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3,36

sur 293 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'histoire pourrait être terriblement banale : une jeune femme égrène dans le train qui l'emmène à Heidenfeld les souvenirs de ses amours passées, tout en attendant la fin du monde.

"Trop tard, chacun est au courant, alors elle se demande comment font toutes ses bouches pour prononcer encore sérieusement le mot Avenir.",


avec mélancolie, avec colère, avec désespoir, avec toute une gamme de sentiments négatifs. Décrit de cette façon, on a déjà perdu une partie des lecteurs potentiels. Mais voilà : c'est sans compter la magie qui imprègne chaque mot, chaque phrase de ce récit enchanteur.

Car tous ces malheurs, ces bleus à l'âme que ne manquent pas de générer un sentiment de tristesse, se transforment par le langage en un récit plein d'humour, de poésie, de joutes oratoires jubilatoires, qui font sourire, et parfois, même rire pour ce qu'il ose dire (je n'écouterai plus jamais Wannabe des Spice girls de la même façon !)

Le propos se permet même de devenir sérieux, faisant appel à la neurophysiologie :

"Ça vaut le coup d'attendre au mieux vaut-il tout de suite arrêter les conneries ? L'amygdale basolatérale et le cortex préfrontal dorsomédian s'apprêtaient à lancer le choix de l'évitement, quand une vague d'entêtement balaya à leur message. Ce qui se passait complètement au sein de son ciboulot, les neuroscientifiques n'en n'ont peut-être pas la clé."

Ce qui n'empêche pas Chloé Delaume d'aborder sans concession les thèmes porteurs de la littérature et de la vie en société de notre époque : #meetoo, sexualité, et statut de la femme.


C'est brillant, drôle, déjanté. Un vrai bonheur.

233 pages Seuil Août 2023
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Ma sorcière bien-aimée c'est Chloé Delaume d'autant plus que sa magie féministe met de bonne humeur grâce à son humour.
Et quel titre, j'adore ce "Pauvre folle" au ton gothique et fantastique.

Le temps d'un voyage en train direction Heidelberg, Clotilde Mélisse tente de recoudre les souvenirs de sa vie chaotique en s'ouvrant le crâne pour y puiser de la matière.
Est-ce la fin du monde ? C'est surtout le moment pour celle qui écrit de comprendre la nature de sa relation avec Guillaume.
Alors que le train roule, Clotilde créée des espaces dans lesquels on peut se glisser, plonge sa main dans sa tête pour y sortir les événements saillants de son existence : la découverte de la poésie dans la bibliothèque de sa mère, le féminicide parental, l'adolescence et ses pulsions suicidaires, le diagnostic de sa bipolarité.
Il y a surtout son lien passionnel avec Guillaume rencontré dix ans plus tôt. Alors qu'il est ouvertement gay et en couple, ils ont une relation charnelle qui se prolonge par une relation épistolaire addictif les éloignant de la réalité. Ils créent Elleetlui comme un conte construit avec des mots entre leurs personnages, le Monstre et la Reine. Mais au contact du réel leur amour ne peut pas tenir.
Pourtant, un jour ils renouent mais il a beau s'être passé dix ans Guillaume ne veut toujours pas de Clotilde dans la réalité même s'il tient à elle.

Ce que j'aime avant tout c'est la liberté de ton de l'auto-psy de Clotilde qui ressemble étonnamment à Chloé dotée de certains pouvoirs. Au gré des paysages qui défilent par la fenêtre du train, des arrêts en gares, sortent de sa tête ses réflexions sur son histoire d'amour douloureuse où se rejoue les blessures de l'enfance. Je ne suis donc pas surprise d'entendre Chloé Delaume, adepte de l'autofiction, dire que la littérature est le lieu où on peut affronter le réel.


Challenge Gourmand 2023-2024
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L'aspect autofictionnel fait peu de doute, car parmi les premiers chapitres, relativement séparés de l'intrigue principale amoureuse, on trouve des souvenirs d'enfance de la protagoniste, et en particulier celui d'un traumatisme fondateur qu'elle partage avec l'autrice : la double mort violente de ses parents par uxoricide et suicide. Mais aussi de très jolies pages sur l'entrée en littérature et le premier choc esthétique poétique, qui semblent conditionner la façon dont Clotilde vivra sa vie, et en particulier ses émotions fortes, parmi lesquelles, évidemment, la passion amoureuse.

Dans la description des relations hommes-femmes après #metoo, le récit ne manque ni d'acuité d'analyse ni de verve pamphlétaire. À travers le parcours de Clotilde, mais aussi de ses amies, le texte pointe le dilemme insoluble des femmes hétérosexuelles déçues par les relations avec des hommes qui pour la plupart refusent de sortir des travers du patriarcat, placées devant un choix dont aucune option ne paraît pouvoir apporter l'épanouissement complet : continuer à relationner avec des mâles jamais à la hauteur, devenir lesbienne politique quand bien même là n'est pas leur penchant naturel, ou se résoudre à l'abstinence et au célibat longue durée. En ce sens il y a parenté entre ce roman et des textes récents tels que l'essai d'Ovidie, La chair est triste hélas. On notera aussi le fabuleux chapitre de typologie du mâle hétérosexuel post-#metoo, aussi juste et hilarant dans sa rédaction que déprimant sur le fond.

Ce réalisme politique réussit étonnamment un beau mariage au fil du texte avec un côté fantaisiste voire fantastique, quelque part entre Boris Vian et Olivier Bourdeaut. Un univers où un chat de compagnie peut se retrouver doté de capacités étonnantes, où les souvenirs s'incarnent sous des formes organiques et minérales, où le corps peut subir de multiples perforations sans y laisser la vie (cette obsession pour l'ouverture du crâne ou le trou dans le ventre, motifs répétés pouvant apparaître comme une forme de réécriture du drame originel).

Chloé Delaume nous ouvre grand la porte de la psyché de Clotilde, sorcière contemporaine atteinte de troubles psychologiques allant de la cyclothymie à la déréalisation et au trouble de la personnalité multiple. Toutes ces singularités rendent l'écriture assez inimitable, faite d'images faisant appel à tous les sens, d'une profonde capacité d'auto-analyse mais aussi d'élans du coeur aussi intenses que désordonnés, qui doivent à Clotilde l'expression du titre.

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Chloé Delaume nous revient avec ce nouveau roman, toujours aussi punk ! Amour impossible, féminisme, sorcellerie, amitiés...sont les nombreux thèmes de celui-ci. Il y a de l'autobiographie surement (certaines situations ne peuvent pas s'inventer, il faut les avoir vécu pour savoir..). L'écriture est souvent poétique, on rigole bien aussi par moment. J'y ai trouvé un coté Amélie Nothomb dans le cocasse, l'absurde de certaine situations jubilatoires. Et puis l'écriture, le style est soutenu (voir classique) par moment et débridé quand il le faut.
Bref, j'ai pris beaucoup de plaisir avec ce livre, comme j'en avais pris pour le coeur synthétique.
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Pauvre folle est un roman contemporain qui explore de nombreuses problématiques féministes et queers. Sans le talent de Chloé Delaume, ce ne serait qu'un catalogue de questions à la mode ou un exercice de style. Elle en fait un vrai roman avec une héroïne forte et originale.
C'est l'histoire d'une femme qui s'installe dans des trains pour voyager dans sa mémoire et se sortir d'une relation abusive. Pourquoi Clothilde en est-elle arrivé là avec Guillaume?
Le geste rappelle celui d'Annie Ernaux dans Passion simple, la conclusion est plus inattendue.
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Chloé Delaume est décidément une autrice qui me bouleverse. Ce dernier bouquin le confirme. Commençant la lecture, avec elle dans un train, j'ai d'abord eu un peu de mal à accrocher les wagons, et puis dès le deuxième chapitre intitulé : "Au commencement, d'abord, il y eut la poésie", je me suis laissée emportée, avec elle qui raconte si bien le choc esthétique de sa rencontre avec la poésie. Très vite, je me suis demandée s'il y avait une part autobiographique (Chloé/Clotilde), et puis après la crise d'angoisse qui m'a saisie sur mon canapé pendant que je lisais l'épisode du choc traumatique, vécu donc puisque je suis alors allée faire des recherches.
Je ne raconterai pas la trame narrative, c'est inutile, j'inscrirai ici mon ressenti quant à cette quête impossible de soi, de l'amour et de la poésie. L'écriture est sublime et sublimation, les mots se parent de majuscules et les métaphores abolissent le temps et l'espace, et même les êtres pour devenir elleetlui, une entité unique, dans tous les sens du terme. C'est idéal, beau et terrible, Pauvre folle. Chloé Delaume évoque toutes ses failles, ses douleurs, ses colères, ses espoirs, ses aménagements pour sur-vivre dans ce monde réel et désespérant. L'écriture permet cela, un regard lucide et décalé sur soi et son environnement, une tentative de résilience pour l'autrice et une expérience d'immersion pour les lecteurices. Il m'en reste des citations acérées et d'autres sacrées, l'angoisse et l'exaltation, et finalement une entière compassion pour l'acceptation de cette déconstruction du mythe. Pourtant je n'y suis pas prête et moi j'attends encore les correspondances : de train, d'amour et de poésie.
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J'ai adoré cette lecture, j'ai dévoré le livre et eu l'impression de lire dans un cocon.

Il y a une écriture particulière, c'est vrai, mais au final, je l'ai trouvée très poétique, douce à l'oreille.

Ce roman est sorti à la rentrée 2023, durant la fameuse "rentrée littéraire". J'avais vu la couverture passer, elle m'avait interpellée. Pourquoi la couronne? Pourquoi cette mise en scène dans l'escalier? Pourquoi tout ce bleu?

Après ma lecture, j'ai été écouter Chloé Delaume, dans l'émission Grand Canal, sur France Inter, du 6 Septembre 2023. Elle est très agréable à écouter, et son discours accessible.

J'aime finalement beaucoup son univers.

Le titre de l'émission radio indique "récit autofictif empreint de réalisme magique", et c'est tout à fait ça.

La Clotilde du livre, c'est Chloé.

Les premiers chapitres sont fondateurs et nécessaires pour comprendre la psyché de Chloé / Clotilde, fondée sur le traumatisme vécu dans son enfance.
L'autrice explique clairement avoir voulu, dans ce roman, faire un écho entre les histoires d'amours adultes et les blessures d'enfance. Selon elle, nous rejouons dans nos histoires d'amours nos traumatismes enfantins, et je suis assez d'accord. Ici, le traumatisme de Chloé va favoriser le déni, lorsque va s'installer son histoire d'amour toxique avec Guillaume. La résilience ne sera d'aucune aide, il faudra à Chloé le temps d'un voyage en train pour analyser cette histoire d'amour afin de la regarder dans son ensemble, au regard de son traumatisme fondateur, pour pouvoir en guérir.

Le roman essaie de rendre compte de ce déni, de cette emprise, qui va permettre à Chloé d'enchanter la relation d'emprise, et de supporter la toxicité de Guillaume. Il est important pour l'autrice d'analyser ce déni, car il va à l'encontre de ses principes: Elle est exclusive, elle rejette les hommes (misandrie, liée à son histoire familiale), et pourtant, son déni va l'amener à accepter d'être la femme de l'ombre.

Un petit mot sur la misandrie exprimée par Chloé Delaume: Elle insiste bien, ce n'est pas une haine essentialiste envers tous les hommes. Elle n'a rien contre les hommes en tant que "personnes". Mais c'est une "lassitude" de comportements masculins récurrents dans notre société, un rejet du patriarcat.

Dans son livre, Chloé raconte que suite à son traumatisme d'enfance, elle a rejeté le réel, s'est réfugiée dans la poésie, et la magie. Elle a cru que la poésie, qui lui permet de faire revivre sa mère, aurait le pouvoir de faire plier le réel. C'est un énorme désenchantement pour elle de réaliser que, non, la poésie ne peut modifier le réel, elle peut uniquement le réenchanter.

Dans l'émission de radio, elle dit cette phrase rigolote: "le réel essaie de me joindre, mais il n'y a personne".

Je ressens souvent ce décalage entre réel et ma "fiction intérieure", et tout ceci me parle énormément.

Elle raconte également que son premier jet de la scène du coup de foudre avec Guillaume était raté, mièvre, et qu'elle a été relire l'écume des jours de Boris Vian pour pouvoir réécrire sa scène de manière plus féerique et magique.

J'ai beaucoup aimé ses portraits, vers la fin du livre, des types d'hommes post metoo. C'es très bien vu.

J'ai beaucoup accroché avec l'idée que nos souvenirs ont chacun une forme et une couleur différente. Certains vont être doux et sucrés, d'autres vont être noirs et aiguisés, les convoquer fait mal. C'est une jolie idée.

Chloé Delaume parle également dans l'émission radio de cette scène très amusante dans laquelle elle va convoquer tous ses "moi" intérieurs pour réfléchir à sa situation avec Guillaume. C'est finalement Relouta, son moi de 15 ans, qui trouvera la solution.
Je pense que c'est très bien vu. J'ai également plusieurs "moi", à mes âges différents, que je convoque régulièrement, pour voir une situation sous leurs angles = > Je pensais cela normal, rassurez moi, le faites vous aussi?

Je recommande cette lecture, il y a un univers très fort chez Chloé Delaume, qui me parle beaucoup. Elle propose quelque chose ici, qui me plait énormément.
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Cher Bookclub de France Culture, je te remercie d'ouvrir le bal littéraire de la rentrée avec le dernier livre de Chloé Delaume chez Seuil
L'autrice est pour moi une décharge électrique qui réveille l'esprit, des mots puissants pour des histoires qui nous racontent la vie.
Elle ne s'offusquera pas, j'espère que je la définisse mon écrivaine aux sortilèges qui frappent fort et avec élégance.
Nous avons besoin de mots nouveaux pour définir nos maux, et remplir les mosaïques de la mémoire de l'apprivoiser de la tutoyer et finalement l'accepter.


Chloé Delaume sait trouver les paroles justes.
Clotilde, là protagoniste est un être sensible loin de l'anhédonie qu'elle craint ou désire ?
Enfance traumatisante, des choix de liberté et un talent dans l'écriture, dans le pouvoir d'évasion.
Son histoire est celle de ma génération aussi, Clotilde est un peu plus âgée que moi mais même combat et échec, souvenir d'un monde disparu, où le possible paressait encore réalisable, où nous n'avons pas plié le réel et où nous nous y sommes finalement pliées.
Ah ! la solitude et l'autosuffisance ou l'amour et la passion. Spleen ou idéal ?



Clotilde s'interroge, nous ouvre son cerveau, partage ses pulsions exacerbées.
Un texte magnétique, impossible de décoller le nez. On lit une page et on guette la suivante.
Les souvenirs et le présent s'entrelacent et esquissent le tableau complexe de la vie de Clotilde. Un voyage en train doit servir à remettre en place l'ADN de ses choix. La destination est l'Heidelberg de Goethe, le but coller les morceaux d'une existence, de celle qui n'est plus une belle et étrange histoire avec un final incertain, mais celle de l'emprise subtile et invisible. D'ailleurs le plus grand problème avec l'emprise est d'en accepter l'existence. Il n'y a pas de vaccin contre la manipulation.
Le train, pour moi aussi a servi de transport de ma mémoire, c'est le moyen que mon coma et mon cerveau ou repos ont choisi pour me faire parcourir mon histoire de vie et faire surgir les souvenirs, un peu comme dans Harry Potter, abandonnés dans un lieu de stockage hors de notre volonté.
Un roman d'exception, la fin d'une histoire à l'époque de la fin du monde.
Le VITRIOL qui mène à l'acceptation, à la résurrection.
Le réel est un cas particulier du possible merci Chloé pour ton texte. Beau.

Je pourrais vous parler encore et encore des facettes de ce livre, de la Villa Médicis à Rome, des troubles différents et variés, mais tout ça est à lire au fil des pages de l'histoire de Clotilde.
Lien : https://blog.lhorizonetlinfi..
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Je découvre Chloé Delaume romancière, je connaissais la Chloé Delaume personnage public. Quelle claque ! Quel plaisir de lecture. Fantasque, poétique, drôle. Je n'avais pas ressenti ce plaisir de lire de la prose depuis mes lectures adolescentes de Boris Vian.
Regarder un Soulages donne envie de peindre, lire ce roman de Chloé Delaume donne envie d'écrire des mots qui dansent devant les yeux et font bondir de soi tout plein d'images.
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