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EAN : 9782266129893
464 pages
Pocket (06/02/2003)
4.27/5   130 notes
Résumé :
Par son écriture, les "Tristes tropiques" des rues de Paris. Le désenchantement du progrès, une descente aux enfers. Un grand Terre Humaine.

Nous les côtoyons tous les jours. Souvent ils sont ivres et peinent à mendier. Ils sentent mauvais, vocifèrent et font un peu peur. Nos regards se détournent. Qui sont ces marginaux aux visages ravagés ? Des exclus ? Des pauvres ? Ce sont les clochards. Fous d'exclusion. Fous de pauvreté. Fous d'alcool. Et victim... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Le billet d'Apoapo me rappelle ce livre, lu il y a plusieures années. Il documente, en détail, la lente déscente aux enfers que constitue la déstruction d'un être humain par la négligence. Se retrouver à la rue, comme un sac poubelle. Jeté, refusé, éliminé. La honte, la colère, le chagrin, la pitié, la solitude, la peur et bien d'autres choses encore ....

Il y a quelques années, j'étais volontaire dans un hopital Bruxellois. Situé près de la gare du Nord, un quartier qui comptait pas mal de sans-abri. On en voyait régulièrement à l'hopital. Bien sur, on parlait avec eux. Ceux qui n'étaient à la rue " que" depuis quelques mois pouvaient encore exister dans un environnement ordonné. Car, c'est évident, dans un hopital on se lève plus ou moins tous à la même heure, il y les premiers soins, la toilette, le petit déjeuner, suivi d'examens, de traitements, de repos, de visites. Et il faut rester dans sa chambre, être à disposition pour examens et traitements. Alors, quand la vie est devenue un chaos, une quête continue de nourriture, boisson ou drogue, de vêtements, de compagnonnage, d'un endroit où dormir, tout ca est surréaliste. Rester dans une chambre toute la journée, moi ? Faire tout sur commande, manger, debout, assis ? Impossible !

Je me souviens de scènes cocasses, tragiques, folles. Beaucoup allaient fumer devant l'entrée principale, seul endroit où c'était toléré. Je me souviens de ce bonhomme. Admis à l'hopital, il faisait la manche à l'entrée, dans son pyjama au ras des fesses, avec son mât de perfusion. Il était content : "ca rapporte bien ici, ce matin je me suis déjà fait vingt euros ! " L'hopital ,bon enfant, inséré dans ce tissus social de la Gare du Nord, fermait les yeux ... Telle autre, hospitalisée avec son compagnon. le compagnon avait huit ans de rue. Il savait ce qu'il fallait faire pour survivre. Elle était en quelque sorte son apprentie - moins d'un an à la rue. C'est pourtant elle qui était difficile. Jamais a la chambre... Vous vous imaginez... "Mme. Dupuis à la radiographie ... comment VOUS NE SAVEZ PAS OU ELLE EST ?! C'est le bordel dans votre service ? !" . Et, bien entendu, à l'entrée principale, elle rencontrait ses copains, avec leurs caddies, caddies bourrés de canettes de bière. Quand elle a commencé à rentre ivre morte, il a fallu sévir . " Ce service est un service de chirurgie, les gens sont déjà nerveux, anxieux, parce qu'ils vont être opérés. Alors rentrer comme ca en beuglant à 23:00 heures, c'est inadmissible ! Un peu de respect pour les autres ! Si tu recommences, on ne peut pas te garder ! ". La nuit suivante, même histoire. On a fini par trouver un hopital qui l'acceptait encore.

Ce mélange - ingérable - de tragédie, de farce, de folie, d'anarchie ... C'est cela, c'est aussi cela. La kermesse de l'horreur.
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Cet essai, publié en 2001 mais issu d'une thèse de doctorat dont les recherches se sont étendues entre 1982 et 1995 durant lesquels ont été réalisés entre 1500 et 2000 entretiens et plus de 5000 consultations de médecine à Nanterre, demeure un véritable monument, un classique de l'étude des sans-logis à Paris et de leur prise en charge médico-sociale.
Phénomène ambigu s'il en est, mêlant l'exclusion sociologique et la pauvreté extrêmes aux problématiques psychopathologiques de la désocialisation et des addictions, il est traité dans cet opus en deux parties : « Routes », qui est descriptive, laisse une large place à l'étude de cas et des lieux, en donnant également la parole à quelques sujets (par des verbatims et de leurs textes écrits) ; et « Cartes », qui est centrée sur l'analyste clinique et psychanalytique des soignés mais également des soignants, et notamment sur le fonctionnement du Centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre, qui a conservé certaines règles et mentalités de l'époque encore récente (jusqu'à 1992) où le vagabondage était considéré comme un délit, la Maison de Nanterre était régie par une logique pénale, et le « ramassage » était coercitif. Grâce à ces deux parties complémentaires, toutes deux nécessaires et merveilleusement explicatives, commencent à se déconstruire les images confuses et angoissées que nous possédons tous, construites socialement et inconsciemment, d'un public inquiétant, et de politiques publiques que nous pressentons comme inefficaces et peut-être volontairement inadaptées, mais dont les causes d'inadéquation voire de perversion inconsciente ne peuvent apparaître qu'à la lumière d'une connaissance profonde, d'une proximité bienveillante et d'une analyse furieusement lucide, telles que celles de Declerck, formé à la philosophie et à la psychanalyse. de même qu'une approche uniquement sociologique (et politique) désubjectivante et victimisatrice des errants ne suffit pas à rendre compte du phénomène, de même l'idéologie qui fausse notre jugement et tend vers un totalitarisme prescriptif est insuffisante à la compréhension de la dimension inconsciente de nos peurs projectives face à cette altérité qui remet violemment en cause nos normes de vie.
Cette publication a trouvé sa place dans une collection d'ethnologie et d'anthropologie militantes : « Terre humaine » fondée et dirigée par Jean Malaurie. Une postface – que j'ai lue en premier – constituée d'une lettre de Malaurie à Declerck et de la réponse relative, fait état d'une relation d'amitié au moins décennale de ces deux hommes, et d'une interrogation fort compréhensible auprès du lectorat sur la motivation de l'auteur à consacrer une grande partie de son activité professionnelle à un public aussi inhabituel : y aurait-il une vocation religieuse ? ou au moins une philanthropie exacerbée ? L'auteur (cf. infra cit. 8) répond par la négative, avec l'expression de sentiments que les lecteurs de Declerck ont pu connaître par ses ouvrages (y compris fictionnels) postérieurs, mais qui laissent pantois sachant que, durant ses années de formation universitaire, l'auteur a su se faire passer pour lui-même un clochard afin de pénétrer dans la Maison de Nanterre et en voir le fonctionnement du point de vue d'un soigné... Aime-t-il les SDF ? La beauté du réel dans toute son abjection. Renie-t-il sa propre composante sadique ? Même pas. le fait est que sans doute situés à l'extrême du spectre des psychopathologies sociales, les errants et leur étude nous renvoient comme sous une loupe agrandissante à nos propres dysfonctionnements à la fois sociaux et psychiques, en ceci que, conformément à l'aphorisme de Wittgenstein cité en exergue de l'épilogue : « Ils sont pour ainsi dire tous méchants et tous innocents ».

PS : Gros regret pour le fait que les nombreuses illustrations dans le texte, particulièrement celles des oeuvres picturales, aient une si piètre qualité d'impression.
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Un livre bouleversant sur le monde des SDF. L'auteur y retranscrit son expérience au milieu d'eux en qualité de psychanalyste et ethnologue, entre 1982 et 1997. le ton est donné dès l'introduction. La suite est une compilation de tranches de vie aussi accablantes les unes que les autres, entrecoupées d'expériences personnelles de l'auteur, et suivies de son analyse théorique, es qualité de philosophe, anthropologue et psychanalyste. J'ai cependant l'impression de lire ce livre, privilégiant le lien avec la psychiatrie pour ces clochards de l'époque, un peu tard. Depuis, les choses ont changé, avec notamment une proportion de migrants beaucoup plus importante. Je présents qu'un bilan aujourd'hui serait différent mais certainement aussi accablant et termine cette lecture, un peu rapidement, frustré d'un bilan plus actuel.
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Un livre vivant et passionnant qui nous plonge dans les bas-fonds sans pour autant nous lasser. On ne s'ennuie jamais et l'humour de l'auteur nous fait passer la pilule. Cependant, Patrick Declerck est psychiatre, et si la grille utilisée nous livre certaines clefs importantes ( les clochards boivent pour éviter la rumination, c'est-à-dire, le souvenir obsédant d'un traumatisme), elle en biaise parfois d'autres. Les clochards, nous dit l'auteur, sont masochistes. Alors que le personnel de Nanterre leur a précautionneusement rangé les papiers dans une armoire, papiers qui leur permettent d'obtenir des aides, la moitié d'entre eux les réclame avant de partir pour une beuverie, … et les perdent systématiquement ! Quel masochisme en effet ! Sauf …. que des papiers, ça se vend ! Les clochards vivent au jour le jour, drogués par l'alcool. On sait bien que n'importe quel drogué fera tout pour se procurer sa came sans songer au lendemain. de plus l'auteur s'interroge sur le fait que ces personnes ne rentrent pas dans le cadre, même si on voit dans leurs discours les raisons qu'ils invoquent. Patrick Declerck laisse ces arguments de côté. La vie asservissante d'un travailleur en usine qui les saoule ne semble pas un argument suffisant à l'auteur pour vouloir lâcher prise et s'envoler avec les potes vers le sentiment de liberté que doit leur provoquer leurs envols vers la folie des déliriums trémens…. assourdissants, anesthésiants…. Portes d'un lent suicide inconscient !
Les psy s'interrogent toujours sur le pourquoi ne rentre-t-on pas dans le moule ? Jamais il ne leur vient à l'esprit, certainement du fait de leur condition sociale et de leur formation, de se demander pourquoi la plupart des gens rentrent-ils dans ce moule. Comment s'y prennent-ils ? Quelle est le mode d'éducation qui est parvenu à les formater à ce point ? Comment parviennent-ils, durant toute une vie à se lever contre-nature, à manger sans tenir compte de leurs besoins originels, à travailler sans plaisir pour l'enrichissement d'un autre …. Payer leurs taxes, leurs frais de voitures … etc… juste pour pouvoir travailler ! le travail n'est pas un loisir ! Mais il n'est pas de bon ton de l'avouer. On préfère le nier, c'est mieux vu. Les classes « bien pensantes » ont tendance à l'ignorer, parce que certains métiers sont passionnants … mais ceux-ci sont bien-sûr réservés à l' « élite ».
Les clochards ont très peu été éduqués, et de ce fait, deviennent inaptes à accepter leur condition et leur futur. Ils ont tenté d'y croire, de se battre, de travailler, puis un jour, ils ont renoncé. L'abus d'alcool, de drogue ou de folie ont fait le reste !
L'auteur avance que la pauvreté rend les gens méchants. Pour moi c'est un raccourci qui ignore les effets de l'alcool et de la destruction du cerveau qu'il engendre, d'une part, et celle issue des traumatismes. Pour moi, la violence subie, le sentiment d'injustice et l'impression d'être dans une voie sans issue mêlés aux conséquences des drogues et de l'insécurité sont les souffrances qui engendrent la violence. Combien de peuples pauvres sont d'une gentillesse remarquable ? Dire que les pauvres sont méchants n'arrangerait-elle pas les classes favorisées ?
Hormis ces quelques critiques que je me suis autorisées, j'ai apprécié cette démarche.
Qui ne s'est jamais posé la question de la clochardisation dans un pays où les aides sociales sont particulièrement développées ? Les naufragés sont une tentative de réponse à cette question, une trace du passage sur terre de ces laissés pour compte.
L'auteur a raison. Non, il n'y a pas de solution pour ces pauvres gens, les dés sont jetés depuis trop longtemps, peut-être même avant leur naissance, dit-il, dans le ventre de leur mère qui buvait elle-même, pour certaines d'entre elles au moins.
Et c'est tout ce désespoir que leur histoire peut nous transmettre…. Celui de leur vie, leur passé, leurs projets qu'ils n'ont pas, le cadre dans lequel ils sont nés, celui dans lequel ils sont sûrs de mourir, quoi qu'il arrive. le destin.
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Un livre simplement bouleversant qui raconte le monde des clochards.
Patrick Declerck nous livre son témoignage dans cet ouvrage tout autant essai que "carnet de route", et qui lui servira de thèse pour son doctorat.
L'auteur divise le livre en deux grandes parties: "Routes" tout d'abord qui raconte le terrain et l'expérience de Patrick Declerck, et "Cartes" ensuite qui prend un caractère plus théorique et clinique.
Declerck a, à plusieurs reprises, revêtu "l'habit" du clochard pour pouvoir s'immerger dans ce monde à part, cette marge de l'humanité.
En tant que psychanaliste et ethnologue, il tente de démontrer que la clochardisation est en partie liée à des troubles psychiatriques, une difficulté à appréhender le monde.
Un livre d'une grande humanité qui n'apporte pas forcément de réponses définitives et souligne toutes les carences du "système", l'absence de considération des pouvoirs publiques...
On ne sort certainement pas indemne de la lecture des "Naufragés".
Il serait par ailleurs intéressant de savoir quels visages revêt ce monde de la rue aujourd'hui.
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Il est probable cependant que la tranquillité du sommeil des bonnes gens soit à ce prix. Il est une naïveté provinciale de la normalité, qui n'est capable que de se concevoir elle-même, qui ne peut s'imaginer d'alternatives existentielles. Il demeure, enfin et surtout, une vieille peur des classes dangereuses, désordonnées, inintelligibles, sauvages. Une inquiétude profonde devant ceux qu'Oscar Wilde appelait "the drinking classes". (p. 327)
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Les souvenirs se bousculent. Les fantômes, insistants, frappent à la porte. Les morts et les vivants. Les morts vivants. Tous ceux que j'ai connus, croisés. Le temps d'un mot, d'un pansement, d'un comprimé que l'on donne parce qu'il faut bien donner quelque chose. Cohorte de l'ombre, épouvantails, ils sont là, pressants comme une envie de vomir. Écrire vite. S'en débarrasser. Se soulager. En finir enfin. Décharger le poids des visions, le goût du fiel. Poser comme un fardeau la lassitude du soir. En finir...
Un jour parmi d'autres, avec Henry, nous avons reçu un de ces presque fantômes. Oh, pas longtemps ! C'était une hypothermie de fin d'été. (p. 80)
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Ne pas trop penser. Ne pas s'emballer. Ne pas lever la tête car le vertige est là. Celui du non-sens et de l’écœurement. Comme le soupçon d'un frisson à l'épigastre. Comme un appel chuchoté au cœur des heures, au fonds de soi. Ne l'écoute pas, cette sirène maudite. Ne t'arrête pas. Ne faiblis pas. Et surtout n'oublie jamais : ne dépense pas. Tu es pauvre. Pauvre. Ne relâche rien. Ne gaspille pas. Compte. Compte. Compte !
Il est pourtant d'inévitables moments de révolte. Révoltes ratées, masochistes. Pauvres révoltes. Révoltes de pauvres. Jacqueries... (p. 140)
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Le sommeil, vieil ami du malheur. Compagnon silencieux des infortunes amères et tendres. C'est l'un des trois abris où viennent mouiller les solitaires. Les deux autres sont l'onanisme et la marche à pied. Ces trois-là sont frères et compagnons. Ils ne connaissent pas de limites, au-delà de celles du désir lui-même. Toujours possibles. Libertés, ils ne sont que de nous. Ultimes possessions. Autarciques par essence, ils sont le dernier monde de ceux qui n'en ont plus d'autres. (p. 143)
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C'est qu'au soleil noir de la mort, la science objectivante apparaît comme une chose bien petite et quelque peu dérisoire. « Un divertissement », disait Pascal. Dans ces cas-là, une façon surtout de se pencher, myope, au pieds des arbres pour ne pas percevoir la menace qui sourd de la forêt profonde. La rumeur des forces obscures et des monstres de la nuit. Et c'est en cela justement qu'ils se révèlent fascinants et précieux, ces clochards, zèbres inouïs, effarants professeurs du négatif. C'est en cela qu'ils ont, par-delà leurs silences, des choses à nous apprendre. C'est pour cela que je suis resté si longtemps à les regarder, à les humer, à les écouter. C'est pour cela qu'il est des soirs, maintenant que je les ai quittés, où ils me manquent un peu.
Ils ont, en effet, cette hautaine noblesse de ne plus faire de phrases. De ne plus croire – tout dans leurs comportements le montre – au progrès, aux lendemains chantants des efforts collectifs, à l'avenir de l'homme. De ne plus croire en rien d'autre, au fond, qu'au néant et à la mort. C'est là toute la religion qu'ils ont et ils n'en veulent pas d'autres. Sombre grandeur. Nous ne sommes pas si nombreux, nous les hommes, à pouvoir vivre sans espoir.
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