/5   7 notes
Résumé :
Crâne raconte l’opération du cerveau pratiquée sur Alexandre Nacht, double autobiographique de Patrick Declerck, afin de retirer l’essentiel d’une tumeur qui le menaçait depuis des années. Intervention de plusieurs heures, réalisée éveillé et crâne ouvert. Expérience-limite à hauts risques que l’auteur décrit ici, pas à pas : l’hôpital, les médecins, son propre corps, cet ennemi qui lui semble maintenant étranger, et sa rage de vouloir survivre malgré tout.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Patrick Declerc nous donne à lire le journal de bord et soupape de déconnade qui précéda le grand charcutage de sa cervelle. En toile de fond, la crainte de l'écrivain (qui n'est pas sans un certain espoir de soulagement) de perdre (enfin) ses fonctions langagières. Semblant se considérer lui-même comme de la chair à trépanation, âme nourrie par le corps plus que corps animé par l'âme, l'inquiétude matérielle se faufile derrière des propos faussement spirituels dénués d'affectivités, éreintants, sans espérance. La relation avec l'écrivain ne s'établit pas malgré l'expérience, au moins symbolique, de la mort. Au-delà de son cerveau, appréhendé comme siège ultime de ses fonctions cognitives (version matérialiste de l'âme), Patrick Declerck ne veut rien percevoir. le résultat en est assez bouffon, à l'instar de l'idéologie de notre temps.
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Alexandre Nacht, dont on sait bien qu'il s'appelle en fait Patrick Declerck, sait depuis 8 ans qu'il a une tumeur cérébral, à potentiel évolutif lent, mais susceptible de se cancériser. Là, étape cruciale, il est dans sa chambre d'hôpital et attend pour demain la chirurgie qui a été finalement décidée et va lui ouvrir le crâne. Une chirurgie en pleine conscience, pour qu'il puisse aider le chirurgien dans sa progression, avec un risque vital ou majeur de 3%.

Et donc, il est seul dans la nuit, voulant vivre pleinement ce qui est peut-être ses dernières heures. Et pour lui, vivre pleinement c'est écrire et penser. Mais bien sûr, le lecteur le sait, et l'écrivain en train d'écrire aussi, il survivra. du moins pour le moment. Depuis le début, il crâne. Et se regarde crâner, sans se duper, dans un effort soutenu depuis ces années. Par un choix des armes que sont le cynisme, le contrôle, la provocation, même, plutôt que les larmes et l'auto-apitoiement.Il voit ce qu'il y a de dérisoire dans cette crânerie, qu'il s'attache à moquer elle aussi : elle masque sans cacher, ne rend pas meilleur, ni plus fort; elle est juste un moyen de continuer lucidement, en payant le moins possible.

Dans cette nuit effrayante tout à la fois interminable et trop brève, Nacht vaque de pensées sombres en évocations farceuses, de réflexion philosophique en blague de potache. Il s'enfile la lecture d'Hamlet, tient le compte des femmes avec qui il a couché, va du sordide au joyeux, se laisse sans savoir guider par son esprit vagabond. Sans savoir? Si, en sachant très bien qu'il veut bien mourir, peut-être, mais décemment. Et quand il le faut, toute cette dysporie cède la place à l'action, et là, il n'est plus question de tergiverser.

Et donc, il en est revient. L'histoire n'est pas finie. La tumeur est toujours là, tapie, et si Nacht a remporté cette première victoire, elle le guette et le nargue. Et Nacht bien sûr, homme d'écriture, se doit de raconter, de remercier ces médecin qui l'ont impressionné par leur "inimaginable respect" autant que par leur performance technique, d'offrir ce récit dérisoire et primordial,cette farce tragique, à la connaissance et à la réflexions des autres hommes, qui tout comme lui, mourront un jour, quelle importance? Puissent-ils en rire.
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Un récit intéressant d'un homme retraçant son expérience de neurochirurgie pour retirer une tumeur. Bien que le contenu et le déroulé de ses pensées qui s'étendent de la découverte de la tumeur au rétablissement post opératoire, soient bien décrits, le choix du vocable et de la syntaxe alambiquée semblent trop pompeux à mon goût. Et que dire à la pensée de la pauvre Anne 😢
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critiques presse (1)
Liberation
22 mars 2016
Patrick Declerck, mélancolique, mais aussi mordant et drôle, fait de Crâne un acte littéraire, protestataire contre la condition humaine.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Quant à cette opération, il s’agit, comme vous le savez certainement, de chirurgie éveillée. Cela signifie que vous serez d’abord endormi pour que nous puissions ouvrir le crâne et librement accéder à la surface du cerveau sur laquelle il nous faut intervenir. Soit, chez vous, la partie gauche immédiatement au-dessus de l’oreille et approximativement jusqu’au milieu de la partie supérieure de la tête… Cela prendra environ deux heures. Puis nous vous réveillerons. Vous ne sentirez aucune douleur mais serez allongé sur votre côté droit et attaché de tous côtés, de manière à être totalement immobilisé. Vous serez légèrement penché vers le bas afin que la gravitation pousse naturellement votre cerveau sur la surface supérieure droite de votre crâne. Ceci nous donnera moins de pression et un peu plus d’espace au lieu exact de l’intervention. Seule votre main droite pourra bouger et par moments nous vous demanderons de le faire pour nous assurer que nous ne provoquons pas une éventuelle paralysie.
Par ailleurs, vous aurez devant les yeux un ordinateur dont l’écran vous présentera divers exercices de lecture et de calcul. Exercices qu’il vous faudra faire à haute voix. Il s’agira pour nous, pendant cette période initiale, d’identifier le plus précisément possible où se trouvent, dans votre cerveau, les liens dont dépendent le langage et les mathématiques. Vous savez évidemment que la neurologie situe depuis longtemps, chez des droitiers comme vous, ces capacités dans l’hémisphère gauche, à des endroits spécifiques. Toutefois quelques sujets fonctionnent, si l’on veut, comme à l’envers. Chez eux l’hémisphère droit joue la fonction de l’hémisphère gauche et réciproquement. C’est ce que l’on appelle « les gauchers ». Il arrive aussi qu’un accident ou une tumeur d’évolution lente, comme la vôtre, permette aux fonctions cérébrales d’émigrer – il n’y a pas d’autre terme – d’un hémisphère à l’autre. C’est rare, mais cela arrive. Ce n’est pas votre cas. […] Donc, chez vous, c’est bien à gauche que se trouvent ces fonctions. Mais nous savons, depuis maintenant plusieurs années, que la localisation de ces régions cérébrales varie très légèrement d’individu à individu. Afin de tenter d’éviter tout dommage chirurgical, nous sommes donc obligés de commencer par dresser une carte spécifique de votre cerveau. En vous faisant faire ces exercices, qui sont élémentaires, nous ferons passer par endroit un très léger courant électrique. Rassurez-vous, vous ne sentirez rien, mais l’intérêt de ce courant est que lorsqu’il passera exactement à l’endroit où votre cerveau sera en train de travailler pour lire ou calculer, il cessera alors, lui, de fonctionner, et vous de parler. De cette espèce de paralysie d’un instant, vous ne vous rendrez très probablement même pas compte, mais nous si. Nous aurons alors trouvé les lieux qui, chez vous, concernent le langage et le calcul.
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Et puis enfin, le ventre évidemment. Le pire. Cylindrique. Outrancier. Crevant lentement. Coulant dans son lard. Natch se contemple comme il se contemple d’habitude, avec un froid et nauséeux dégoût. Lui vient l’image d’un mammouth se noyant dans le marécage d’une tourbière gavée d’eau.
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Vient enfin l'enfant. L'enfant dans la poussette tenue par son jeune père. L'enfant aux nombreux fils qui fuient dans ses vêtements et dont on ne voit pas la fin. Fils liés à une machine large comme une mallette et épaisse comme deux, couverte d'écrans électriques et de lumières. L'enfant avec un corps de cinq ans, une tête de dix, et des yeux immenses qui, sans bouger jamais, fixent son papa, et ne pleurent pas, et ne pleurent plus, et ont tout compris. Et cet enfant, ce petit frère, Nacht voudrait pouvoir le lever d'une main et puis le serrer. Le serrer entre ses gros bras, pour -avec tout son amour et toute sa rage, pour une fois sainte - en un instant l'écraser, l'étouffer, pour qu'il ne pense plus, ne sache plus, ne ressente plus, ne souffre plus. Pour qu'il ne souffre plus...
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Personnage quelque peu égaré, à négliger, semble-t-il, d’un haussement d’épaules distrait. Oui, mais… Oui, mais sous les sourcils en désordre protestataire, il y a les yeux. Le regard de ces yeux qui ont fait le ridicule tour des pauvres choses que nous sommes, on s’en inclinerait de honte, d’amour, et de respect. Je sais, se dit Nacht. Je sais, je connais ce regard. Mon grand-père, mon Pépé qui, en surface, semblait un homme sans grand intérêt et toujours d’accord avec tout et tout le monde, avait, quand on l’observait bien, exactement ce regard-là.
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Seuls l’écran de l’ordinateur et les tâches diverses qui y apparaissent le concernent. Tout le reste, il l’ignore. Il ressent pourtant son corps : un genou qui aimerait bouger, une jambe qui demande à se détendre, la sonde urinaire qui lui fait un peu mal à l’endroit où elle pénètre dans la vessie, une légère douleur de pression sur sa hanche droite, la soif, sa bouche parfois trop sèche… De son crâne ouvert et des objets qui envahissent son cerveau même, il n’a qu’une idée sans perception, sensation, ni douleur aucune. Simplement, il sait que, quelque part au-dessus de son oreille gauche, cela est.
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« Sniper en Arizona » disponible en librairie
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