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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
New York se désagrège. Les gratte-ciels se fissurent et se vident. Les chiens partent en bande vers les montagnes. Les eaux refoulent dans les souterrains. New York se meurt. Mais il n'y a que John l'Enfer, un indien Cheyenne, qui sent les convulsions de la métropole. Cette fin prochaine rappelle comment le petit village indien de Manhattan a disparu sous la poussée des colons blancs. Cette fois, c'est certain, la nation indienne vit ses dernières heures. « le douzième laveur de carreaux qui s'écrase en moins de six mois. Tous des Indiens. Je le croyais pourtant différents de nous autres, insensibles au vertige ? / Oui, ça se passe dans leur oreille interne. Maintenant, si ça se trouve, ils s'adaptent. Et ils en meurent. » (p. 13) L'assimilation définitive est-elle donc le dernier acte barbare que les Blancs civilisés commettent envers le peuple millénaire du nouveau continent ?

John l'Enfer est laveur de carreaux. Il s'élève au-dessus de l'agitation fiévreuse de la cité et les milliers de fenêtres de la ville lui renvoient un horizon de fer et de verre qui se craquèle. « le Cheyenne a toujours eu l'impression d'être le spectateur privilégié de cette ville à la surface de laquelle il ne prend pied que pour fermer les yeux. » (p. 50) John n'est pas le dépositaire des rites de ses ancêtres, mais il garde en lui assez de spiritualité pour savoir que New York convulse et qu'il ne fait pas bon y rester. « Il faut se méfier des villes, ça vous assassine mine de rien. » (p. 162)

Le chemin du Cheyenne croise celui de Dorothy Kayne, une jolie professeure d'universitée qu'un accident a rendu momentanément aveugle. La jeune femme a besoin d'être protégée et elle accepte le soutien de John. Et aussi celui d'Ashton Mysha, un officier de marine retenu à terre pour raisons de santé, juif polonais obsédé par son pays d'origine. Ces trois êtres se raccrochent les uns aux autres et élaborent une relation étrange. John aime Dorothy, mais refuse de la toucher. « Il accepterait de pas toucher Dorothy Kayne, jamais. de ne pas danser avec elle, de ne pas changer ses pansements. Mais qu'elle vive dans sa maison, seulement ça – et rien d'autre. Elle est la millième femme, peut-être, dont John l'Enfer rêve de suivre la vie pas à pas. » (p. 86) Il semble que Dorothy aime l'Indien, mais c'est à Ashton qu'elle se donne chaque nuit. Et Ashton ne semble aimer personne : il attend seulement la mort et cette attente le fatigue.

Brusquement, John l'Enfer est au chômage. La malhonnêteté des entrepreneurs new-yorkais est une autre manifestation de l'inexorable déliquescence de la ville. le Cheyenne décide de descendre dans la rue avec d'autres Indiens et de revendiquer les droits des natifs. La marche est stoppée par les forces de l'ordre. « Ne pas confondre un combat de rues avec la guerre des plaines. » (p.94) John l'Enfer est envoyé en prison et sa seule façon de payer sa caution, c'est d'hypothéquer sa petite maison en bois à Long Island, cette bicoque que les riches du voisinage rêvent tant de voir sauter pour y installer des demeures autrement plus rutilantes. Les pouvoirs accusent John d'avoir voulu détruire New York et le procès s'annonce sans appel. « On n'a jamais vu un seul Cheyenne l'emporter sur des millions d'hommes. » (p. 282)

John, Dorothy et Ashton dérivent dans la ville qui se meurt, d'un gratte-ciel vide à un palace où tout est démesuré. le Cheyenne se laisse submerger d'amour pour Dorothy. . « À travers John l'Enfer, c'est la nation cheyenne qui s'agenouille. Respire, avide, le parfum trouble d'une fille blanche et blessée, encore endormie. » (p. 146) Mais Dororthy est une femme effrayée qui use de son handicap pour redevenir enfant. « Ces deux hommes avec toi, que sont-ils au juste ? / Une attente. » (p. 217) de son côté, Ashton décide d'en finir avec ses démons, d'en finir tout court. Il rencontre le docteur Almendrick qui se livre à un curieux trafic d'organes humains sous forme de ventes viagères. La fin se précipite : celle d'Ashton et celle de New York se confondent. Pour les survivants, une seule solution : fuir et ne pas se retourner sur les vestiges à venir de la ville.

En me relisant, je me dis que j'en ai sans doute trop écrit. Mais ce roman est impossible à résumer. Il y a tant de choses à dire à son sujet. Ça faisait longtemps que je n'avais pas été happée par une lecture au point d'en rêver, de rêver d'une ville qui s'effondre et qui se meurt à petit feu, de rêver d'un Indien mélancolique et amoureux et de hordes de chiens qui envahissent Central Park. Oui, je divague encore un peu, mais c'est tellement bon…
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John L'Enfer, je me souviens de ce roman de Didier Decoin qui résonne encore en moi comme un vertige.
C'est un récit presque de science-fiction, atypique, déroutant, quasiment apocalyptique, écrit en 1977, vingt-quatre ans avant le terrible événement du onze septembre 2001 où les deux tours jumelles de Manhattan s'effondrèrent, criblées par la folie du terrorisme islamiste. On ne peut plus y penser autrement désormais.
John L'Enfer, c'est l'indien cheyenne, qui travaille à New York, comme laveur de carreaux sur les gratte-ciels. Les tours de New-York sont gangrenées, un jour elles s'effondreront comme des châteaux sable, on sait désormais qu'elles peuvent aussi tomber autrement, par la barbarie islamiste ou par d'autres barbaries d'ailleurs...
Seul un indien cheyenne peut ressentir les vibrations qui sous-tendent cette ville.
John L'Enfer c'est le roman de la verticalité, une verticalité terrible et sublime, intemporelle.
Manhattan, terre indienne à l'origine, comme tant d'autres. Terre horizontale lorsqu'elle était encore indienne. Terre devenue verticale depuis lors...
La ville de New-York est un spectacle privilégié lorsqu'on est là-haut, lorsqu'on n'a pas le vertige, lorsqu'on assiste avec sérénité à la lente agonie de la modernité.
Un jour, John L'Enfer rencontre une jeune femme, Dorothy Kayne, une jolie professeure d'université qu'un accident a rendu provisoirement aveugle. Il en tombe éperdument amoureux. Il a envie de la protéger. Un autre homme cherche aussi à la protéger, il s'agit d'Ashton Mysha, un officier de marine retenu à terre pour raisons de santé, juif polonais obsédé par son pays d'origine. Ces trois êtres se raccrochent les uns aux autres et vont vivre une relation étrange à trois, sauvage et rebelle...
Il y a de l'amour dans cette histoire, mais aussi une belle solidarité, peut-être s'aiment-ils tous les trois, et qu'importe et tant mieux, s'ils peuvent par leur amour empêcher les tours de New-York de s'effondrer. Mais peut-être n'est-ce pas après tout leur dessein... John L'Enfer, c'est avant tout une histoire d'amour. Et d'ailleurs, qu'importe si ces tours s'effondrent, puisqu'ils s'aiment...
John L'Enfer, c'est le roman de l'amour et du désespoir, de la différence, de la minorité, du peuple indien écrasé qu'on jette sur des tours anonymes, de béton et de verre, vertigineuses, abyssales, loin du rêve ancestral...
Pourtant, qu'il est heureux de s'élever loin de l'asphalte et du bruit, de la rumeur et de la bêtise du monde ! John L'Enfer, c'est un peu le Baron Perché, à la manière contemporaine, façon cheyenne et new-yorkaise. S'élever sur des parois de verre, rappelant le rêve minéral, la lumière, le sable...
Parfois il est jubilatoire de voir une ville démesurée s'effondrer peu à peu, revenir au sable d'avant, à l'horizontalité.
John L'Enfer, c'est le rêve d'une ville moderne qui s'effondre avec tous ces mythes.
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John l'Enfer est un indien Cheyenne, il travaille à New York, comme laveur de carreaux sur les gratte-ciel.
Son chemin va croiser celui de Dorothy Kayne, une jeune femme momentanément aveugle suite à un accident, et d'Ashton Mysha, un loup de mer polonais expatrié.
Dorothy Kayne a besoin d'aide mais pas de pitié, c'est tout ce qu'a à lui offrir John l'Enfer qui tombe amoureux de cette jeune femme dont la couleur des yeux restera un mystère jusqu'à la fin.
Dorothy Kayne tombe sans doute aussi amoureuse de John l'Enfer, mais elle ne le voit pas forcément et c'est à Ashton Mysha qu'elle s'offre toutes les nuits, pas toujours entièrement consentante ce qui en fait une relation déroutante, alors que ce dernier sait pertinemment que John aime Dorothy et vice-versa, en attendant il profite de la pseudo-domination qu'il a sur le Cheyenne : "Elle dépend de vous, pire qu'un chien. Mais je n'appelle pas ça de l'amour. N'attendez rien de l'hiver, John, vous seriez déçu.".

Ces trois destins vont se croiser pour ne faire qu'un l'espace d'un temps dans une ville de New York qui se désagrège petit à petit.
Mais seul John l'Enfer perçoit la fin de la ville, repère et interprète les signes sur les bâtiments ou encore ces chiens qui se rassemblent : "Le Cheyenne a toujours eu l'impression d'être le spectateur privilégié de cette ville à la surface de laquelle il ne prend pied que pour fermer les yeux.".
Il y a beaucoup de symboliques dans ce roman : un univers indien avec ses croyances toujours sous-jacent, une aveugle qui ne voit pas au sens propre comme au figuré, cette meute de chiens qui ne cesse de grandir en périphérie de New York prête à attaquer la ville, cette étrange maladie comme une lèpre qui toucherait la pierre pour la rendre friable et faire s'écrouler les bâtiments.
L'apocalypse n'est pas forcément là où on l'attend : elle aurait pu prendre la forme d'un virus mortel, l'auteur a choisi de la symboliser par les maisons et surtout les gratte-ciel, emblèmes de New York, qui menacent de s'effondrer.
Ne faudrait-il pas y voir aussi le déclin de la race humaine ?
D'ailleurs, même les indiens réputés pour ne pas souffrir du vertige se mettent à tomber des gratte-ciel tandis qu'ils lavent leurs vitres.
Alors que la ville menace de s'écrouler, il y a un trio amoureux qui se cherche, parfois se trouve mais se trompe de personne : "A New York, on ne s'aime plus que le temps d'une défaillance.", un tourbillon qui tourne et emporte le lecteur au fil de ses pérégrinations.
Mais il n'y a pas que New York qui dépérit, Ashton Mysha en a assez de la vie : "Il faut se méfier des villes, ça vous assassine mine de rien.", quant à Dorothy elle est retournée au stade enfant depuis qu'elle est aveugle, seul John l'Enfer est et reste un roc, une personne sur qui compter et à qui s'accrocher.
Ce roman est aussi la confrontation des contraires : le New York opulent qui se heurte au New York pauvre, l'argent à la misère, l'amour au désespoir.
Et puis, il y a New York, ville aux multiples facettes que j'ai pris plaisir à re-parcourir à travers ce roman mettant en avant des lieux ultra-connus et d'autres plus secrets.

Il m'est difficile de parler de cette lecture, elle se ressent plus qu'elle ne se raconte mais le style de Didier Decoin m'a transportée à New York et m'a fait suivre les pas de John l'Enfer à travers cette histoire que j'imagine très bien transcrite à l'écran par le cinéma.
Une belle lecture et un coup de coeur littéraire comme cela ne m'était plus arrivée depuis quelques mois.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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Didier Decoin n'est pas seulement un écrivain voyageur mais un grand romancier, qui part du réel pour nourrir ses fantasmes sur la ville des villes dont il fait un personnage de fiction.
Avec "John l'Enfer" et son précédent roman "Abraham de Brooklyn" Didier Decoin dédie un hymne à la ville nouvelle. Voici, deux volumes, la naissance et la mort de New York.

Dans le ciel, John l'Enfer, laveur de carreaux de gratte-ciel, le Cheyenne volant, super héros de bande dessinée et ange de cet Apocalypse. Les immeubles ne cicatrisent plus. Les vitres crèvent, les escaliers se désossent, les ascenseurs se paralysent, leurs occupants abandonnent les gratte-ciels.

En bas, dans la vallée sombre des immeubles, les politiciens refusent les prophéties de l'ange de l'apocalypse. de retour sur terre, Jon l'Enfer n'est plus qu'un laveur de carreaux au chômage

C'est alors qu'il rencontre dans le no man's land d'un hôpital, Dorothy, jeune enseignante en sociologie urbaine, rendue aveugle par un accident, et Ashton, marin polonais débarqué d'un bateau désarmé.
Ce trio de personnages en apparence hétéroclite observe la déchéance de New York sous le poids de la corruption et de la pourriture.

Dans quel conte Didier Decoin nous entraîne-t-il ?

Ce roman visionnaire nous livre avant l'heure la prophétie d'une ville attaquée par les airs qui voit s'effondrer la proue de l'Amérique.
John l'enfer est très certainement, le roman le plus fort et la plus tragique de sa génération.
Roman à lire !
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Pour ce livre n'oubliez pas de vous munir de votre baudrier, casque, et cordes de rappel : Didier Decoin nous entraîne à la suite de John L'Enfer. Celui ci est Cheyenne et travaille comme laveur de building à New-York (comme de nombreux indiens qui, parait-il, n'ont pas le vertige) En tout cas même sans vertige, c'est un métier très dangereux : un ami de John l'Enfer vient de tomber du du 35eme étage. (Douzième accident mortel en six mois)

D'abord ce roman est fortement ancré dans le réel - puis - tourne peu à peu au fantastique : John l'Enfer fait au 40eme étage d'un immeuble une rencontre improbable ...
Autre élément fantastique : Les chiens quittent en masse la ville de New York pour se réfugier dans les collines proches de New-York
D'ailleurs John l'Enfer fait de même : il « s'évade » régulièrement de New-York pour rejoindre une maison dont il est propriétaire : 3h 00 de route de New-York pour se retrouver avec une vue sur la baie en face de New-York .
Enfin, New-York est un colosse mais très fragile : des immeubles entiers sont insalubres, des maisons s'effondrent atteintes de la « lèpre »

Ce roman bien que centré sur le Cheyenne raconte aussi la rencontre entre John L'enfer, Ashton Misha et Dorothy
John rencontre les deux autres dans un hôpital (où il vient laver les vitres)
Misha vient de se faire opérer de l'appendicite , il est second sur un cargo et son navire est donc reparti sans lui
Il est très isolé (dépressif?) , la cinquantaine. D'origine polonaise, il est arrivé d'Europe à la fin de la deuxième guerre mondiale et depuis il navigue sans rester longtemps sur la terre ferme. Dorothy, elle, a eu un accident de surf et est aveugle (de façon provisoire lui disent les médecins) : elle porte un bandeau en permanence sur les yeux en attendant sa guérison.
Dorothée est professeur en sociologie urbaine à l'université, très choquée par son nouvel handicap elle se repose entière sur Ashton et Misha et m'a parue un petit peu passive.

Au delà de l'histoire très intéressante - que vont devenir John, Misha et Dorothy ? - ce qui m'a le plus impressionné, c'est la vision qu'a John de la ville de New-York : on a l'impression que la ville vit, respire, convulse en essayant de se débarrasser des hommes...

En conclusion : un livre que j'ai lu d'une traite comme hypnotisée, et que j'aurais du mal à classer tellement les facettes sont nombreuses : chemin initiatique pour Dorothy, roman militant pour les minorités, roman écologique avant l'heure, conte et légende indienne, dénonciation de la politique et de ces élus corrompus, fantastique....
Bref je recommande
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John, un indien Cheyenne ne connait pas le vertige. Grâce à cette faculté il travaille à New-York dans une société qui s'occupe du nettoyage extérieur des grands buildings.
Il aime son travail, le fait méticuleusement mais constate une lente dégradation du béton, et prévoit une fin inévitable de la grande métropole.
Beaucoup de personnages dans ce roman qui nous fait voyager un peu partout dans New-York, de Broadway, à Manhattan jusqu'à Long Island.
Prix Goncourt 1977 ne l'oublions pas.
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